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�Ma�tre Ksentini doit se pencher s�rieusement sur le dossier de la libert� de la presse�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 26 - 02 - 2006

Ma�tre Farouk Ksentini, avocat talentueux, d'une fonci�re probit� intellectuelle, a fait derni�rement une �valuation assez sommaire � en somme � de l'�tat des droits de l'homme dans notre pays. Il l'a fait avec conviction en prenant cependant soin de freiner ses ardeurs. Il laisse par exemple appara�tre ce souci dominant du respect de cette esp�ce de logique d'�quilibre entre ces droits � assez vuln�rables, faut-il le dire � et ce que la loi prohibe avec la mise en place de tout un syst�me de contraintes assez persuasif et r�pressif en m�me temps.
Souvent mal � l'aise face � un pouvoir exorbitant et d�cri� dans ses manifestations ill�gales et pour les dysfonctionnements de ses institutions, ma�tre Ksentini se laisse gagner par cette constante pr�occupation de justifier l'injustifiable au privil�ge de ce pouvoir quelque peu insensible aux violations des droits de l'homme et assez peu regardant sur le cadre de vie peu reluisant du citoyen, ce citoyen en perp�tuelle qu�te d'une qualit� de vie depuis la nuit des temps.
- Connaissant l'homme, � l'aise dans l'articulation de ses moyens de d�fense, il peut lui arriver, devant l'�vidence des faits, de s'�loigner d'une d�fense de rupture pour s'accrocher aux larges circonstances att�nuantes. C�est la descente aux enfers que peut conna�tre tout avocat accabl� par un dossier s�rieusement ficel�.
- D�formation professionnelle oblige, ma�tre Ksentini, dans son r�le d'animateur tendant � impulser, promouvoir et surtout prot�ger les droits de l'homme, choisit la m�me d�marche en plaidant les circonstances att�nuantes en faveur d'un pouvoir dit ��mergent� en mati�re de d�mocratie et d'exercice effectif des libert�s individuelles et publiques.
- Il sera tent� de dire qu'�tant pr�sident d'une institution officielle consultative, �manation du pouvoir qui ne saurait d'aucune mani�re s'�riger en contrepouvoir, il n'a pas la pr�rogative d'opter pour des formes d'action plus fermes, contestataires, exigeantes en termes de r�sultats, sans risque de heurter ce pouvoir qui, confort� dans sa propre logique d'�tre initiale et inconditionn�e, fait tr�s peu cas des avis et autres recommandations d'un organisme � caract�re consultatif .
- Ce conformisme peut ne pas �tre le sien si ce pouvoir �tait l'�manation d un ETAT IMPARTIAL, aux assises socio-politiques tr�s enracin�es insusceptibles d'�tre secou�es par les politiques claniques et les luttes d'appareils. - L'alliance pr�sidentielle actuelle nous donne par exemple l'image d'un regroupement politique, d'un club, beaucoup plus pr�occup� par la nomenclature des postes � pourvoir, les organigrammes des minist�res, la gestion des moyens et des carri�res, au d�triment d'une profonde r�flexion autour d'une globale refondation de l'Etat accompagn�e de capacit�s et d'�nergies assez en mesure de le conduire � la modernit�, � la tol�rance, � la ma�trise des technologies, � un d�veloppement �conomique et culturel capable d'offrir au citoyen un cadre de vie o� il fera bon d'y vivre pour ne plus songer � l'exil ou �tre dans l'indiff�rence de ce qui se fait en son nom.
- On peut ne pas d�sesp�rer ; les secousses d'une soci�t� civile entreprenante et audacieuse aboutiront certainement � l'�limination du mandarinat, des tutelles et des formes d'action politique superficielles, sectaires, incapables de grandes mutations.
- Il vient � l'esprit de se rappeler les sorties m�diatiques d'une partie de ce personnel de l'alliance dans l'int�r�t manifest� � vouloir r�viser la Constitution . Soit : une r�vision de la Constitution qui s'avise � adapter celle-ci � des imp�ratifs strat�giques est toujours la bienvenue. Mais se limiter � la simple expression d'une volont� de r�viser la Constitution, sans aller au bout de l'id�e, sans d�voiler les raisons, sans plaider les causes et les avantages, tout cela donne � la d�marche, le caract�re d'une l�gitime suspicion de coup d'Etat moderne, pr�alablement pl�biscit� par le suffrage populaire.
- Pour revenir aux libert�s publiques apr�s cette digression, il est arriv� � ma�tre Ksentini de trouver peu de sympathie aux marches politiques pacifiques aux motifs qu'elles ne font rien avancer .....
- Il lui �chappe peut-�tre que ces marches qui sont la symbolique de l'expression d'une revendication politique culturelle ou sociale, s'avisent � �tre un moyen d'action reconnu aux formations politiques et � la soci�t� civile . Emettre une telle id�e sur cette forme l�gale `d'action politique reviendrait � d�nier � cette action, le droit d'user de voies et de moyens p�dagogiquement reconnus habiles � sensibiliser et � mobiliser l'opinion publique.
- La libert� d'organiser une marche sans que celle-ci mette en p�ril la s�curit� des personnes et des biens, demeure une forme de libert� d'expression qui ne peut �tre contrari�e que par l'opposition d'un ordre policier et r�pressif. On ne peut donc �tre contre une marche ou un rassemblement sans risque d'�tre liberticide. A moins d'accepter, m�me en qualit� de d�fenseur des droits de l'homme et militant des libert�s, que le pays continue d'�tre r�gent� par une esp�ce d'�tat d'exception. Ce qui peut para�tre tr�s difficile � concilier.
- Sous d'autres cieux, les marches contestataires ont fait retirer des pupitres d'assembl�es d�lib�rantes et avantageusement repr�sentatives, des projets de loi et des programmes gouvernementaux contest�s par une frange de la soci�t�.
- Sur un autre plan assez sensible celui-l�, ma�tre Ksentini trouve aberrant de jeter des journalistes en prison. Il sugg�re qu'on leur inflige des amendes !... J'atteste qu'il a toujours �t� contre l'emprisonnement des journalistes. J'en conviens et c'est � son honneur. Mais ceci ne suffit pas . Une telle position rel�ve de l'expectative, d'une strat�gie visant la d�fensive et la neutralit�. Or pour ma�tre Ksentini, il y va de son sacerdoce d'�tre plus combatif, plus militant, plus contestataire, � l'endroit des cercles politiques qui s'�rigent en censeurs ou en ge�liers.
- Certes, il ne peut �tre admis qu'un journaliste puisse se placer au-dessus des lois de la R�publique. Du reste et dans cette perspective, ce journaliste n'a jamais formul� l'exigence d'une quelconque immunit�.
- Comme il est radicalement inadmissible d'emp�cher la presse d'�tre dans son r�le quand elle informe l'opinion publique sur ce qu'il se fait ill�galement, irr�guli�rement, dans l'incurie et par des errements allant � I'encontre des r�gles d'une �bonne gouvernance�.
- Ma�tre Ksentini doit s�rieusement se pencher sur le dossier de la libert� de la presse, d'�tre partie prenante, d'en d�battre avec la corporation et la soci�t� civile, d'informer et de sensibiliser l'opinion publique, pour que ceux qui s'y consacrent ne soient plus vou�s � la rigueur de la loi p�nale et � la lourdeur des punitions p�cuniaires, obligeant les titres � mettre la clef sous le paillasson.
- Dans cet ordre d'id�es, un journaliste salari� condamn� � payer sur son propre patrimoine le montant excessif d'une ou de deux amendes, sera par la force des choses, contraint de se priver de ses salaires, peut-�tre pour une longue dur�e jusqu'� l'effacement de l'ardoise punitive.
- Arr�tons de consid�rer notre presse, comme l'unique source du mal, du ressentiment et de la discorde.
- Laissons la �voluer avec ses convictions, ses convulsions, ses libert�s, sa responsabilit�, sa vision des choses, ses adh�sions ou ses abstentions � des programmes, ses commentaires critiques � l'endroit du fait et de l'acte politique.
- Il y va de notre d�mocratie de disposer d'une presse qui se d�veloppe sans haine et sans m�pris avec seulement la certitude d'�tre soucieuse de la chose publique, d'�tre la tribune des sans-voix, d'�tre le censeur des abus de pouvoir, d'�tre l'instrument formateur des opinions, d'�tre enfin l'�cho des joies et des drames.
- Tous ceux qui militent pour les droits de l'homme doivent consacrer leurs efforts � �manciper un pouvoir assez frileux de ses pr�rogatives et de sa toute puissance � faire taire une presse qui fait preuve de sa maturit�, du s�rieux de ses investigations dans diff�rents domaines notamment dans celui de l'assainissement de la gestion des affaires publiques afin de lui faire atteindre des objectifs de probit�, de justice sociale et d'utilit� publique.
- On ne peut donc occuper une si honorable tribune sans avoir la volont� de chercher les moyens d'assurer � la libert� de la presse une in�branlable assise, � charge pour cette presse d'�laborer sa propre �thique en dehors de lois et de r�glements d'un autre �ge.
- Il doit �tre unanimement retenu que la presse, celle harcel�e, se trouvait bien dans sans r�le lorsqu'elle d�non��t l'�tat de nos banques, celui de notre patrimoine foncier et plus particuli�rement celui de nos administrations publiques �conomiques g�rant les services publics dans la contradiction des grands principes qui les animent.
- Bien apr�s ces d�solantes conclusions, de hautes autorit�s se sont prononc�es pour confirmer les milliards dissip�s � nos banques � telle enseigne qu'il soit difficile d'�valuer le pr�judice sans peut-�tre le concours d'experts internationaux.
- Alors, apr�s ces scandales financiers quand verra-t-on nos grands argentiers devant leurs juges ? Quand assisterons-nous au d�clenchement de proc�dures mettant en cause la responsabilit� politique des gouvernants et des autorit�s mon�taires pour avoir laiss� les coffres se vider dans l'opacit� et peut-�tre dans la complicit� ?
- D'autres combats plus nobles et plus vertueux, furent engag�s et gagn�s par de valeureux journalistes : il suffit de se rappeler les ann�es de sang et de larmes impos�es par le terrorisme islamiste. Cet engagement pour la d�fense de nos valeurs r�publicaines a �t� tr�s lourd de cons�quences et ce n'est pas pour autant que cet engagement cess�t. Il continue pour que la libert� en lutte, qui pour �tre, doit se faire dans la douleur du souvenir et dans la crainte d'aller s�journer dans des cellules sombres et humides et � qui croit-on donner la force de briser les plumes.
- Mohammed Benchicou, journaliste �m�rite en fait les frais de son engagement . Il est incarc�r� avec la libert�, avec la m�moire des martyrs de la plume et avec la satisfaction du devoir accompli . Il suffit de feuilleter son journal pour �tre convaincu de l'ampleur de cet engagement dans la lutte anti-int�griste . Il suffit �galement de revoir les colonnes du Matin pour s'�mouvoir des d�sespoirs des humbles . Tout cela a �t� fait sans haine ni m�pris . Il fut dict� par une conscience patriotique et par le sens du devoir d'�tre � l'avant-garde de la lutte contre les dangers mena�ant l'Etat dans ses fondements et contre les comportements incompatibles avec la justice sociale et la bonne administration de la vie publique.
- Ceci observ�, avec la certitude de notre amiti�, Farouk Ksentini saura d�duire qu'au train o� vont les choses, nous n'aurons plus la presse de l'engagement, de l'opinion, de l'analyse, de la vigilance, du commentaire sur l'�v�nement et le temps politiques. Nous n'aurons pas aussi la presse de la satire et de l'humour. Nous allons ressembler � beaucoup d'autres, � ceux priv�s de leur droit � l'information.
- Harcel�e pour cesser ses audaces, nous disposerons alors d'une presse du fait divers, des mots crois�s, de l'horoscope et de la m�t�o, avec comme toile de fond le commentaire de la fid�lit� et du consensus autour d'un seul centre d'int�r�t et de d�cisions.


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