Pour elle, sauver cet héritage est un devoir de mémoire. Elle considère que l'art culinaire chenoui n'est pas seulement un héritage du passé mais aussi une facette de l'identité chenouie que les générations futures doivent connaître et faire perpétuer. Rabéa Nedjar, spécialiste en herbes et en cuisine traditionnelle du Chenoua (Tipasa), est une passionnée de la nature. Elle œuvre inlassablement à réhabiliter les produits du terroir comme le pain traditionnel, meilleur pour la santé. Elle en explique les particularités : «les farines spéciales ont une valeur nutritionnelle très importante pour la santé. Elles contiennent beaucoup de vitamines, de sels minéraux et d'oligo-éléments.» Rabéa Nedjar puise dans ses connaissances et son expérience pour fabriquer des pains bio et explorer toute la richesse des plantes. «Je fais le pain de ma mère et de ma tante, un pain fait maison. Un pain fait avec des herbes du mont Chenoua.» Nedjar est passionnée de cette culture culinaire dès son enfance. Elle apprit aux côtés de sa tante et de sa mère à marier et à inventorier les herbes et les saveurs. Pour elle, sauver cet héritage est un devoir de mémoire. Elle considère que l'art culinaire chenoui n'est pas seulement un héritage du passé mais aussi une facette de l'identité chenouie que les générations futures doivent connaître et faire perpétuer. Rabéa Nedjar est née à Tipasa, juste avant l'indépendance. En plus de ses recherches sur le terrain sur les plantes comestibles et médicinales, elle a suivi plusieurs formations sur l'art culinaire en Algérie et à l'étranger (France, Italie). Elle a également suivi des formations sur le pain (pain spécial et traditionnel) et sur le fromage artisanal. Avec Radio Tipasa, elle contribue aux émissions culinaires. Elle œuvre donc depuis une trentaine d'années à mieux faire connaître la région du mont Chenoua dans le domaine du patrimoine culinaire, tout en rendant hommage aux femmes de la région auprès desquelles elle a beaucoup appris. Les plantes sauvages, fait-elle remarquer, sont des aliments et végétaux très bénéfiques. Elles poussent spontanément dans les endroits qui leur conviennent le mieux. «Dans une plante, il y a plusieurs langages. Il faut respecter toutes les plantes qui poussent dans la nature (tiges, feuilles, pousses) et réconcilier l'homme avec la nature», commentera-t-elle. «Comparativement à d'autres régions du pays, notre cuisine est un peu spéciale, car tous les plats sont à base d'herbes qui poussent pendant les quatre saisons, donc à longueur d'année. Tout se mange sainement et naturellement, comme le champignon de forêt, l'asperge sauvage, les fruits des bois, etc. certaines plantes poussent en bordure de mer, à l'image du fenouil de mer, qui pousse sur les rochers (...) Il faut être Chenoui pour bien comprendre cette cuisine, aujourd'hui très appréciée chez nous et même en Europe.» Un moment de silence puis elle ajoute : «Si on veut développer le tourisme en Algérie, il faudra d'abord aider les gens qui ont le savoir et la compétence dans tous les domaines, y compris l'art culinaire et l'artisanat.» Lors de sa série de participations à des concours d'art culinaire en Europe, Rabéa Nedjar décrochait souvent les premiers prix. «Les membres du jury voyaient à chaque fois l'originalité dans ces recettes bio à base de plantes et de produits du terroir», explique-t-elle. Elle a visité l'Alsace ainsi que les montagnes de l'Italie, où elle a découvert certaines plantes, qui se trouvent aussi dans le mont Chenoua comme le pourpier (merdjila), la menthe pouliot (fliou) et la laitue sauvage (akrouste en tamazight). «Notre cuisine est méditerranéenne. Elle est basée sur l'huile d'olive et les herbes. La cuisine italienne a beaucoup de similitudes avec la nôtre», fait- elle remarquer. Son message est clair : «On doit protéger les plantes. Sur le plan nutritionnel, elles nous donnent des apports en acides aminés, en vitamines et en oligo-aliments. Les plantes sont aussi utiles pour nous soigner, comme elles sont nécessaires à l'équilibre de l'écosystème.» En effet, sans la nature, il n'y a pas de vie sur terre.