On aura tout vu et, � ce niveau d'�motionnel, il n'y a presque plus rien � ajouter. La lib�ration des islamistes, � celle d'Ali Benhadj en particulier�, qui c�dent volontiers leurs paillasses chaudes aux journalistes, t�moignent de ce que le processus de r�gression, apparemment inexorable, peut ne s'arr�ter qu'au trente-sixi�me sous-sol. Il culmine dans une prestidigitation n�gationniste qui, en jonglant avec les mots, en faisant par exemple dispara�tre �terrorisme� et appara�tre ce g�n�rique lyrique, confusionniste et dilatoire de �trag�die nationale�, impose une lecture manipulatoire de la d�cennie sanglante dont le pays continue � p�tir des r�pliques. Il n'y a jamais eu d'AIS, de GIA, de GSPC. Les ann�es du couteau n'existent pas. Pure invention du parti de la guerre suspect de vouloir, contre la �culture du pardon�, continuer � attiser les vents contraires ! L'assassinat purificatoire, les listes de femmes et d'hommes � abattre parce qu'ils ne sont pas format�s dans la soumission int�griste, les massacres collectifs, les voitures pi�g�es, la psychose de l'attentat, la haine des hommes libres au nom d'Allah, les vocif�rations ininterrompues ponctu�es d'appels au djihad, tout cela est fiction. 200 000 morts, des milliards de dollars de d�g�ts mat�riels, un tissu national d�chir�, un foss� traumatique de ressentiments, c'est le fruit de l'imagination de sc�naristes belliqueux. Non, il ne s'est rien pass�. Aucun responsable � ce bilan de guerre. Mettons tout cela dans un ballot qu'on baptise �trag�die nationale�. On le jettera par-dessus bord. Il ne faut pas l'ouvrir. Attention ! C'est la bo�te de Pandore, ce ballot. Pas de d�tail. Tous les morts sont le fait de cette vague �trag�die nationale�, quelque chose qui ressemblerait � une catastrophe naturelle logeant toutes les victimes � la m�me enseigne. Tant qu'� faire, il faut allonger la liste des victimes de la �trag�die nationale� de celles des inondations de Bab-El-Oued et de celles du s�isme du 21 mai 2003. Le sociologue Boukhobza, �gorg� devant sa fille, est autant �victime� que le terroriste Moh Leveilley, tu� les armes � la main. Un but partout ! Des comparaisons pareilles, il y en a � la pelle. Mais il ne faut pas les rappeler sous peine de raviver la douleur et, ce faisant, emp�cher le pardon. C'est cela l'�quidistance glac�e de la �trag�die nationale �. Victimes et bourreau, m�mes droits. C'est cela aussi la cons�quence de voter les pleins pouvoirs pour une qualification univoque et arbitraire de faits dont la cha�ne tresse une vraie guerre. Une guerre men�e par des groupes s'inspirant de l'islamisme radical pr�n� par des Benhadj contre un Etat et des citoyens r�calcitrants � la fatalit� qui aurait voulu qu'une majorit� �lectorale, du reste bricol�e, impos�t par la force un projet de soci�t� totalitaire � tout un peuple. L'extension de la violence � tous les secteurs a, de toute �vidence, conduit � ce que les repr�sentants de cet Etat se rendent parfois coupables d'�carts. Pour autant, cela absout-il les int�gristes de crimes qu'ils ont toujours revendiqu�s et qu'ils continuent � revendiquer, notamment par la voix de l'in�narrable Madani Mezrag, comme des faits de guerre ? L'expression �trag�die nationale� et une loi laxiste avec les criminels et r�pressive � l'�gard de ceux qui nomment la nature du crime, parviennent pourtant � op�rer la magie de tout �galiser. Et de tout effacer ! Quand il d�bouche sur des conclusions p�remptoires et prescriptives, le r�troviseur cesse d'�tre un miroir du pass� pour devenir une sorte de palimpseste o� le dernier qui a �crit a raison, surtout s'il se donne la l�gitimit� de la force. Nous ne sommes plus dans l'Histoire, cette machine impitoyable de pr�cision des faits, mais dans l'approximation de l'ex�g�se. Jamais, autant qu'aujourd'hui, le religieux n'a domin� le politique, le priv� le public, l'irrationnel le rationnel. Jamais autant qu'aujourd'hui la sbiha n'aura autant remplac� le micro, le muezzin cathodique la petite voix du c�ur, l'incantation �chevel�e la raison pure. A l'aune des pitoyables r�sultats que l'on voit aujourd'hui, le combat � r�sonance universelle men� quinze ans durant contre les forces de l'irrationnel para�t avoir �t� inutile, comme l'aura �t� le sacrifice des femmes et des hommes qui ont pay� de leur vie cette lutte. On repart de z�ro. Comme si de rien n'�tait ! Le drame des victimes du terrorisme n'aura servi � rien mais la violence islamiste, elle, aura �t� payante. La lib�ration des terroristes en est un effet. Les sc�nes observ�es aux portes des prisons ont l'all�gresse des victoires. Le tralala d�clench� par des islamistes plastronnant est le rappel sonore de ces ann�es emplies de cris rageurs, de morgue comminatoire, de promesses de l'enfer d'ici et de l�-haut. Le malaise suscit� par ces sc�nes ne vient pas seulement de cette cacophonie de youyous qui ont l'air de pousser tout seul � la vue d'un terroriste lav� de tout par son �largissement. Il ne vient pas non plus de ce spectacle, somme toute ordinaire, de la canonisation � vif par des ouailles jusque-l� d�sempar�es de leur ap�tre Ben hadj, revenu aux siens par la gr�ce de la r�conciliation. Il a pour cause qu'un Ali Benhadj, b�n�ficiaire de la r�conciliation, juge que la victoire des siens n'est pas enti�re. Qu'il aspire � revenir sur la sc�ne est un secret de Polichinelle. Celui qui d�clarait �la d�mocratie kofr�, qui appelait � la d�sob�issance, qui soutenait la violence, a raison de consid�rer que si on le rel�che, malgr� tout ce dont il est coupable, c'est qu'il y a encore � prendre. Le doigt ne suffisant pas, il faut arracher la main. On n'a jamais mieux sem� les graines de la haine.