La demande d'adhésion du Maroc à l'Union africaine paraît plus que jamais compromise. Le commissaire à la paix et à la sécurité de l'organisation africaine a tenu dans ce sens des propos laissant clairement entrevoir que l'objectif marocain ne sera pas atteint. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La déclaration de Smaïl Chergui dépasse de loin toutes les déclarations qu'Alger avait enrobées dans des tournures diplomatiques inévitables dans des sujets aussi sensibles. «Les Africains, dit-il, ne sont pas prêts à mettre cette importante organisation dans une situation délicate dont elle se passerait en pareille conjoncture (...) ils ne cessent de réitérer l'importance de l'Union en tant qu'outil pour la protection du continent et la relance de son développement». S'exprimant à l'issue des travaux du 4e Séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique, il a également tenu à rappeler que «l'adhésion à la l'Union africaine est régie par des critères clairs et sans préalable aucun. Toute partie désirant y adhérer devra se considérer comme le reste des membres avec les mêmes droits et obligations (...) Partant de là, est bienvenu celui qui respecte ces critères, mais pas au détriment d'un autre Etat et sans préalable aucun car les lois de l'organisation ne permettent pas cela», ajoute-t-il. Une manière on ne plus claire d'exprimer le refus de l'Union africaine à la demande du Maroc, qui s'est retiré en 1984 de cette organisation pour protester contre l'admission de la RASD. Mohammed VI semble avoir compromis définitivement ses chances de réintégrer cette union en prenant la décision de se retirer du Sommet afro-arabe, qui s'est déroulé en novembre dernier en Guinée équatoriale, en signe de protestation contre la présence d'une délégation sahraouie. Huit autres pays, majoritairement issus des monarchies du Golfe, s'étaient solidarisés avec le Maroc en se retirant en même temps de ce sommet sachant, pourtant, que l'Union africaine figurait par ses plus importants organisateurs. C'est d'ailleurs sur demande de cette organisation que la RASD avait accepté d'assister à cette rencontre où elle n'avait pas coutume de figurer pour éviter de mettre l'UA dans la gêne vis-à-vis de certains invités comme le Maroc. Cette fois pourtant, et suite à la demande d'intégration du Maroc, il en a été décidé autrement. L'inscription d'une délégation sahraouie au Sommet a été automatiquement perçue comme étant un test déterminant exercé par l'UA pour s'assurer des intentions marocaines. Mohammed VI ignorait-il alors ce fait ? Bizarrement, et quelques jours seulement après son retrait du Sommet arabo-africain, ses ambassadeurs ont repris leur bâton de pèlerin pour parcourir des pays du continent à la recherche d'une adhésion à sa demande. Car, au même moment, l'Union africaine informait qu'une enquête destinée à recueillir l'opinion des pays membres de l'UA avait été ouverte et que de son issue dépendrait la réponse définitive des Africains au roi. Celle de l'Algérie est connue et partagée par de nombreux partenaires africains qui craignent que la demande d'intégration ne soit, en fait, qu'un subterfuge destiné à phagocyter l'organisation en la divisant sur le principe de soutien à l'autodétermination du Sahara occidental. Venant du commissaire pour la paix et la sécurité en Afrique, cette déclaration sur la crainte africaine de compromettre la stabilité de leur organisation par un membre tiers sonne non plus comme une simple mise en garde, mais un verdict sans appel. Hier, le Maroc n'avait pas encore réagi à cette dernière nouvelle. Il faut dire que l'attention du roi semble actuellement, et paradoxalement, focalisée sur l'affaire Guerguerat. Cette zone, considérée comme un no man's land que même Hassan II n'avait pas osé revendiquer puisque considérée par les Nations-Unies comme une partie des territoires libérés par les Sahraouis, a été investie par des gendarmes marocains sous prétexte de lutte contre la contrebande. Le Front Polisario, qui y voit une violation grave des accords ONU-OUA, informe la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara occidental) et alerte les Nations-Unies. Sans résultat. Brahim Ghali, nouvellement élu responsable du Front Polisario et président de la RASD, entreprend une visite surprise à Guerguerat pour, nous apprend l'agence de presse sahraouie, superviser la construction de deux postes «destinés à consolider la souveraineté de l'Etat sahraoui sur les zones libérées». Chef de guerre reconnu, Brahim Ghali déploie en même temps un dispositif de guerre impressionnant. Sur le site sahraoui, des photos de chars et de soldats sahraouis posant avec leur chef sont postées. Le Conseil de sécurité s'est réuni en toute urgence il y a quelques semaines pour étudier la situation. Les deux camps sont sur le pied de guerre.