La paix n'est pas revenue en Libye où les deux principaux camps rivaux continuent à s'entre-déchirer. Mobilisés depuis la chute du régime El-Kaddafi, les pays voisins, l'Algérie en particulier, tentent de forcer la main aux frères ennemis et de les amener à stabiliser une situation qui menace de déborder sur la région. L'enjeu est de taille et les freins tellement nombreux... Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Après une récente période de wait and see, très certainement liée aux développements politiques qu'enregistre le pays sur un plan interne, les diplomates algériens ont repris leur bâton de pèlerins pour aller plaider la parole juste en Libye où la communauté internationale n'est pas encore parvenue au but escompté. «Il faut débroussailler de manière méthodique un terrain où les embûches ont tendance à se reconstituer presque naturellement», nous confiait récemment un diplomate parfaitement au fait du «terrain» libyen. Un terrain où il a fallu d'abord réduire les capacités de nuisance des groupes de Daesh, «une véritable bande de fous qui ont réellement cru avoir réussi à conquérir l'espace leur permettant de proclamer le califat dont ils rêvent». La guerre menée contre les bastions de l'organisation terroriste a été rude, elle se poursuit encore en partie «mais le plus gros est fait». «Ce qui se passait là-bas est complètement surréaliste, des hommes vêtus comme au Moyen-Age, tapis dans le désert, armés jusqu'aux dents... Certaines images étaient vraiment dignes de films de fiction. Vous les imaginez prendre le pouvoir à quelques centaines de kilomètres d'Alger, ou même de Tunis...» Aujourd'hui, Daesh ne peut plus compter sur ces principales bases arrière réduites en poussière par l'aviation libyenne appuyée par des coalisés américains et européens. Mais la paix n'est pas revenue. Et elle ne peut l'être qu'après l'obtention d'un consensus entre les principaux camps rivaux qui s'affrontent pour le pouvoir. Le schéma est connu. D'un côté, le gouvernement national reconnu par la communauté internationale et siégeant à Tripoli sous le commandement de Faïez Essaredj, et de l'autre, le terrible général Haftar, ennemi juré des groupes terroristes, décidé à ne pas se départir de l'idée de prendre le pouvoir en Libye. Engagée dans un processus de médiation vu d'un bon œil par l'Occident, l'Algérie a dépêché il y a quelques jours une délégation de haut rang pour tenter justement d'amener Haftar à revenir à de meilleurs sentiments. Le général avait auparavant refusé de répondre à une invitation d'Alger. Et c'est donc Alger qui est venue à lui. Ce mercredi, un communiqué officiel a fait savoir que le ministre chargé des Affaires maghrébines, de l'Union africaine (UA) et de la Ligue arabe s'est entretenu à Benghazi avec Khalifa Haftar indiquant que la réunion s'est tenue au sein du quartier général de ce dernier. Le texte précise que Messahel était accompagné d'une délégation de haut rang et que la réunion a porté sur «les derniers développements intervenus sur la scène politique libyenne et sur l'impératif soutien au dialogue libyen basé sur l'accord politique et la réconciliation nationale». Plus important encore: le communiqué en question annonce la possibilité d'une révision de l'accord politique entériné il y a de longs mois et qu'il se fera «sur la base des propositions formulées par les parties libyennes». La situation s'éclaircit : le refus du général Haftar de se rendre à Alger pour prendre part à des négociations avec les parties adverses a pour origine sa décision de ne pas s'inscrire dans l'accord politique proposé en vue d'un règlement rapide de la situation. Sur certains points, du moins, puisque le texte en question fait état de «révision» et non de reformulation. Le report mystérieux du sommet tripartite entre les Présidents algérien, libyen et égyptien pourrait partiellement s'expliquer aussi par cette situation puisque la réunion devait déboucher sur des décisions basées sur l'accord politique actuellement remis en cause par l'une des plus importantes parties libyennes. L'une des thèses formulées autour du report faisait état de l'indisponibilité du Président Bouteflika pour raisons de santé. Certaines informations avaient également mis en avant l'existence d'entraves égyptiennes à la proposition de tenir ce sommet à Alger. Mais les raisons paraissent plus profondes. Si les détails politiques remis en cause par les factions libyennes demeurent encore inconnues, il apparaît, en revanche, que la médiation algérienne est très bien accueillie en Libye où Abdelkader Messahel a été reçu très chaleureusement par la population dans toutes les villes de Libye où il s'est rendu pour une tournée qui le mènera de bout en bout de ce territoire. Hier, la délégation algérienne s'est déplacée dans le sud du pays pour transmettre le même message qu'elle avait livré à l'Est : «Il n'y a pas d'alternative au règlement politique consensuel interlibyen loin de toute ingérence étrangère.» Rendez-vous est pris pour le démarrage d'un nouveau round de négociations.