Bachir Ch�rif, directeur de publication du quotidien "La Tribune " Cette date du 3 mai intervient dans des circonstances sp�cifiques et difficiles. D'abord, nous avons un ami journaliste en prison en l'occurrence Mohamed Benchicou. L'�v�nement est aussi sp�cifique parce qu'apr�s 15 ann�es d'existence, c'est le moment de casser beaucoup de tabous. A ce titre, s'assumer en tant qu'�diteurs, journalistes et aussi pour tous les m�tiers qui d�pendent de la corporation, pour prendre de la distance entre le concept d'�tre ind�pendant ou pas est une probl�matique politique et celui d'�tre dans le monde �conomique et donc de diriger une entreprise priv�e. Ce sont des conditions difficiles. La corporation s'est �loign�e du concept de solidarit� et des grandes th�ories de la libert� d'expression. Le 3 mai est ainsi r�duit � un tir sporadique qui devient malheureusement une r�alit� pour les acteurs qui ne sont pas de la corporation et ne vivent pas les vicissitudes du m�tier un commerce. Ils occultent le seul acteur du monde m�diatique qu'est le journaliste toutes tendances confondues. Nous sommes donc condamn�s � rester solidaires au moins sur un minimum syndical, � savoir la d�fense du m�tier d'informer en respectant les r�gles fondamentales de ce noble m�tier sans recevoir de le�ons de quiconque. M. Chermat, r�dacteur en chef du quotidien "La Nouvelle R�publique" Cette journ�e d�di�e � la libert� de la presse intervient apr�s la p�riode du 8 avril 2004, date de l'�lection pr�sidentielle et l'on remarque depuis, une baisse de tension dans le monde de la presse. L'�v�nement intervient aussi apr�s l'incarc�ration d'un certain nombre de journalistes dont Mohamed Benchicou qui est toujours en prison. Quelles que soient les raisons de cette incarc�ration, nous ne pouvons tol�rer qu'un journaliste soit emprisonn�. Mis � part ce constat, la presse alg�rienne reste dans la m�me situation � savoir l'absence de loi-cadre sur la communication, fermeture du champ audiovisuel, pr�carit� des conditions de travail. Ceci, alors qu'aucune organisation syndicale n'a entam� un d�bat s�rieux sur ces questions. Il reste donc beaucoup � faire concernant notamment la d�ontologie et la formation. Chafik Abdi, directeur de publication du quotidien "Le Jeune Ind�pendant." L'�v�nement du 3 mai nous permet de faire un flash-back sur les 15 ann�es d'existence de la presse ind�pendante. Ainsi, sur les titres qui ont �t� lanc�s en 1990, quatre seulement sont actuellement sur les �tals. Est-ce que cela est une chose positive ou constitue-t-elle plut�t un recul de l'exp�rience ? Ce seul �l�ment ne peut nous permettre d'avancer un avis sur cette tr�s courte exp�rience. La presse ne peut �voluer sans un environnement sain. Il est anormal de parler de d�rapage de la presse alors que les partis politiques, les syndicats et la soci�t� civile ont particip� au nivellement par le bas du niveau intellectuel de la soci�t�. Pourquoi bl�mer uniquement la presse ? Cette ann�e 2005 constitue aussi un virage pour nous tous : soit on continue � subir soit on d�cide de prendre en charge notre destin avec ce que cela suppose comme remise en cause. A nous de choisir. Mme Ghania Khelifi, directrice de r�daction � "Libert�" "Deux aspects sont � relever pour la c�l�bration de cette �dition de la Journ�e mondiale de la libert� de la presse. En premier lieu, il est difficile de parler des droits, quand un journaliste se trouve toujours en prison quel que soit l'habillage donn� � l'inculpation de Mohamed Benchicou, il demeure qu'un journaliste a �t� incarc�r� et que son journal a �t� ferm�. Il est �galement � noter que toutes les tentatives d'all�gement de la peine ont �chou�. Avec tous ces aspects, il se r�v�le difficile de parler de droits de la presse et des journalistes. Si la corporation compte faire des projections, c'est dans la lutte contre les pressions que cela doit �tre entrepris. L'autre aspect qui m�rite d'�tre soulev�, est le statu quo dans lequel vit la corporation. Le nouveau code de l'information tarde � voir le jour, et les journalistes ne b�n�ficient pas de formations. Il y a lieu de relever que la majorit� des journaux sont tributaires des imprimeries du secteur public. En somme, le bilan n'est pas tr�s enthousiasmant. Mais ceci n'emp�che pas la profession � se ressaisir, afin d'entreprendre des d'actions concr�tes pour l'am�lioration de la pratique du m�tier" M. Faycal Metaoui, r�dacteur en chef � El Watan "Le bilan n'est pas tr�s reluisant. Deux journalistes sont en prison. Benchicou et Benaoum. Quels que soit les arguments des pouvoirs publics, les faits sont l�. Depuis l'av�nement de la d�mocratie en Alg�rie, la presse n'a jamais v�cu une situation pareille. Exception faite peut-�tre de l'�pisode o� le correspondant de l'APS � Tamanrasset a �t� condamn�. Ce dernier a n�anmoins b�n�fici� d'une libert� provisoire. La l�gislation en vigueur en Alg�rie est des plus s�v�res au monde. Ceci intervient au moment o� la tendance internationale va � la d�p�nalisation de la diffamation et l'outrage. A ce propos, il convient de rappeler que la diffamation doit �tre prouv�e par le plaignant lui-m�me et non pas par les magistrats instructeurs et les procureurs de la R�publique. Les amendes sont �galement tr�s fortes. Cela vise certainement � affaiblir les ressources �conomiques des entreprises de presse. L'on note aussi que la presse est charg�e de misions qui ne sont pas les siennes. La presse se retrouve parfois � jouer le r�le des formations politiques et autres organisations. Alors que la mission de la presse doit se limiter � informer. Il est en outre � souligner que les m�dias lourds sont sous le coup d'une gestion brejn�vienne et d'une fermeture totale. L'acc�s du priv� � cet outil n'est pas encore permis. Il n' y a que la presse �crite qui peut se permettre une certaine libert� dans le traitement de l'information. La situation est paradoxale puisque l'Alg�rie a de tout temps �t� vue comme la locomotive de la promotion des d�mocraties et des libert�s d'expression � l'�chelle r�gionale " M. Ali Djerri, directeur de publication d'"El Khabar" " Sur le plan de la libert� de la presse, il y a assur�ment une r�gression. Il est clair que la volont� politique actuelle s'attelle � r�tr�cir davantage le champ de la libert� de la presse. L'harc�lement judicaire a repris de plus belle. Nous passons la plupart de nos journ�es dans les tribunaux. N'oublions pas aussi que nous avons un coll�gue en prison. Le pouvoir parle de cr�ation d'un code de l'�thique. C'est du jamais-vu. Pour moi, c'est quelque chose d'historique. Le pouvoir pense qu'avec davantage de r�tr�cissement des voix de la libert� d'expression l'on peut arriver � ce que l'on qualifie de presse responsable. Comment peut-on parler de presse responsable alors que le droit � l'acc�s � l'information n'est pas respect� ? C'est justement cette r�tention de l'information qui encourage les d�rapages et les r�cup�rations politiques. Quelques uns affirment que la presse en Alg�rie exag�re. Peut-�tre, mais c'est une presse con�ue par des Alg�riens et nous en sommes fiers, � plus forte raison que la profession a pay� un lourd tribut. La presse est par d�finition un contre-pouvoir : le quatri�me pouvoir. C'est au pouvoir politique d'accepter cette r�alit� au lieu de vouloir co�te que co�te int�grer le 4e pouvoir au sein m�me du pouvoir.