Nordine Aït-Laoussine, l'ancien ministre de l'Energie dans le gouvernement de Sid-Ahmed Ghozali et président de Nalcosa SA, une société conseil dans le domaine de l'énergie, donne son appréciation sur les résultats de la conférence de l'Opep d'Alger. Il considère qu'incontestablement, ce fut là une réussite et qu'«il faut saluer les efforts inlassables de notre pays dans la recherche d'un compromis qui satisfait, pour le moment, les intérêts de tous les participants». Toutefois, précise-t-il, «le marché va rester dans l'expectative des résultats de la conférence ordinaire de novembre. Un accord unanime à Vienne conduirait, vraisemblablement, au prix souhaité de 50 dollars à 60/bl en fonction de la durée de l'accord et du respect de ses dispositions. Le Soir d'Algérie : Alors que beaucoup d'experts et analystes s'attendaient à un échec de la réunion de l'Opep à Alger, celle-ci s'est soldée par un accord sur le gel de la production à 32.5-33 millions de barils/jour, soit un million de barils/jour en moins. Comment qualifiez-vous ce résultat, alors que deux membres - l'Iran et l'Arabie Saoudite - semblaient ne faire aucune concession sur le niveau de leur production ? Aït-Laoussine : Cet accord de principe n'est qu'une étape dans le revirement tant souhaité de la politique effrénée de défense de parts de marché dans laquelle les grands producteurs du Golfe se sont engagés depuis l'été 2014. Il résulte d'un compromis laborieux entre l'Arabie Saoudite, dont la situation financière s'est fortement dégradée, et l'Iran, dont les moyens de pression s'amenuisent avec le plafonnement prévisible de sa capacité de production à court terme. Il faut saluer les efforts inlassables de notre pays dans la recherche d'un compromis qui satisfait, pour le moment, les intérêts de tous les participants. Un groupe restreint va être constitué au sein de l'Opep chargé de définir chaque part pour chaque pays, dans le partage du gel de production et présentera ses propositions à la réunion ordinaire de novembre prochain à Vienne. Il a été annoncé, en outre, que l'Iran, la Libye et le Nigeria auront un traitement particulier. Cela veut-il dire que cette répartition est très ardue et n'a pu recevoir d'assentiment lors de la réunion d'Alger ? Le compromis n'a été possible que parce qu'il n'a pas abordé explicitement la question de la répartition de l'effort de réduction attendu des principaux pays producteurs, y compris de la Russie. L'expérience a montré que cette répartition est un exercice très complexe qui ne peut pas être conduit avec satisfaction à l'occasion d'une réunion forcément de courte durée car prévue en marge de la réunion de l'IEF. Le plus dur reste donc à faire pour restreindre la production globale de l'Opep à 32.5 ou 33 mmbj (en fonction de la participation de la Russie), soit une réduction de plus de 1 mmbj par rapport à la production actuelle. La décision prêtée à l'Arabie Saoudite de faire la moitié du chemin est un bon signe mais le traitement particulier réservé, comme il se doit, à l'Iran, la Libye et le Nigeria risque de compliquer les calculs si l'Iraq, le Koweït et les Emirats arabes unis ne font pas preuve de souplesse. Le gel de la production auquel est arrivée l'Opep à Alger est une décision contraignante car l'autre réussite d'Alger a consisté à avoir transformé une réunion informelle en une réunion extraordinaire, donc décisionnelle. Aussi, quand va être mis en œuvre ce gel, selon vous ? Quel effet sur le prix du baril? Dans quelle proportion et pendant combien de temps ? La transformation en réunion extraordinaire d'un meeting initialement prévu à titre informel constitue une routine au sein de l'Opep. Une fois que les pays membres de l'organisation sont d'accord, rien ne les empêche de convenir, sur-le-champ, d'une réunion extraordinaire. Cette façon de procéder est parfaitement conforme aux statuts de l'organisation. Cela dit, le marché va rester dans l'expectative des résultats de la conférence ordinaire de novembre. Un accord unanime à Vienne conduirait vraisemblablement au prix souhaité de 50 dollars à 60/bl en fonction de la durée de l'accord et du respect de ses dispositions. Un échec ou un accord incomplet pourrait, par contre, conduire à une rechute vers 40 dollars/bl. Dans l'intervalle, le doute nous maintiendrait dans une situation proche de celle que nous avons connue cette année, c'est-à-dire à un marché extrêmement volatile qui empêcherait toute planification à court ou moyen terme. Le ministre algérien de l'Energie a déclaré, en conférence de presse finale, qu'avec les décisions prises, «l'Opep revient à sa fonction de monitoring du marché». N'est-ce pas encore, et depuis quelques années, la géopolitique qui contraint le marché ? Nous n'en sommes pas encore là. Le retour à la politique traditionnelle de l'Opep de moduler sa production pour défendre un niveau de prix souhaité nécessite d'aller au-delà d'un accord de principe, même unanime. Il faut espérer que l'esprit de coopération et de solidarité qui a prévalu lors de la rencontre d'Alger conduira à un accord plus concret. La réunion ordinaire de Vienne en novembre prochain peut constituer un tournant bénéfique pour les pays exportateurs et l'industrie pétrolière mondiale. Il faut la préparer dès maintenant.