Trois congratulations ne font pas une respectable coalition. En politique, plus couramment qu'ailleurs, l'on ne pactise habituellement que dans le but d'acc�der � des positions dominantes ou de les conserver, mais en s'effor�ant de ne rien c�der sur les �fondamentaux � de sa ligne politique. C'est uniquement � cela que servent les accords et que le pragmatique compagnonnage politique devient une vertu d�coulant de l'art du possible. Par contre, la transgression du �quant-�-soi� doctrinal engendre la compromission et chaque tractation alors pr�pare aux reniements. La v�ritable marque d'un grand courant politique se reconna�t, certes � sa capacit� � fructifier en termes d'influences le capital �lectoral ; mais �galement � demeurer prudent face aux strat�gies de fusion et vigilant quant aux marchandages. Autrement dit, pouvoir �conduire les marchands des tapis politiques qui proposent des associations fumeuses, sans pour autant �carter syst�matiquement la possibilit� de travailler en commun avec ceux de son bord. C'est uniquement dans cet esprit que sont utiles les n�gociations inter-partis, surtout quand ceux-l� pr�tendent � l'excellence dans la repr�sentativit� et qu'ils postulent � l'administration du pays. Or, qu'en est-il de la l�gitimit� d'une certaine tro�ka ratifiant une alliance n�e un an auparavant dans la liti�re des all�geances �lectorales ? Ne ressemble-t-elle pas plut�t � un document de �Kominterm� donnant des gages de fid�lit� au stalinisme ? Ces FLN, RND et autre MSP plastronnant fi�rement avec une d�risoire arithm�tique parlementaire ; ont-ils s�rieusement des identit�s tranch�es les unes des autres jusqu'� les convaincre que les pactes qu'ils passent sont les fruits de leurs perspicacit�s politiques tout � fait � l'abri d'un �inspirateur� ? Leurs apparentes dissemblances et leur influence sp�cifique — h�ritage du pass�— sont devenues solubles dans les bonnes eaux du pouvoir et ont fini par les rendre interchangeables dans la pr�s�ance de la gouvernance. Ouyahia, mieux que quiconque, appr�cie parfaitement l'avantage qu'il tire de ce nivellement d'influence qui disqualifie implicitement l'argument de la repr�sentativit�. S'accommodant de son c�t� de ce d�ni, la nouvelle direction du FLN � travers sa docilit� rappelle en filigrane, � cette coalition surfaite, qu'elle n'existe que par le fait du prince et qu'elle n'aura de r�alit� qu'� travers celui-ci. Acteur d'un th��tre d'ombre dont toute la gestuelle publique est r�gl�e par le noyau du pouvoir, ce triumvirat de dirigeants n'a d'autonomie partisane que celle qui lui est octroy�e ponctuellement. Autant parler � leur sujet de �missionnaires� charg�s de constituer le nouveau socle du multipartisme et en m�me temps murer toutes les br�ches de l'opposition. En fait d'alliance, au sens o� s'entend un accord transparent pour gouverner, cette agitation tapageuse est destin�e principalement � t�taniser ce qui reste des voix critiques osant encore s'exprimer. Elle est par cons�quent ni respectable politiquement, ni objectivement n�cessaire � la bonne gouvernance. Pr�mices � la mise en place d'un cartel marginalisant toutes les autres formations, ce monopole a pour finalit� le contr�le sans partage sur les institutions �lues et l'appareil administratif. En trois vocables : la tutelle sur les affaires publiques. Que cette strat�gie doive assurer pour le r�gime une long�vit� pose moins de probl�mes moraux que le pr�texte de la stabilit� et la crainte des turbulences par lesquelles il justifiera le verrouillage du champ politique. Or la paix sociale est comme la fi�vre, elle ne se gagne pas en cassant le thermom�tre que repr�sente une opposition vigoureuse et sans laquelle le sommet de l'Etat sera priv� de connexion avec les pulsations et les pulsions du pays r�el. Sans contre-pouvoir critique et sans censure d�mocratique, � quelle aune doivent se mesurer les performances d'un gouvernement ? � ce sujet, qui a l'int�r�t � travestir les r�alit�s si ce n'est les appareils impliqu�s dans la gestion et qui aujourd'hui font le forcing pour devenir le cordon sanitaire— en termes politique— du chef de l'Etat ? Ces partis-�cran … de fum�e affirment depuis la semaine derni�re qu'ils sont dispos�s � devenir les premiers de cord�e dans les relais de soutien au chef de l'Etat et en m�me temps ses �missi-dominici�. Mais la r�alit� du terrain les confond parfois dans leur œuvre de maquillage de faits. L'exemple en a �t� r�cemment donn� � travers les analyses apaisantes que distillait un Premier ministre auto-satisfait de sa gouvernance et le coup de col�re du chef de l'Etat. Ainsi en est-il de ce gouvernement d'alliance qui ne manque pas une occasion de s'auto-d�cerner des satisfecit au moment o� tous les commentateurs s�rieux mettent en relief son inefficience chronique et constatent qu'il �patine dans la semoule�, comme on dit. L'attelage aux commandes des affaires victimes de ces propres incoh�rences et de la qualit� relative du personnel qui le compose s'essouffle inutilement � faire illusion. Depuis quelques semaines, la question de son remplacement est � la fois sur la place publique et dans les esprits des concern�s. Or c'est au creux de ce doute ambiant que les partis en cause red�couvrent l'usage des conclaves politiques. Alors l'on r�active le compagnonnage du temps des �lections et on lui donne l'onction du sacr� des temps pr�sents. M�me en admettant avec les initiateurs que leur calendrier �tait tributaire des m�nages internes � chaque parti, comment pourtant ne pas voir dans cet empressement � aller vers les c�l�brations, l'urgence qu'ils avaient ressentie � peser sur les intentions du chef de l'Etat, et cela en se pr�sentant en front uni? Mettre en avant la consistance du bloc qu'ils constituent �tait pour eux la fa�on la plus indiqu�e pour balayer les doutes qui les assaillent. Paradoxalement, cette d�marche qu'il a lui-m�me sugg�r�e et �souffl�e� notamment au FLN a son revers. Car d�s l'instant o� il a accept� cette pesante all�geance et admis � ses c�t�s ce s�rail partisan, ses arbitrages en la mati�re seront sujets � caution. Se situant par d�finition au-dessus des partis, le chef de l'Etat souhaitait par ailleurs— depuis sa premi�re �lection— qu'�merge dans l'espace public, � partir de la soci�t� civile notamment, un courant pr�sidentiel qui l'accompagnerait. En vain… De �comit�s de soutien� en �mouvement de r�novation�, les essais furent nombreux et peu concluants. Sans caisse de r�sonance, il s'adaptera � l'opportunisme des partis les plus en vue et alimentera leur corruptibilit� par le biais des quotas �lectoraux. � son tour, il recevra en dote une majorit� pr�sidentielle ressemblant comme une sœur jumelle � celle de son pr�d�cesseur, avec les m�mes discours et les m�mes chambellans. Mais � la diff�rence de Zeroual, Bouteflika � une autre approche du pluralisme � qui il impute en partie l'origine de la crise mais dont il en admet dans le m�me temps la n�cessit� �graduelle�. La d�mocratie qu'il pr�ne se d�marque ostensiblement du classique r�gime des partis. C'est-�-dire du parlementarisme, lieu du pouvoir r�el. Le r�gime pr�sidentiel, avec comme ligne d'horizon le changement de Constitution, l'am�ne en toute logique � anticiper sur les modalit�s de fonctionnement des partis et sur la place qu'ils doivent occuper dans l'architecture future de l'Etat. � travers la tentative d'imposer un cartel de partis � son service exclusif, il entreprend de tester toutes les possibilit�s d'encadrement de la sph�re partisane avec la m�me d�marche qui lui a permis de d�connecter l'institution militaire des enjeux politiques. Partisan d'une recomposition des courants autour de deux ou trois p�les seulement, il ne verrait pas d'inconv�nient � ce que fusionnent et se reconstituent les formations dans des creusets qui recoupent les v�ritables gisements sociaux. Quelque part, Ouyahia y faisait justement allusion lorsque, avec la condescendance du donneur de le�ons, il attribua � l'alliance le m�rite d'avoir �d�pass� certains concepts�. Et d'ajouter sur le ton du conseilleur : �( …) � eux d'en faire autant�. S'adressant, donc, � ceux qui ne sont pas tout � fait convaincus du bien-fond� de cette �pactisation�, sans raison, n'a-t-il pas laiss� entendre que les libert�s politiques peuvent se passer ais�ment du pluralisme? Bient�t l'on ne s'�tonnera gu�re que n�tre tr�s disert Premier ministre aille plus loin dans ce sens. Il estimera, venu le temps, d'amender la loi sur les associations politiques. Alors, au nom de la �sainte alliance�, les parlementaires du RND, FLN et MSP voteront sans faillir une nouvelle �table de commandement� avec peut-�tre le secret remords d'avoir donn� le coup de canif de trop � leur propre libert� de militants.