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A FONDS PERDUS
L'�ternel recommencement Par Ammar Belhimer [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 04 - 10 - 2005

Le pr�sident de la R�publique a d�sormais carte blanche pour donner � ceux qui l'ont pl�biscit� le d�cryptage auquel il les a invit�s en leur demandant de lire entre les lignes la charte portant paix et r�conciliation nationale. Les textes d'application qu'il ne tardera certainement pas � promulguer seul, sans avoir besoin d'associer qui que ce soit, parce que le vote lui donne mandat pour le faire � sa guise et � son aise, vont d�voiler les intentions cach�es.
Le dictionnaire d�finit la r�conciliation comme un accord entre personnes qui s'�taient f�ch�es. En droit, elle est associ�e � la reprise par les �poux de la vie commune qui met fin � une proc�dure de divorce ou de s�paration. Or, nous ne sommes ni dans le premier cas d'esp�ce, ni dans le second. En cela, les deux personnalit�s politiques lourdes, que sont MM. Hocine A�t Ahmed et Mouloud Hamrouche, rejoints par MM. Abdelhamid Mehri et Ali Yahia Abdenour, n'ont pas tort d'�mettre de s�rieuses r�serves sur la d�marche, m�me si, par ailleurs, ils figurent, parmi les pr�curseurs de la politique de r�conciliation. M. Hocine A�t-Ahmed para�t cependant trop cat�gorique lorsqu'il affirme que le texte adopt� �n'a rien � voir ni avec la paix ni avec la r�conciliation�. �C'est, dit-il, un acte de guerre contre la soci�t� alg�rienne � laquelle le pouvoir fait porter la responsabilit� du marasme social et �conomique du pays. Cela lui permet d'effacer les trois d�cennies ant�rieures d'incurie qui ont conduit inexorablement � la sale guerre. Le pouvoir ne se remet pas en cause, mais restaure, pour se maintenir, la machine totalitaire et int�gre les chefs terroristes � la rente�. Le leader du FFS a au moins le m�rite d'�tre clair. M. Mouloud Hamrouche ne va �galement pas avec le dos de la cuill�re, consid�rant qu'�on ne peut discuter � l'int�rieur de l'impasse� et que �l'alternative ne se construit pas dans l'enfermement actuel�. Comme dirait M. Mehri, �la maison de l'ob�issance� ne ressent pas pour l'instant le besoin d'associer la soci�t� � ce qui pourtant lui revient souverainement de droit. Encore une fois, le pouvoir souffle le chaud et le froid, coupe la poire en deux, associe la carotte et le b�ton. Il le fait d'une main de ma�tre et il faut lui conc�der un g�nie certain dans cet exercice o� n'est question de r�conciliation que comme tremplin vers autre chose d'inconnu, en dehors de toute d�bat et de toute concertation. Nous sommes ici loin des vertus qu'attribue � l'�change Jospeh E. Stiglitz, prix Nobel d'�conomie : �Les �changes volontaires engendrent des gains. Que ce soit entre individus ou entre pays, tout le monde gagne � l'�change volontaire. L'�change permet aux acteurs de se sp�cialiser dans les activit�s pour lesquelles ils ont un avantage comparatif�. Faute d'�change, ce sont les �preuves de force qui pr�dominent et faute d'acteurs comp�titifs, agissant dans leurs sph�res respectives de comp�tences ou de pouvoirs, nous avons �t� r�duits � un magma de sujets consentants qu'on r�ve de rendre heureux de leur soumission. Les islamistes sont absous de leurs crimes mais ils ne peuvent reprendre d'activit� politique qu'au travers de l'entrisme ou du recyclage au sein des formations agr��es qui, contrairement � leurs fr�res a�n� du FIS, ont projet� leurs ambitions sur le long terme et leur pratique politique para�t plus �soft�. Comme tous les petits bourgeois qui se respectent, leurs commanditaires se consoleront de leurs sacrifices derri�re les comptoirs de quelques superettes ou soci�t�s d'import-import. Cela ne p�se certainement pas devant les pensions, plut�t symboliques, conc�d�es aux victimes du long parcours citoyen entam� en Kabylie, mais celles-l� se consoleront � la reconnaissance d'un texte de loi qui en fait des acteurs �d'�v�nements ayant accompagn� le mouvement pour le parach�vement de l'identit� nationale et la promotion de la citoyennet�. Nombre d'animateurs de ce mouvement doivent se mordre les doigts � l'id�e d'avoir �t� si ais�ment s�duits et entra�n�s dans la voie de la compromission, avant d'�tre abandonn�s. L'histoire imm�diate en dira davantage. Pour l'instant, il se d�gage un air de fin de mission. �L'essentiel des points inscrits � l'ordre du jour ont �t� �puis�s�, a rappel� samedi le ministre de l'Int�rieur, pr�cisant que �le dialogue devrait aller � sa fin�. Pour le reste, il faut accorder au pr�sident de la R�publique aussi le droit de douter de l'ancrage social de nombre de structures de l'opposition n�es de combinaisons d'appareils pour s'emparer de la date du 5 octobre 1988 comme mythe fondateur d'une formule d�mocratique dont ils sont les seuls � tirer profit depuis.�Quand on remue de l'eau, qu'on ne s'�tonne pas alors de ne r�colter que des bulles�, dit l'adage jijelien. R�duits � un �vulgaire coup d'Etat� par l'ancien ministre de la D�fense, M. Khaled Nezzar, et � la th��tralisation de plans �labor�s en laboratoire (plans Rosier et Etna) par l'ancien patron des services de s�curit�, M. Mohamed Betchine, ces �v�nements ne peuvent plus asseoir la l�gitimit� de nombreux acteurs s'en r�clamant depuis bient�t deux d�cennies. Par ailleurs, le traitement mercantile souvent r�serv� � la dissidence dans notre pays �vacue les th�rapies qui apaisent les consciences par la recherche et l'�clatement de la v�rit�, d'une part, et gu�rissent les plaies en rendant justice aux victimes, d'autre part. La d�marche ne date pas d'aujourd'hui ; elle remonte aux ann�es de plomb. Deux questions majeures �taient �galement soulev�es par le dernier scrutin :
- Quelles sont les perspectives de paix r�elle et d'extinction d�finitive de la violence ?
- Quel accueil r�serve la communaut� des Etats au scrutin ?
La �concorde civile� avait permis � 6 000 islamistes arm�s de r�int�grer la vie civile, de se recycler dans les affaires ou d'errer aux abords de mosqu�es d�sormais assagies. Selon le ministre de l'Int�rieur et des Collectivit�s locales, M. Yazid Zerhouni, un millier de rebelles resteraient toujours actifs, membres pour la plupart du Groupe salafiste pour la pr�dication et le combat (GSPC), contre 25.000 au plus fort de la trag�die nationale. Quel effet aura sur les �l�ments du GSPC ce que le pr�sident de la R�publique avait qualifi� de �vaccin de rappel� ? Seuls deux jeunes confr�res, Fay�al Oukaci et Anis Rahmani, pour les nommer, s'appliquent m�ticuleusement et quotidiennement � nous fournir des indices probants de r�ponse � cette question. A les lire attentivement, la tentation qu'�prouveraient certains �l�ments de la base du GSPC de rejoindre leurs familles serait contrari�e par l'inflexibilit� de leur commandement oppos� � tout dialogue, toute tr�ve et toute r�conciliation. En tout �tat de cause, vaincus d'abord politiquement, puis militairement, ils semblent tous �voluer en douceur vers une criminalit� �conomique, comme le racket, le braquage des banques et des postes, lorsqu'ils sont possibles. Les r�actions �trang�res sont beaucoup plus bienveillantes que celles de l'opposition locale. Les Etats-Unis ont fait savoir qu'ils respectaient le r�sultat du r�f�rendum, que Washington juge d�terminant pour panser les plaies du pays, m�me s'ils auraient pr�f�r� un d�bat public plus g�n�ral sur les responsabilit�s � �tablir en Alg�rie. La France a pour sa part salu�, par la voix du porte-parole du minist�re des Affaires �trang�res, Jean- Baptiste Matt�i, la �consultation d�mocratique � laquelle ont particip� les Alg�riens�. Si les Am�ricains craignent que le GSPC soit affili� au mouvement Al Qa�da, ce qu'affirment les Alg�riens, les services de renseignement fran�ais accr�ditent �galement cette th�se, avec la crainte que se d�versent chez eux les restes de violence contenue en Alg�rie au prix de lourds sacrifices. Un reporter fran�ais, invit� d'un plateau de France 5 r�uni vendredi dernier pour commenter les r�sultats du r�f�rendum, plaidait ouvertement la th�se des �vases communicants�, d�plorant de fa�on � peine voil�e la fin des hostilit�s chez nous. A m�diter.


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