Il est bien difficile de parler de succès quand les fractures deviennent une évidence, mais l'enjeu valait la peine car il s'agit, selon la Ligue arabe qui a réussi à réunir les différentes factions irakiennes, d'éviter la guerre civile, et pire que cela l'éclatement de l'Irak. En ce sens, le gouvernement irakien a confirmé hier qu'une conférence de réconciliation nationale aura lieu au début de 2006 à Baghdad et discutera notamment du retrait des forces étrangères du pays. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a indiqué que les discussions qui se sont déroulées entre les différentes factions, pendant la réunion préparatoire qui s'est achevée hier au Caire, « avaient été longues mais très positives ». Deux commissions se sont réunies au Caire, l'une pour la « préparation de la conférence », l'autre pour l'adoption de « mesures de confiance », et ont abouti à un accord pour la tenue de la conférence à Baghdad, fin février ou début mars 2006, a précisé le communiqué. Il a été décidé que l'agenda de la conférence de Baghdad comprendra notamment l'élargissement du processus politique avec la participation de tous les partis politiques, dans un climat démocratique qui est désormais celui de l'Irak ; l'unité, l'indépendance et la souveraineté de l'Irak ; le calendrier de la fin de l'occupation et les problèmes de sécurité. « Le choix des délégués devra être équilibré, comprendre tous les partis politiques ainsi que les différentes composantes du peuple irakien », a souligné le ministère des Affaires étrangères. Les participants « devront s'en tenir au dialogue démocratique et être contre la violence dans le processus politique », a-t-il ajouté. Plusieurs quotidiens irakiens affichaient leur déception face à la tournure prise par la Conférence interirakienne du Caire, qui a donné lieu samedi dernier à de vifs échanges entre les protagonistes. « Les divergences de vues, qui ont dominé la première journée de la rencontre, constituent une source de déception, et rendent aléatoire la conclusion d'un accord tant espéré entre les différentes parties », écrivait le quotidien gouvernemental Al Sabah. Selon le journal, « l'existence de points de vue différents » entre le Premier ministre irakien chiite Ibrahim Al Jaâfari et le chef du Comité des ouléma sunnites Hareth Al Dari « n'est pas surprenant ». « Cela révèle deux courants politiques en Irak : l'un aux commandes du pouvoir et l'autre opposé à ce pouvoir qui a préféré rester en dehors du processus politique en s'appuyant sur ce qu'il appelle la résistance », a-t-il poursuivi. « En outre, une polarisation communautaire s'est dégagée, avec les Kurdes et les chiites d'un côté et les sunnites », a souligné le journal. Cette même idée a été reprise par le quotidien indépendant Al Zaman qui a titré « Jaâfari et Dari divisent les rangs des participants au Caire ». Un autre journal, Al Sabah Al Jadid, a tenté de minimiser les divergences. « Il n'y a pas de réelle divergence entre les Irakiens mais l'expression d'un malaise né du fait que la présence étrangère en Irak, quelle que soit l'appellation qu'on lui donne, pèse sur l'Irak. » Inévitablement, les acteurs de la crise irakienne ont entrepris hier de petits pas les uns vers les autres, au second jour de la réunion du Caire en faveur d'une réconciliation nationale. Le président irakien, le Kurde Jalal Talabani, a ainsi souligné que les « baâthistes qui n'ont pas commis de crimes contre le peuple irakien » pouvaient eux aussi participer au processus de réconciliation. « Nous disons que la solution ne passe pas par les armes, mais par le dialogue politique et les moyens démocratiques », a-t-il dit dans sa déclaration aux termes apaisants. Selon Mohsen Abdel Hamid, secrétaire général du parti islamisque irakien, le principal de la communauté sunnite, a aussi affirmé que les discussions interirakiennes avaient été dimanche « fructueuses ». « Nous avons pu rapprocher nos points de vue sur des questions importantes comme le calendrier de retrait (des forces de la coalition dirigée par les Etats-Unis), l'unité nationale et la distinction claire entre terrorisme et résistance », a-t-il dit à la presse. Mohamed Bachar, porte-parole du Comité des ouléma musulmans, la principale association religieuse sunnite a, pour sa part, estimé que « la reconnaissance de la résistance est le premier pas vers la solution » de la crise irakienne. Il a souligné que « cette crise ne peut être résolue en trois jours » de réunion au Caire. Un représentant baâthiste présent au Caire a déclaré à la télévision Al Arabiya que le mouvement de l'ex-président Saddam Hussein était favorable à la réunion du Caire, en dépit du fait que ce courant n'y avait pas été convié. Hassan Hashem a exhorté les participants arabes à se pencher sur le problème de « l'occupation iranienne de l'Irak », en référence aux accusations de sunnites d'interférence du régime de Téhéran, via la communauté chiite. C'est ce que la Ligue arabe, qui a entrepris ce travail de rapprochement, avait mis en avant de quelque manière que ce soit. Il s'agit selon elle d'aller bien au-delà des fausses solutions, celles qui ne règlent absolument rien, voire mettent en péril l'existence de l'Irak.