Il y a quelques jours, Mme Fad�la Belkhenchir, veuve du professeur Djillali Belkhenchir, assassin� en 1994 par le terrorisme islamiste, tout en exprimant ( El Watan) son opposition fond�e et l�gitime au projet de �r�conciliation nationale� pr�cisait par ailleurs que face � l�unanimisme d�clar� et entretenu autour desdits projets, les quelques voix discordantes ne changeaient pas le cours des �v�nements. Il est vrai qu�effectivement les trouble-f�tes que nous sommes ne g�cheront pas la joie de tous ceux qui ont applaudi avant m�me la promulgation du d�cret pr�sidentiel en date du 14 ao�t 2005. Leur ciel d�azur ne souffrira pas de nuages. Avant que n�arrive le 29 septembre 2005, ils nous assurent d�s � pr�sent d�urnes bourr�es de �oui�. Qui donc �oserait� les contredire et qui �oserait� douter des r�sultats �transparents� du r�f�rendum ? la f�te, nous disent-ils, sera grandiose et ils ne m�nagent aucun effort pour qu�elle le soit. Entre ceux qui ruent plus vite que les promoteurs du texte et ceux qui se disent capables de convaincre, ce dont eux-m�mes ne sont pas convaincus, il est inutile de rechercher dans ce magma compact, ne serait-ce qu�un seul partisan du �oui� mais�. Le choix, en effet, n�en est pas un : ou l�on est pour la r�conciliation nationale ou l�on est contre parce que antinationaliste, fan de violence et amoureux de la guerre. Ni plus ni moins. Ayant appris d�s l�enfance au sein de ma famille, que l�insulte et l�injure sont les armes favorites des faibles, je ne vois aucun inconv�nient � �tre clou�e au pilori, fich�e comme �anti-nationaliste� sous influence malfaisante de la �main de l��tranger�. L�unique question que me pose ma conscience et � laquelle je me dois de r�pondre est de savoir s�il nous faut subir en silence cet unanimisme ? Nous les rares �nergum�nes � nous souvenir de ceux qui nous ont �t� arrach�s par le terrorisme islamiste. A cette interrogation, la seule r�ponse est : �Qui ne dit mot consent�. Nul ne pourra me reprocher de me r�veiller tardivement puisque aujourd'hui comme hier ou demain je demeurerai farouchement hostile � ce qui, sous couvert de �paix� n�est autre qu�une impunit� scandaleuse et r�voltante. Je suis suffisamment lucide et aguerrie, pour savoir que mon cri d�indignation ne sera pas entendu. Mais � l��re des retournements des vestes spectaculaires, voire des changements de peau, l�histoire me saura gr� d�avoir pr�cieusement conserv� ma m�moire ensanglant�e et mes convictions anti-islamistes inchang�es et inchangeables. Celles-ci ne datent pas de l�assassinat de mon regrett� �poux le 17 octobre 1994, mais des ann�es 1980 lorsque magistrat � la cour d�Alger, j�avais eu � juger et � condamner des islamistes, auteurs de violences et voies de fait, contre une famille qui avait c�l�br� un mariage au son de la musique ra�. Un �crime� que ces islamistes ont dit avoir ch�ti� parce qu�ils �rendaient la justice� � l�int�rieur des mosqu�es et se comportaient en ma�tres dans leur quartier et en justiciers. C�est � ceux-l� et � leurs semblables aux mains rougies du sang de nos victimes que l�on voudrait aujourd�hui me voir serrer la main, quitte � javelliser la mienne apr�s. C�est le prix � payer, dit-on pour la paix. Mais de quelle paix s�agit-il ? Celle qui est propos�e au son des tambours et des fifres, est un projet impos� � tous, tel un accouchement au forceps. Pr�parer une paix durable et construire l�apr�s-violence aurait exig� qu�il y ait devoir de justice, seul capable d�apporter l�apaisement. La paix n�est pas un d�cret, une loi, venant d�en haut. C�est une pratique qui consiste � mettre en place toutes les conditions requises pour passer de la culture de la violence � celle pr�cis�ment de la paix. Tous ces unanimistes autour de la �charte pour la paix� se sont-ils seulement pos� la question de savoir ce que les mots paix et r�conciliation signifient ? Quel sens auront-ils dans l�Alg�rie de demain ? Les exemples � travers le monde sont l� pour nous rappeler que les attitudes d�urgence consistant � dire : �On vote d�abord, on r�fl�chira apr�s, pour la paix� s�enferment toujours dans la violence. Quand bien m�me celle-ci s�amenuise, elle engrange celle de demain. Et la fin du terrorisme � si tant est que l�on puisse parler de fin � n�est pas annonciatrice de paix civile lorsque celle-ci devient une vaste op�ration m�diatique finalis�e par un �oui� massif au r�f�rendum comme promis par les �nationalistes� aux anti-patriotes que nous sommes. Comment pourrait-on croire un seul instant que demain les proches des victimes du terrorisme porteront un autre regard � ceux qui ont la chance de bomber le torse aujourd�hui ayant acquis jusqu�� l��ternit� le statut de l�impunit� ? Comment pourrait-on croire un seul instant que nous oublierons et pardonnerons ? L�oubli tranquillise certainement les mauvaises consciences, il ne saurait effacer nos malheurs. Je ne suis �videmment pas le porte-parole des familles victimes du terrorisme et je n�ignore pas que parmi elles il y aura celles qui adh�reront au oui. J�entends modestement exprimer la douleur que je partage avec toutes celles dont la plaie b�ante ne pourra jamais s�accommoder de l�impunit� et de la compromission. C�est en effet d�impunit� et seulement d�elle qu�il s�agit. Il n�est nullement question, nous dit-on, d�amnistie. Une lecture juridique des diff�rents articles de la charte am�ne tout juriste averti � conclure que �l�extinction des poursuites judiciaires� signifie que celui, qui apr�s s��tre d�lect� du rite de l'�gorgement, viendra se rendre aux autorit�s ne sera pas inqui�t�, jug� et condamn�. Il ne sera pas poursuivable et s�adonnera � ses activit�s de trabendiste en toute qui�tude. L�extinction des poursuites ne signifie pas circonstances att�nuantes et proc�s. Elles signifient impunit�. Quant � nous rebattre les oreilles avec l�exclusion du b�n�fice du d�cret de tous ceux qui sont auteurs de massacres, viols, etc., il y a lieu de faire remarquer qu�il s�agit d�un �d�j� vu�, �d�j� entendu�. Certains se sont demand�s comment l�on ferait le tri entre les �massacreurs� et les autres. Question irrecevable en la forme comme au fond parce que la loi portant� concorde civile� en son article 7 avait, faut-il le rappeler, pr�vu les m�mes dispositions. Un simple article rajout� avant promulgation, a mis � n�ant l�article 7 de ladite loi. La gr�ce amnistiante du 13 janvier 2000 a fait le reste. Mena�ants, exigeants, les massacreurs savent qu�il n�y aura pas de tri pas de proc�s et c�est � eux les �repentis� qui n�ont jamais fait acte de repentance que le pr�sident a demand� pardon lors d�un de ses meetings � l�int�rieur du pays. Tout ceci pour dire qu�extinction des poursuites signifie en droit effacement de l�infraction, celui-ci signifie amnistie avec toutes les cons�quences juridiques qui en d�coulent. Est-ce avec la paix que l�on voudrait me voir laver le sang de mon regrett� �poux ? Est-ce avec cette paix que l�on voudrait imposer le silence � ma m�moire et celle dont la vie a bascul� en un apr�s-midi, mon fils �g� alors de vingt ans en 1994 ? Un effroyable lundi noir allongeant la liste macabre d�autres lundis, d�autres mardis. A ceux qui ont revendiqu� avec fiert� les assassinants d�intellectuels et le carnage du boulevard Amirouche le 30 janvier 1995, il est promis l�extinction des poursuites� s�ils d�cident de mettre fin � leur exil dor�. A ceux qui ont financ� pour avoir paix ou par conviction, h�berg� et restaur� les groupes terroristes, l�extinction des poursuites sera leur r�compense s�ils entendent se confesser aux autorit�s. Ladite confession �quivaudra � une simple d�claration sans effets juridiques. Plut�t que de stipuler que �les auteurs de massacres et de viols ...� sont exclus du b�n�fice du d�cret, ses initiateurs auraient d� pr�voir noir sur blanc que les �victimes d�assassinats cibl�s� sont exclus du b�n�fice de la cl�mence. Les policiers, les militaires, les journalistes, les femmes, les intellectuels, artistes, magistrats, praticiens de la sant� assassin�s devant leur domicile, sur les lieux de leur travail ou durant le trajet, n�ont pas eu l�id�e g�niale d��tre massacr�s et de ce fait ne sauraient �tre reconnus. Ce n�est plus d�impunit� qu�il s�agit mais de d�ni pur et simple. On ne nous somme pas seulement d��tre amn�siques, on exige de nous un d�saveu, une d�n�gation. Katia Bengana, cette belle jeune fille assassin�e � 17 ans parce qu�elle refusa de rev�tir le voile de l�obscurantisme, n�est pas morte assassin�e. Nasma Senhadri, aujourd�hui brillante bacheli�re, n�a jamais assist� en direct � l��ge de six ans � l�assassinat de son p�re. Les six policiers de La Casbah n�ont jamais �t� tu�s par l�islamisme un certain 10 f�vrier 1992. La m�re de l�un d�entre eux n�a jamais perdu la raison. Les jeunes appel�s de la caserne de Boughzoul n�ont pas �t� assassin�s en 1993. L�horrible tuerie de Guemmar, en novembre 1991, �tait pure invention. Le docteur Mohamed R�da Aslaoui n�a jamais re�u seize coups de couteau � l�int�rieur de son cabinet dentaire. Rachida et Houria Hammadi journalistes, n�ont jamais �t� assassin�es et Mme Zhor Meziani, directrice d��tablissement scolaire n�a jamais �t� tu�e � bout portant dans son bureau. Toutes ces horreurs ne sont que le fruit de notre imagination fertile. Pour faire bonne mesure, le d�cret use et abuse du concept de �victimes de la trag�die nationale�. Cela a autoris� ses initiateurs � nous proposer une paix o� le bourreau et la victime sont sur un pied d��galit�. Une calamit� naturelle, un accident de circulation, un crash d�avion, sont des trag�dies. Un assassinat, un viol, un incendie sont des infractions pr�vues et punies par le code p�nal. Et si la mort est la fin in�luctable de tout un chacun, pour autant, elle est inacceptable lorsqu�elle est injuste. Elle devient injustifiable et inique lorsque la victime est sciemment confondue avec l�assassin. Et lorsque le pr�sident de la R�publique console la m�re et l��pouse des terroristes en insistant sur leur non-responsabilit� p�nale, l�on ne saurait le contredire puisque la responsabilit� est personnelle. Pour autant, qu�a donc fait la m�re, l��pouse d�une victime du terrorisme pour ne pas m�riter les m�mes �gards ? Elles ont commis la faute d�avoir pour fils et �poux un Alg�rien �pris de libert� et de modernit� qui a pay� le prix en perdant la vie pour sauver celles de ses �gorgeurs. Ceux-l� ne compara�tront pas devant leurs juges, ils continueront � nous narguer, mena�ant de reprendre la route des maquis si leurs exigences n��taient pas satisfaites. Sur la cr�ation d�un Etat th�ocratique, il y a lieu de pr�ciser que ce point acquis le 4 mars 1992 par d�cision de justice portant dissolution de l�ex-FIS, ne sera jamais suffisant tant que les commanditaires des �ann�es rouges� ne seront pas jug�s. Des voix se sont �lev�es du c�t� islamiste pour expliquer que le d�cret aurait d� �tablir (sur le point d�activit�s politiques) la distinction entre ceux qui ont pris les armes et les autres. Ceux qui, � travers des pr�ches d�une violence inoue ont endoctrin� des jeunes et leur ont appris la haine d�eux-m�mes et des autres, ont sem� dans leur c�ur les graines de violence, les transformant en une horrible machine � tuer, ne sont-ils pas aussi responsables (peut-�tre plus) que ceux qui ont utilis� la balle et le couteau ? Et chose maintes fois exp�riment�e et constat�e : l�islamisme-int�griste qui d�nie � l�autre une opinion diff�rente puisqu�il d�tient la v�rit� supr�me ne change jamais de camp. N�a-t-on pas vu l�un d�entre eux r�cemment justifier l�assassinat de deux diplomates alg�riens en Irak ? En 1990, lorsque le courant d�mocrate et r�publicain demandait � l�Etat de sanctionner les violences islamistes, le pouvoir r�pondait : �Nous savons ce que nous faisons, les emprisonner ferait d�eux des martyrs.� En 1991, l�arr�t du processus �lectoral �tait d�nonc� par certains Alg�riens et par le monde entier comme une confiscation de la d�mocratie. Ce m�me monde � New-York � Londres, � Madrid, s�est r�veill� avec effroi en 2001, 2003-2005 jurant qu�il �radiquera le terrorisme islamiste. Nous ne disions pas plus durant notre d�cennie de r�sistants solitaires et incompris. En 1994, le pouvoir tenta de n�gocier avec les islamistes-terroristes via les deux repr�sentants de l�ex- FIS. Cela a eu pour seule cons�quence de permettre aux islamistes de faire monter les ench�res. Si leur d�faite militaire a eu lieu en 1997/1998, il y a lieu d�ajouter que celle-ci n�aura un sens que si elle est �galement politique. Rien n�est moins s�r si l�on en juge par l�arrogance � et c�est un euph�misme � des islamistes, dits �repentis�. Rien n�est moins s�r si l�on en juge par la violence des pr�ches le vendredi et le retour en force des barbes et qamis. Ces brefs rappels ont pour seule finalit� de dire que la paix n�aurait eu v�ritablement un sens que s�il y avait eu reconnaissance et �criture de cette page du terrorisme islamiste. Elle aurait eu un sens si elle ne s��tait pas appel�e Impunit�. Le 29 septembre 2005, il ne se passera rien de grandiose pour la nation, parce que ce sera la f�te des terroristes islamistes, pour moi ce sera un jour de deuil, un jeudi noir, pour me r�concilier avec le tueur � si tant est que cela soit faisable � il eut fallu me r�concilier avec moi-m�me. Pour me r�concilier avec moi-m�me, il e�t fallu qu�on me reconnaisse mon droit � la justice seul en mesure d�apaiser tout mon �tre r�volt�. Il e�t fallu dire au tueur : �Tu es un assassin�, aux proches des victimes : �Vous �tes des ayants-droit de victimes.� C�est l�unique paix que je comprenne. Celle de �l�extinction des poursuites judiciaires�, donc de l�impunit� je la r�fute. Comme je refuse toute id�e de pardon � ceux qui n�ont pas demand� pardon et ne le feront pas. Bien entendu, les nationalistes qualifieront mon point de vue d�anti-nationaliste, de vengeur. E je r�clame justice. Celle-ci est le contraire de la vengeance. En tout �tat de cause, puisque je r�p�te que ma petite voix ne d�rangera pas les f�tards de la r�conciliation, je ne conclurai pas sans faire don aux nationalistes de la paix des 16 coups (seize) de couteau port�s au Dr Aslaoui, mon �poux et le p�re de mon enfant par les islamistes le 17 octobre 1994. Ces coups s�appellent : Mort injuste, haine des islamistes, col�re : la mienne, bonheur conjugal d�truit, impunit� des assassins, meurtrissures d�un fils, m�moire ensanglant�e, impossible pardon. A Mohamed-R�da Aslaoui je demeurerai fid�le et ne toucherai jamais la main de ses assassins. Le 29 septembre 2005, ma seule paix � moi, sera de me souvenir de tous ceux que l�Alg�rie a perdus. Je me souviendrai surtout que le 28 septembre 1995 un grand homme, feu Aboubakr Belka�d a �t� assassin�. Dix ans apr�s l�impunit� appel�e paix, cela ne nous fera jamais oublier Aboubakr Belka�d. Je ne pardonnerai jamais � ses assassins et n�ai mandat� personne pour pardonner � ma place. Le 29 septembre 2005, l�Alg�rie de la �charte pour la paix� ne taira pas nos ranc�urs, notre r�volte. Ce sera seulement une petite tr�ve mais le silence et l�amn�sie forc�s n�ont jamais emp�ch� la violence de rena�tre. Avec cette pr�cision que le GSPC continue � donner de mauvais coups. Le 29 septembre 2005, je me souviendrai que les assassins de mon �poux ne m�ont pas laiss� le temps de lui dire adieu.