Une vingtaine d'artistes-photographes algériens exposent leurs œuvres au Musée d'art moderne et contemporain d'Alger jusqu'au 13 juillet. «Ikbal/Arrivée» se donne comme ambition de révéler la nouvelle photographie algérienne, sous la houlette de Bruno Boudjellal. Fruit d'un atelier artistique encadré par Bruno Boudjellal à la villa Abdeltif en 2015, plus de 200 clichés de vingt photographes sont visibles au MaMa avant de prendre leur envol vers la Biennale des photographes du monde arabe contemporain à la Cité des arts de Paris en septembre 2017. Beaucoup d'entre eux se sont déjà imposés sur la nouvelle scène algérienne, d'autres sont moins connus, mais tout aussi inspirés. Dominée par la photo documentaire, l'exposition donne à voir la diversité et, paradoxalement, l'homogénéité des propositions artistiques dans le domaine de la photographie en Algérie. Bien sûr, il y a les incontournables tels Youcef Krache et son regard scrutateur sur la société, Fethi Sahraoui et sa série Stadiumphilia qui magnifie l'univers des supporters de foot, la passion rurale de Ramzy Bensaâdi qui capture et communique l'émotion et la beauté brute des célébrations tribales dans l'ouest du pays, Hakim Rezaoui qui poursuit sa quête esthétique à travers les silhouettes évanescentes et les paysages muets, Atef Berredjem qui surprend avec une installation photographique racontant ses 64 voyages en train à travers l'Algérie, Sonia Merabet qui se plait à interroger les atmosphères à la fois paisibles et angoissantes de chantiers à l'abandon à Djanet, Oussama Tabti qui ironise sur les palmiers artificiels utilisés comme artefacts pour dissimuler les antennes relais... Mais on découvre également les œuvres d'artistes moins connus à l'instar de Moul el Djellaba, phénomène mystérieux né sur les réseaux sociaux, dont les autoportraits fascinent et intriguent par leur plastique crépusculaire, parfois morbide. L'artiste a réussi à se créer un personnage devenu indissociable de son œuvre, laquelle explore l'urbanité et la ruralité du pays comme espaces de création et de représentation qui accentue le relief psychologique du tableau et en décuple l'esthétique. Hamid Rahiche propose une série de clichés réalisés à «Climat de France» sur les hauteurs d'Alger, quartier symbolique de l'art architectural de Fernand Pouillon, devenu aujourd'hui un ghetto de plus de 50 000 personnes. Parmi elles, le photographe s'intéresse particulièrement aux jeunes aux prises avec l'ennui et l'étroitesse de l'horizon, n'ayant pour seul terrain de loisir que leur quartier décharné. Dans une toute autre atmosphère, Sihem Salhi fait preuve d'audace en réalisant une série d'autoportraits au moment de la prière. Loin de tout exhibitionnisme ou de prêche religieux, les photos dégagent au contraire une esthétique toute vaporeuse, particulièrement mise en avant par les mouvements dansant avec la lumière et célébrant une mystique échappant presque au cadre strictement religieux. A Oran, Shanan ‹ vit ce qu'il appelle son «exil» parmi une foule étrange et étrangère dont il ne cesse de scruter les visages et la gestuelle comme pour y trouver le reflet de sa propre solitude. Ses clichés en noir et blanc réussissent, en tout cas, à matérialiser cette angoisse existentielle qui court les rues de nos villes. La même mélancolie emplit les portraits de Yanis Kafiz : des visages tourmentés, des corps ensommeillés ou las, des regards éteints ou inquiets... Spectrales et silencieuses, ces images sont pourtant bavardes et traduisent insolemment l'état d'esprit de toute une jeunesse, tiraillée entre l'envie de vivre et la tentation de renoncer. L'exposition est certes loin d'être exhaustive pour ce qui est de révéler les expériences artistiques algériennes en photographie, mais elle parvient à donner une idée globale sur l'évolution de cette discipline qui ravira certainement les spectateurs, qu'ils soient novices ou avertis.