La Ligue arabe a d�cid� de s�impliquer dans la crise irakienne. Son secr�taire g�n�ral, Amr Moussa, est en Irak depuis jeudi. Officiellement, il s�agit de convaincre les chiites, les Kurdes et les sunnites de s�asseoir autour d�une table pour trouver une solution � une crise pouvant d�boucher sur l�implosion de l�Irak. Objectif : organiser � terme une conf�rence de r�conciliation nationale entre tous les protagonistes irakiens. L�Irak �tant l�un de ses membres fondateurs, la Ligue arabe ne pouvait ind�finiment se confiner dans une stricte neutralit� face � la trag�die irakienne. Il n�en reste pas moins que la d�marche de la Ligue arabe ne pouvait avoir lieu sans l�aval de Washington. L�Administration Bush, embourb�e comme jamais en Irak, en butte � l�hostilit� grandissante de l�opinion publique am�ricaine qui r�clame le retour des �boys� � la maison, a plus d�une fois fait montre de son irritation devant la passivit� des Etats arabes qui, selon elle, encouragent de fait la gu�rilla sunnite. Elle ne veut plus se contenter des d�clarations de principe de la Ligue arabe se bornant � demander aux protagonistes irakiens de pr�server l�unit� de l�Irak et l�int�grit� de son territoire mais exige qu�elle agisse concr�tement, notamment en direction de la minorit� sunnite afin que cette derni�re int�gre le processus politique en cours. Cette derni�re, hostile � l�occupation am�ricaine, se sent de fait marginalis�e par un projet de Constitution qui donne la majeure partie du pouvoir et une large autonomie aux chiites et aux Kurdes et consid�re que ce texte constitutionnel est une porte ouverte � l�implosion de l�Irak. La mission du secr�taire g�n�ral de la Ligue arabe est plus que d�licate. Si l�ayatollah Ali Sistani au nom des chiites, et les Kurdes par le biais de Massoud Barzani, ont donn� leur accord � l�id�e d�une conf�rence de r�conciliation nationale, ils refusent n�anmoins de s�asseoir � la m�me table que �les terroristes et ceux qui ne croient pas au processus politique en Irak�. Autrement dit, Kurdes et chiites excluent du dialogue pr�conis� les repr�sentants de la gu�rilla sunnite. Longtemps r�prim�es et marginalis�es par le r�gime de Saddam, ces deux forces, notamment les chiites, tiennent � leur revanche et ne sont pas pr�tes � faire des concessions � la minorit� sunnite qui a �t� de tout temps aux affaires depuis la lointaine �poque des Abassides. Pour l�heure, il est donc peu probable que la mission de la Ligue arabe aboutisse � une conf�rence de r�conciliation nationale si la tendance nationaliste de la gu�rilla sunnite en est exclue. D�autant que Washington, qui a tent� de nouer des contacts en d�cembre dernier avec l�aile nationaliste de cette gu�rilla, ne l�ignore pas. Et c�est pr�cis�ment pour cette raison que lors de sa prise de fonction officielle, le pr�sident Talabani a lanc� un appel aux insurg�s nationalistes � int�grer le processus politique � la condition qu�ils se d�marquent des djihadistes de Zarqaoui. En v�rit�, l� o� le b�t blesse, c�est, comme le souligne dans El Charq al Awsat, l�intellectuel irakien et opposant � Saddam, Kanaan Makeya, de voir le r�f�rendum sur la Constitution achever de verrouiller le processus politique. Pour lui, les Irakiens, toutes communaut�s confondues, sont tomb�s dans le pi�ge de la �victimisation� qui peut, dit-il, �d�truire les bases d�un Irak d�mocratique�. Il estime qu�au nom des injustices pass�es dont ils ont �t� victimes, les chiites et les Kurdes n�ont pas pens� l�Irak �comme � un tout� mais �n�ont pens� qu�� leur communaut�. Risque aussi qu�� leur tour, les insurg�s sunnites jouent sur le registre de la victimisation. Au bout du compte, personne ne sera gagnant. De ce fait, la mission d�Amr Moussa, qui s�inscrit dans le processus politique impos� par Washington, risque d��tre un coup d��p�e dans les eaux du Tigre ou de l�Euphrate.