L'oratrice, qui a occupé les fonctions de juge d'instruction, sait parfaitement de quoi elle parle. La corruption est un prolongement de la colonisation, a estimé hier, Mme Eva Joly, conseillère spéciale pour la justice et la police du gouvernement norvégien, en visite officielle en Algérie depuis samedi dernier. Dans une conférence de presse qu'elle a animée à l'hôtel El Djazaïr d'Alger, en présence de M.Djamel Ould Abbas, ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale ainsi qu'un parterre de cadres de l'administration centrale et de la société civile, Mme Eva Joly a déclaré que «la source de la corruption est occidentale et ses victimes sont les pays émergents». Elle expliquera que les milieux politico-financiers de l'Occident agissent essentiellement dans les pays riches en ressources énergétiques, puisque cela suppose une manne financière considérable et un besoin important en équipements publics. L'oratrice, qui est juge d'instruction jouissant d'une large notoriété au sein du continent européen, donne l'impression de savoir de quoi elle parle. Le «délit» de corruption est, selon elle, «actionné» par des politiques, notamment des ministres et des parlementaires. Mais encore, les hommes d'affaires et de la finance, tous issus du monde occidental, et ce, au détriment des richesses et des biens des pays en voie de développement. Elle citera, en ce sens, les comptes du gouvernement du Niger se trouvant dans les banques européennes, notamment suisses, et qui sont détournés par ces mêmes occidentaux sus-cités. Cependant pour réduire l'impact de la corruption sur une échelle planétaire, Mme Eva Joly évoquera l'efficacité de «la Convention de Vienne», déjà paraphée par 130 pays et dont l'entrée en vigueur, dira-t-elle, ne sera de mise que lorsque une trentaine d'autres pays l'auront ratifiée. L'objectif de cette convention porte sur le fait qu'aucun Etat ne servira de refuge aux «corrupteurs» poursuivis par les instances judiciaires pour le motif de corruption ou de blanchiment d'argent. Cependant, selon Mme Eva Joly, l'éradication du fléau de la corruption à l'échelle internationale est, beaucoup plus, l'affaire des pays en voie de développement. Elle recommande, pour ce faire, la mise en place d'une batterie de mesures réglementaires, ainsi que la sensibilisation des opinions publiques. «Le changement doit venir des pays en voie de développement», a-t-elle martelé. Et d'ajouter qu'il appartient à n'importe quel citoyen ayant suspecté l'origine des biens de n'importe quel individu de faire dans la dénonciation via le recours aux médias, puisque ces derniers jouissent de la prérogative de la confidentialité des sources. Toujours selon la conférencière, la corruption et le blanchiment d'argent ne peuvent être combattus que par des prérogatives élargies et coercitives des institutions financières nationales. En outre, il convient de souligner que la visite officielle qu'effectue Mme Joly en Algérie intervient au moment où des commis de l'Etat sont traînés devant les tribunaux sur le base de chefs d'inculpation ayant trait à la corruption. Rappelons aussi qu'en date du 4 février dernier, le gouvernement algérien a adopté la loi contre le blanchiment d'argent en attendant l'adoption de la loi contre la corruption qui devrait intervenir incessamment. Enfin, à une question relative aux critères auxquels se fie Transparency International pour déterminer le degré de corruption dans un pays quelconque, Mme Joly, qui est membre influent au sein de cette organisation, dira qu'«il n'existe pas d'étude scientifique mais juste un indice combiné», s'est-elle contentée de répondre.