Le contenu du rapport tant attendu du secrétaire général de l'ONU sur le Sahara occidental est connu depuis hier. Dans le document qui doit être débattu le 27 du mois en cours et dont nous avons obtenu une copie, Ban Ki-moon accuse le Maroc de bloquer volontairement le processus pour l'autodétermination du peuple sahraoui et évoque la possibilité de rupture de la trêve si la mission de maintien de la paix ne reprend pas ses activités. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Le roi du Maroc s'était vengé de la dernière visite de Ban Ki-moon dans la région (mars dernier) en expulsant plus de 80 éléments de la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara occidental) vidant ainsi des bases établies dans les zones sous occupation marocaine depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu en 1991. De cette manière, les territoires occupés se sont retrouvés de fait hors du contrôle onusien, ouvrant la porte à tous les dangers. Le président de la RASD (République arabe sahraouie et démocratique) et secrétaire général du Front Polisario avait d'ailleurs immédiatement alerté l'opinion internationale sur les dérives pouvant découler d'une telle situation. Dans son rapport, Ban Ki-moon a rappelé que la Minurso avait été créée par le Conseil de sécurité dans le but de veiller au maintien du cessez-le feu et organiser un référendum d'autodétermination «mais l'expulsion de sa composante civile par le Maroc a empêché cette mission de maintien de la paix de l'ONU d'effectuer ses fonctions». Dans le même document, le SG des Nations-Unies utilise un ton alarmant pour signaler que «l'incapacité de la Mission à exécuter ses tâches entraînerait, à court et moyen terme, des conséquences importantes sur la stabilité de la région et sur la crédibilité des opérations de maintien de la paix du Conseil de sécurité et des Nations-Unies». Il se dit, en outre, «très fortement préoccupé» par la situation sécuritaire dans la région. «La sécurité dans ces territoires risque de se détériorer avec la crise qui s'est fortement répercutée sur la mission de surveillance du cessez-le-feu de la Minurso». En raison des dangers qui guettent la région, Ban Ki-moon a appelé le Conseil de sécurité à rétablir le mandat de la Minurso afin d'éviter également de «créer un précédent pour le reste des opérations de maintien de la paix à travers le monde». Il recommande de ce fait de proroger le mandat de la Minurso d'une année, jusqu'au 30 avril 2017 « car il y a risque de rupture de trêve et de reprise des hostilités si cette mission est contrainte de quitter les territoires sahraouis occupés». Sur le sujet, Ban Ki-moon a enfin révélé avoir soumis un projet évaluant les besoins de la mission à 54,3 millions de dollars, un montant supérieur à celui de l'année précédente (51,1 millions de dollars). Sur le fond, le Secrétaire général de l'ONU a décidé d'accentuer la pression sur le Maroc puisqu'il a axé ses recommandations sur la nécessité de revenir à des «négociations sérieuses devant aboutir à l'autodétermination du peuple sahraoui», des propos qui avaient fâché Mohammed VI en mars dernier lorsque Ban Ki-moon avait remis sur le tapis cette option lors de son déplacement dans la région. Dans son rapport, il relate d'ailleurs la crise qui avait éclaté à ce moment-là. «Je regrette, dit-il, que le Maroc n'ait pas recours à des voies diplomatiques pour régler ce problème, préférant à cela l'organisation de manifestations des communiqués et des déclarations publiques (...) mes propos ne sont pas nouveaux, ils n'étaient pas destinés à blesser le royaume marocain ou laisser percevoir un quelconque parti-pris ni un changement d'orientation de l'institution onusienne». Puis il accuse : «La principale raison du blocage du processus de négociations est due au fait que le Maroc a toujours considéré son plan d'autonomie comme seule base de négociations». Le plan en question est basé sur une sorte de projet d'autonomie du peuple sahraoui sous contrôle marocain. Cette troisième voie que tente d'imposer la partie marocaine depuis de longues années a été naturellement rejetée par le Front Polisario et les Nations-Unies donc, puisque Ban Ki-moon recommande au Conseil de sécurité d'engager des négociations «sans préalable pour parvenir à l'autodétermination du peuple sahraoui». «Il est temps, dit-il, de revenir à des négociations sérieuses, sans conditions préalables et de bonne foi pour parvenir à une solution politique mutuellement acceptable qui permet l'autodétermination du peuple sahraoui». Ce rapport sera donc débattu le 27 du mois en cours lors d'une réunion du Conseil de sécurité où le Maroc compte désormais très peu de soutiens, hormis celui de la France.