Un coffret de cinq CD réunissant deux générations de musiciennes et de poètes de l'imzad a été édité dernièrement par l'association Sauver l'imzad. Intitulé «Imzad», tout simplement, ce coffret, sorti aux éditions Padidou, est le premier recueil grand public dédié à ce patrimoine musical, poétique et artisanal commun à quatre pays africains : Algérie, Libye, Mali et Niger. L'imzad est une sorte de violon, un vieux monocorde plusieurs fois millénaire, fabriqué et joué exclusivement par les femmes touareg. Le coffret réunit les enregistrements de joueuses d'âge avancé ou disparues aujourd'hui, qui ont enseigné l'imzad aux jeunes filles de la région à une époque où il ne restait que quelques joueuses en Algérie, notamment Biyat Edaber (94 ans) qui dirige une école d'imzad, Alamine Khoulen (82 ans), première enseignante de l'association, et Dmeyla Edaber qui a enseigné l'imzad jusqu'à sa mort en 2009. Le premier CD regroupe 17 pièces instrumentales du répertoire Amghar Izlân (père de tous les airs) qui, selon la tradition, est le prélude obligatoire à toute séance d'imzad, et sert souvent d'interlude. Dans ce disque, Alamine Khoulen exécute Amghar Izlân, Azel Wan Medouten (air des terres noyées par les eaux) ou encore Têklé N'Khoro, un air des pas de la chamelle. Biyat Edaber, de son côté, interprète des airs d'ambiance comme Assendjad'al (le boiteux), Eydi (le chien) ou encore Lisân (le cheval). Alamine Khoulen, accompagné des poètes Nighat El Hoceyni et Mohamed Adjila, propose un deuxième disque dédié aux «Izlân Wan Sembir», des airs joués sur de longs poèmes d'amour écrits par le vieux poète Sembir, aux Izlân Wan Taggaq (airs accompagnés de nappes vocales), aux Izlân Wan Séyénin (airs accompagnés d'hommages), des histoires vécues et transmises oralement par les poètes et rendant hommage à la bravoure des guerriers, à la beauté des femmes. Les 3e et 4e CD du coffret sont consacrés à la poésie chantée, Issiway win midden. cette dernière partie du coffret est exécutée par de jeunes joueuses d'imzad formées par des membres de l'association dont Fatima Badi (29 ans), Keltoum Hamadi (28 ans) — devenue elle-même enseignante — ou encore Cherifa Edaber (53 ans), élève de Chtima Bouzad et aujourd'hui enseignante à Tin Tarabin, aux frontières algéro-nigériennes. En 13 morceaux, les artistes reproduisent des chants de fêtes traditionnelles, chantés en intégrant des instruments comme la tazemart (flûte de l'Ahaggar). Parmi ces morceaux figurent Abouneyeti (Mon enfant) chanté avec feu Meddaoui Barka à la tazemart et le poète feu Nighat Boukiyas, Tawanass (une histoire) Imahaytel (détourner ou éloigner d'un danger), Dawatenni (la joie) ou encore Ikkaradene du nom d'une tribu. Ce coffret est également accompagné d'un livret expliquant les différents airs enregistrés, racontant leur histoire et présentant les biographies des artistes ainsi que l'historique de l'association Sauver l'Imzad. Le livret comporte en outre un texte sur l'importance de l'imzad dans la société targuie, ainsi que la dimension thérapeutique de cette musique dont la poésie retrace l'histoire des communautés targuies, transmise oralement depuis des millénaires. Le coffret Imzad a été réalisé avec le concours de l'Onda (Office national des droits d'auteurs et droits voisins) et de l'ONCI (Office national de la culture et de l'information). Fondée en 2003 par Mme Farida Sellal, l'association Sauver l'Imzad, qui œuvre pour la sauvegarde de ce patrimoine, a d'abord rassemblé les dernières joueuses d'imzad pour assurer la formation des jeunes filles, avant de réaliser à Tamanrasset Dar El Imzad (la maison de l'imzad) qui accueille les artistes et offre des ateliers de formation, d'artisanat et des espaces de création. En outre, un musée de l'imzad a été ouvert dernièrement L'imzad a été classé en 2013 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco.