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LES V�RIT�S D'EVA JOLY NE SONT PAS DU GO�T DES AUTORIT�S ALG�RIENNES
Libert� de la presse, implication de la soci�t� civile, magistrats non corrompus et protection des sources et des d�nonciateurs
Publié dans Le Soir d'Algérie le 06 - 06 - 2005

La juge d'instruction � la retraite, Eva Joly, a s�journ� � Alger du 28 au 31 mai 2005, � l'invitation du ministre de… l'Emploi et de la Solidarit� ! L'initiative de ce dernier est � saluer. Il eut �t� plus logique que ce soit son coll�gue de la Justice qui prenne les devants, mais les choses �tant ainsi faites, faire venir en Alg�rie une personnalit� connue dans le monde entier pour son combat professionnel et militant contre la corruption est une gageure � souligner et � mettre � l'actif de l'auteur. Juste rappeler d'abord qu'Eva Joly est norv�gienne d'origine, qu'elle s'est install�e en France tr�s jeune et qu'elle y a fait ses �tudes de droit puis l'essentiel de sa carri�re dans la magistrature en France (connue notamment pour les instructions qu'elle a men�es dans les affaires Elf et Bernard Tapie, entre autres).
Elle a pris sa retraite en 2002 et est revenue dans son pays, la Norv�ge, pour y occuper la fonction de conseill�re du gouvernement pour la lutte contre la corruption mais beaucoup plus � l'�chelle internationale : mise en application des Conventions internationales, assistance aux pays en voie de d�veloppement, conf�rences et expertises, etc. Depuis plusieurs ann�es, elle a nou� des relations �troites avec l'ONG Transparency International, ONG qui lui a d'ailleurs attribu� en 2001 � Prague — lors de la 10e Conf�rence internationale de lutte contre la corruption — le Prix international d'int�grit� (avec d'autres laur�ats), int�grant elle-m�me d�s 2002 le comit� de ce Prix d'int�grit�, jusqu'en 2004. Ce dernier, pour rappel, avait attribu� en 2003 ce prix � titre posthume au journaliste alg�rien Beliardouh, correspondant du quotidien El Watan � T�bessa. Le dossier tr�s complet de cette candidature avait d'ailleurs �mu et effray� le comit� du Prix d'int�grit� dont faisait partie Eva Joly, dossier qui lui avait d�j� donn� une id�e sur le combat tr�s courageux de nombre de journalistes en Alg�rie face aux r�seaux de la corruption, de la mafia et de la grande contrebande transfrontali�re. Pendant les longues ann�es qu'elle a pass�es au p�le financier du tribunal de Paris et face aux grosses affaires d'abus de biens sociaux sur fond de corruption et de d�linquance �conomique et financi�re avec de grandes ramifications internationales (principalement en Afrique) qu'elle a eu � instruire dans des conditions difficiles et p�nibles, Eva Joly a occup� une place particuli�re au sein de la presse �crite en France, presse qui, tr�s souvent, a salu� la pertinence des enqu�tes de justice qu'elle a men�es mais qui a aussi pris le relais en menant ses propres investigations, le tout ayant permis de faire pression pour que les gouvernants ne bloquent pas le travail des juges du p�le financier. Originaire d'un pays grand producteur de p�trole, la Norv�ge, Eva Joly s'est retrouv�e en train d'instruire les pratiques opaques d'une multinationale fran�aise du p�trole — Elf —, compagnie tellement �clabouss�e par les affaires qu'elle a disparue sous ce nom pour se faire absorber par sa concurrente Total. Cette longue exp�rience d'enqu�teuse judiciaire est apparue dans toutes les d�clarations qu'elle a faites durant son s�jour � Alger, d�clarations qui auraient eu un ton beaucoup plus libre n'eut �t� l'officialit� de la fonction qu'elle occupe au sein du gouvernement norv�gien et les contraintes diplomatiques qui en d�coulent. Mais elle a su quand m�me dire ses v�rit�s qui ont d� en irriter plus d'un.
La loi, une condition n�cessaire mais non suffisante
Au sortir de l'entretien avec le pr�sident de la R�publique, accompagn�e par le ministre de l'Emploi et de Solidarit�, elle a marqu� un temps d'h�sitation face au micro de la t�l�vision. Elle commence par �voquer une convention entre Alger et Oslo qui date du XVIIIe si�cle et qui traite de la… piraterie ! Pr�s de 300 ans plus tard, de nouveaux "pirates" ont fait leur apparition dans les eaux troubles d'Alger. Puis elle s'enhardit et affirme, en connaissance de cause et s'�tant visiblement bien document�e sur les r�alit�s alg�riennes, que pour lutter efficacement contre la corruption, "les magistrats doivent �tre fiables", tout en pr�cisant "l'importance de l'image que les magistrats doivent donner d'eux-m�mes et que le corps de la magistrature doit �tre exempt de corruption" ! Le ministre de la Justice n'a pas d� appr�cier les propos. Ce n'est pas certainement la raison de son absence � la conf�rence d'Eva Joly le 31 mai � l'h�tel El Djaza�r : le m�me jour, il �tait � Mascara pour une visite qu'il ne pouvait certainement pas d�programmer. Lors des deux conf�rences qu'elle a donn�es et dans les entretiens � la presse, Eva Joly n'a cess� d'insister sur l'importance de la justice et de son ind�pendance et qu'� ses yeux les lois anti-corruption �taient n�cessaires mais non suffisantes : "Il faut des ressources humaines de haut niveau et surtout bien engag�es dans le processus." Interrog� sur le niveau de corruption en Alg�rie, elle a r�pondu qu'il faillait se r�f�rer � l'Indice de perceptions de la corruption �labor� par Transparency International, sans oser rappeler les tr�s mauvaises notes attribu�es � l'Alg�rie en 2003 et 2004 (voir article ci-dessous), mais en ajoutant quand m�me que ce niveau "selon des observateurs internationaux, �tait hautement et probablement tr�s important". A une question lui demandant quels �taient "les signes les plus forts d'un commencement efficace d'une lutte contre la corruption", Eva Joly r�pondra sans ambages : "Des enqu�teurs libres et des enqu�tes qui aboutissent." Pour elle, l'implication des citoyens dans la lutte contre est essentielle : "Si vous voulez que l'Alg�rie se lib�re du fl�au de la corruption, petite et grande, c'est la responsabilit� de tous. Et �a ne peut se faire qu'avec la soci�t� civile", et que c'est "un devoir et un comportement civique que de d�noncer et de signaler les op�rations suspectes, les enrichissements illicites". Sur le r�le de la presse, elle n'a rat� aucune occasion d'y revenir r�guli�rement, certainement bien au fait des atteintes que subissent les journaux et les journalistes en Alg�rie : "La d�mocratie est fond�e sur une presse ind�pendante", ou, "dans une d�mocratie, il y a la protection des sources des journalistes. L'anonymat est pr�serv�" ou mieux encore : "La libert� de la presse et l'acc�s aux sources d'information, c'est fondamental dans une d�mocratie." Certainement une mani�re pour elle � la fois de faire parler son exp�rience dans ses relations avec la presse, de rappeler ses convictions et de faire sous-entendre sa solidarit� avec la presse ind�pendante. Ce qui n'a pas d� plaire du c�t� des gouvernants pour lesquels ces rappels successifs pourraient s'apparenter � une forme d'ing�rence dans les affaires internes. Et Eva Joly, pas dupe, mais sans �mettre d'appr�ciation sur ce semblant de ni�me campagne gouvernementale contre la corruption en Alg�rie, de dire et redire ses v�rit�s : "Le jour o� vous aurez quelques proc�s exemplaires, ils auront un effet dissuasif. On comprendra que la p�riode de la tol�rance de la corruption est termin�e." Et ce n'est qu'� partir de ce moment-l�, volont� politique et d�mocratie aidant, sans aucune entrave � toutes les libert�s, que pourra �tre cr�dible et efficace la lutte contre la corruption. Ce n'est qu'� ses conditions que la pauvret� reculera en Alg�rie. Histoire de justifier l'invitation d'Eva Joly par le ministre en charge de la lutte contre la… pauvret�.


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