Des frappes américaines inattendues ont eu lieu, il y a deux jours, en Libye permettant une progression notable des forces pro-gouvernementales libyennes à Syrte, territoire jusque-là sous contrôle de Daesh. L'Algérie et la Tunisie vivement opposées à toute intervention étrangère de ce genre à leurs frontières, observent pour l'instant sans réagir les évènements qui se précipitent à leurs portes... Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Il faut savoir que les frappes américaines menées lundi ne sont pas ponctuelles et diffèrent quelque peu de celles qui ont été enregistrées au cours de cette année par l'aviation US contre des cibles isolées de l'organisation terroriste. Cette fois, elles ont eu lieu à la demande du gouvernement d'Union nationale libyen en lutte depuis de longs mois pour la récupération d'une ville stratégique, Syrte, assiégée par les troupes de Daesh. Dans une déclaration, le responsable du Pentagone nous apprend, en outre, que l'appui aérien des bombardiers américains se poursuivra. «Des frappes américaines supplémentaires continueront de cibler les positions de Daesh afin de permettre au gouvernement d'Union nationale libyen d'effectuer une avancée décisive.» Les deux côtés, américain et libyen, ont annoncé que les terroristes ont subi de lourdes pertes, ce qui a permis aux forces pro-gouvernementales libyennes de reprendre le contrôle d'un quartier important du centre de Syrte. Les terroristes de Daesh maintiennent cependant leur contrôle sur plusieurs établissements stratégiques de Syrte comme l'université, l'hôpital principal et une salle de conférences «Ouagadougou» qui leur sert apparemment de grenier à armes. Jusque-là opposé à toute intervention étrangère, le gouvernement libyen a été forcé, au regard de la situation, de faire appel à l'aide américaine après avoir établi un accord écrit qui insiste notamment sur la nécessité d'être informé au préalable des frappes qui seront menées, d'une part, et d'être d'autre part destinataire des données géographiques (GPS) des lieux ciblés afin d'éviter des pertes du côté des combattants libyens. L'objectif du gouvernement national libyen est bien entendu de poursuivre au plus vite la bataille qui est menée pour la libération de Syrte, ralentie depuis plusieurs semaines par les actions terrestres menées par Daesh qui multiplie notamment des attentats à la voiture piégée. L'appui aérien de l'aviation US a été expliqué comme étant une nécessité qui n'entre pas dans le cadre de l'ingérence étrangère. Pour le prouver une seconde fois, Faïz Essaredj a mené récemment une opération politique contre la France accusée de vouloir s'immiscer dans les affaires libyennes. Au cours du mois de juillet dernier, la présence de troupes militaires francaises avait été révélée au grand jour après le décès de trois officiers français en mission de renseignement parmi les troupes du général Khalifa Haftar, ennemi juré de Faïz Essarradj mais impliqué lui aussi dans le combat mené pour la libération de Syrte. Les autorités françaises ont très vite réagi à travers leur ministre des Affaires étrangères qui a tenté de rassurer les autorités libyennes en indiquant leur soutien total à leur pays et aux efforts en cours pour l'anéantissement de Daesh. Il va sans dire que ce qui se passe à nos frontières ne peut être sans conséquences sur les pays limitrophes dont l'Algérie et la Tunisie vivement opposées à toute intervention étrangère, et aux bombardements en particulier. Notre ministre des Affaires étrangères, M. Ramtane Lamamra, avait déclaré à ce propos que «toute autre intervention militaire en Libye engendrera davantage de destructions et de pertes humaines». Depuis le début du conflit, l'Algérie a, comme on le sait, mis en place un important dispositif sécuritaire le long des frontières concernées pour parer à tout débordement. Le dispositif dépasse d'ailleurs le seul cadre militaire. Le corps médical des cinq wilayas environnantes reste mobilisé pour faire face à tout afflux de réfugiés. La crainte principale des autorités algériennes demeure cependant l'infiltration des terroristes de Daesh. Pour ce, un véritable plan de ratissage se mène quotidiennement dans les zones concernées. Des patrouilles de militaires algériens sillonnent les lieux de passage supposés. Une opération de sensibilisation des populations a été également entreprise afin de faciliter la tâche des militaires qui patrouillent sans relâche. La gravité de la situation a mis en alerte y compris les institutions internationales. Il y a deux semaines, le secrétaire général des Nations-Unies a même transmis un rapport au Conseil de sécurité pour faire part de ses inquiétudes. Celles-ci concernent notamment les risques d'éparpillement des troupes de Daesh dans les pays limitrophes avec la Libye. Dans ce rapport, il signalait que les 2 000 à 5 000 «combattants étrangers qui se trouvent encerclés à Syrte, mais aussi à Tripoli et Damas, vont chercher à fuir et se disperser en Tunisie, en Algérie, en Egypte, au Mali ou en Mauritanie et créer ainsi une multitude de foyers d'instabilité». L'Algérie demeure en alerte.