Le phénomène de la toxicomanie prend une ampleur inquiétante en Algérie. Après les adolescents, ce fléau social tend ses tentacules pour atteindre des enfants âgés de neuf à dix ans. Une situation que des experts qualifient de «très alarmante». Rym Nasri - Alger (Le Soir) - La consommation des stupéfiants n'a épargné aucune couche sociale. Aujourd'hui, même les enfants ne sont plus à l'abri. «La toxicomanie en Algérie est très alarmante. Aujourd'hui, elle touche les enfants de 9 à 10 ans», assure le professeur Madjid Tabti, chef de service de pédopsychiatrie à l'Etablissement hospitalier spécialisé Mahfoud-Boucebci, à Chéraga. Soulignant le nombre «inquiétant» de consultations des personnes qui font des addictions à la consommation des drogues (cannabis, psychotropes et drogues dures), il ajoute : «Il faut faire un état des lieux de l'adolescent et de la consommation des drogues en Algérie, parce que la situation est très alarmante.» Il cite ainsi le cas d'adolescents âgés de 14 à 15 ans ayant un actif de cinq années de consommation de toutes sortes de drogues. «Ces cas sont très souvent associés à l'alcool. Il y a de quoi s'alarmer !», insiste-t-il. Intervenant en marge de la conférence annuelle d'évaluation du travail de la commission sectorielle de prévention des fléaux sociaux de l'APW d'Alger, tenue hier à la Maison de l'enfant, à Ben Aknoun (Alger), le Pr Tabti a préconisé l'écoute de cette tranche vulnérable de la société et sa prise en charge «imminente». Pour lui, la «triangulaire : famille, société et école» doit être prise en considération. «Outre la famille qui est passée de traditionnelle à une famille moderne, aujourd'hui, des mutations sociales et culturelles sont en train de se faire massivement, et de façon irréversible et qui impactent directement sur la famille dont le rôle est de protéger l'enfant. Tous ces facteurs font partie de l'émergence d'une adolescence d'enfants qui ont perdu leurs repères», explique-t-il. Pour débattre de ce fléau social et lui trouver des solutions, le spécialiste plaide ainsi pour l'organisation d'assises nationales impliquant plusieurs acteurs concernés, notamment les médecins, les sociologues, les psychologues et les anthropologues. Même son de cloche chez le commissaire principal Ghelab Tarek, chef de brigade de lutte contre le trafic illicite des stupéfiants à la division Est de la police judiciaire, qui affirme, pour sa part, que le dossier de l'enfance, celui des stupéfiants et de la délinquance s'enchevêtrent. Deux fléaux qui ont justement affecté les établissements scolaires. Pour lui, la protection des enfants des fléaux des drogues et de la délinquance repose sur la sensibilisation et la prévention. D'ailleurs, souligne-t-il, «des experts assurent que la répression coûte plus cher que la prévention et la protection de ces fléaux». Et d'ajouter, vaut mieux prévenir que guérir. «Il faut plutôt investir dans la sensibilisation et la prévention que d'aller vers la répression», conclut-il.