1/Presse et gr�ce pr�sidentielle Le 3 (trois) mai 2006, � Journ�e internationale de la presse � n�aura pas �t� marqu� par les seules et traditionnelles c�r�monies de recueillement � la m�moire des journalistes assassin�s par la barbarie islamiste, ou de rassemblements � la Maison Tahar-Djaout. La gr�ce d�cr�t�e par le premier magistrat du pays, en faveur des journalistes condamn�s d�finitivement, a fait du 3 mai une journ�e particuli�re en raison du caract�re in�dit de cette mesure. Je ne fais pas allusion, bien entendu, au droit de gr�ce lui-m�me qui est l�une des pr�rogatives constitutionnelles du pr�sident de la R�publique (article 77 alin�a 7 de la Constitution), mais plut�t � l�opportunit� (3 mai), qui a �t� saisie pour d�cider �de mesures de gr�ce au profit des journalistes d�finitivement condamn�s� (communiqu� de la pr�sidence de la R�publique). On peut ais�ment imaginer l�effervescence qui a d� s�emparer des r�dactions. Si les uns ont salu� la mesure, remerci�, applaudi, les autres, plus nombreux, se sont montr�s ( El-Khabar, Le Soir d�Alg�rie, El-Watan) plus circonspects, pr�f�rant � juste titre poser les bonnes questions. Claquer des mains est facile, encore faut-il �tre certain que cette gr�ce �tait v�ritablement une mesure aux cons�quences imm�diates et palpables. Auquel cas on pouvait effectivement la qualifier de geste politique fort. Rien n�est moins s�r, lorsqu�on sait, comme cela a �t� dit par des journalistes du Soir d�Alg�rie (3 mai 2006) que les noncondamn�s d�finitivement sont beaucoup plus nombreux que les d�finitivement condamn�s. Cela signifie donc, concr�tement, que toutes les voies de recours n�ont pas �t� �puis�es. Cela veut dire surtout encore plus clairement que les conseils des non-condamn�s d�finitivement n�ont nullement �t� inform�s � la date du (deux) mai 2006 au soir, voire la nuit... que les pourvois en cassation introduits par leurs clients ont �t� rejet�s par la Cour supr�me. Tout rejet par cette juridiction apr�s le 2 mai n�influera en rien sur les peines d�emprisonnement prononc�es contre les journalistes puisque la gr�ce pr�sidentielle date quant � elle du 2 mai 2006 (voir liste des journalistes non condamn�s d�finitivement et donc non graciables Soir d�Alg�rie 3 mai 2006). Par ailleurs quid des affaires pendantes devant les juridictions et non encore jug�es ? Si la mesure de gr�ce se devait dans l�esprit de celui qui l�a d�cr�t�e �tre un message d�apaisement, de d�crispation des rapports presse/pouvoirs politiques, il e�t fallu qu�il prit en consid�ration deux conditions essentielles : 1/ Une mesure d�extinction des poursuites pour toutes les affaires p�nales � venir, introduites contre les journalistes. Preuve irr�futable s�il en �tait, d�une v�ritable volont� politique �exprimant le souci du chef de l�Etat � pr�server la libert� de la presse�... (communiqu� de la pr�sidence de la R�publique). 2/ Pour que la gr�ce pr�sidentielle ait eu un sens, le ministre de la Justice aurait d� �tre instruit pour que la Cour supr�me acc�l�re le r�glement des pourvois en cassation introduits par les journalistes concern�s avant le 2 mai 2006. Ce pr�alable indispensable n�aurait en aucune fa�on signifi� pressions du politique comme v�cu de par le pass�, dans une affaire appartenant aujourd�hui au domaine public puisque d�finitivement jug�e en mars 2004... Il aurait donn� au concept de �condamn�s d�finitivement� le sens juridique qui lui sied. Et � la gr�ce pr�sidentielle la signification politique qui lui convient. Pr�cis�ment, sur le plan strictement politique, le chef de l�Etat aurait-il miraculeusement renonc� � ses pr�jug�s plus que d�favorables � l��gard d�une presse dont il �loue� occasionnellement le pluralisme mais dont il n�appr�cie pas la �turbulence� encore moins la plume ? �Une plume plus assassine qu�une balle�, avait-il d�clar� dans un discours. Certainement pas. Avec cette mesure de gr�ce, le premier magistrat du pays n�aurait-il pas cherch� � amadouer la presse en focalisant l�attention des journaliste sur �sa cl�mence" pour mieux les neutraliser demain, et leur tordre un peu plus le cou ? En somme, un �show pr�sidentiel� plut�t qu�une gr�ce d�finie par un journaliste comme un �tir � blanc� ou une �mesurette� par le �Comit� Benchicou pour les libert�s�. Ce serait bien �videmment faire offense � tous ceux qui continuent � �crire malgr� le harc�lement dont ils sont l�objet que de croire qu�on peut les dompter. �Ceux-l� ne regardent pas le doigt, lorsque le doigt montre la lune� (proverbe chinois). Le v�ritable gage politique qu�aurait pu donner le pr�sident � la presse e�t �t�, plut�t que cette �gr�ce�, un environnement et des conditions de travail favorables � une expression libre. Au lieu de cela, c�est sous son r�gne que les d�lits de presse sont devenus des infractions s�v�rement r�prim�es par le code p�nal (loi n�01-09 du 26 juin 2001). C�est aussi sous son r�gne que des policiers ont �t� instruits pour rechercher (alors que l�auteur de l��crit est identifi� et identifiable), interpeller, arr�ter, tels de vulgaires d�linquants, des journalistes. Et si l�honn�tet� intellectuelle exige de moi de reconna�tre qu�avant l�accession au pouvoir de l�actuel chef d�Etat, il y a eu des journalistes emprisonn�s, interdits d��criture, des quotidiens suspendus, force pour moi est de constater que c�est sous son r�gne qu�un directeur d�un organe de presse Le Matin, a �t� harcel� jusqu�� l��puisement, poursuivi, condamn� � deux ann�es d�emprisonnement en juin 2004 avec mandat de d�p�t � l�audience. M. Mohamed Benchicou est en prison pour d�lit d�opinion. Pour ses �crits, pour ses convictions pour son livre qu�on sortait sous le manteau, de peur qu�il ne soit saisi, par des policiers en civil le jour de l�inoubliable et magnifique vente-d�dicace � la Maison de la Presse. Mohamed Benchicou n�a pas b�n�fici� de la gr�ce, c��tait attendu. �Les bons de caisse�, fallacieux pr�texte cr�� par le pouvoir, pour le jeter en prison ne pouvaient pas soudainement �tre qualifi�s de d�lit de presse le 3 mai 2006 ! En tout �tat de cause, � moins de quarante jours (40) de sa lib�ration, Mohamed Benchicou n�avait aucunement besoin de cette gr�ce, lui contre lequel le pouvoir s�est particuli�rement acharn�. L�emprisonnement de Mohamed Benchicou aura montr� � ceux qui en �taient convaincus mais �galement � ceux qui ne le seraient pas, qu�il existera toujours des femmes et des hommes pour combattre par des id�es imprim�es la pens�e unique et la tyrannie. M�me si cela prend du temps, m�me s�il y a des risques � �crire. C�est la grande le�on � tirer de toutes les souffrances endur�es par Mohamed Benchicou �symbole d�un combat pour la libert� d�expression� ( Le Soir d�Alg�rie 3 mai 2006). Quel go�t pouvait donc avoir cette gr�ce, qui n�en �tait pas une, avec un journaliste emprisonn� depuis deux ann�es bient�t ? En v�rit�, la libert� d�informer et d��tre inform� rev�tira tout son sens lorsque le pouvoir politique admettra � si tant est qu�il le puisse � qu��crire, �tre critique n�est pas le fait des mal-pensants, des �tra�tres � la solde de l��tranger� ou �d�stabilisateurs�. La libert� d�informer et d��tre inform� prendra toute sa signification lorsque dispara�tront du code p�nal les d�lits d�opinion et non pas d�lits de presse. En d�autres termes, lorsque le pouvoir judiciaire ne sera plus instrumentalis� � des fins politiques parce que les rapports presse/ pouvoir sont con�us et pens�s par ce dernier en termes de rapports de force. Et il faut sans doute se dire que le magistrat comme tout autre citoyen peut avoir besoin un jour ou l�autre de la presse pour s�exprimer. M. Tayeb Louh, aujourd�hui membre du gouvernement, avait publi� le 8 ao�t 1996 dans El-Watan un long article en sa qualit� de magistrat, pers�cut� par sa hi�rarchie pour avoir critiqu� l�ing�rence du ministre de la Justice dans l�affaire de Cosider (Annaba) dans le cadre de ses activit�s syndicales. La presse demeure incontestablement le meilleur recours pour exercer et exprimer sa citoyennet� face, notamment, � l�Etat de non-droit. La libert� d�informer et d��tre inform� aura enfin un sens lorsque t�l�vision et radios nationales, m�dias lourds du secteur public, seront ouvertes � tous et non pas aux seuls thurif�raires. Est-ce normal que l�opposition soit interdite de t�l�vision et de radio y compris pour des �missions culturelles ? Est-ce normal qu�on entende le chef de l�Etat d�clarer : �La t�l�vision est ma chose �? Ce n�est pas d�s lors une petite mesure de gr�ce qui fera oublier le verrouillage m�diatique et politique devenu une triste r�alit�. Alors m�me que la naissance de la presse pluraliste avait eu le m�rite en 1990 d�ouvrir un d�bat digne d�int�r�t. Ce ne serait pas grave si celui-ci �tait rest� sans conclusion. Le plus grave est que l��criture pluraliste est s�rieusement mise � mal. Et ce n�est pas le seul probl�me des journalistes. C�est le n�tre aussi. Ceux et celles qui sont convaincus qu�on peut d�battre avec le journaliste mais en aucun cas lui interdire d��crire et d�informer. Leur libert� est n�tre. Leur musellement aussi. Cette mesure de gr�ce deviendra-telle une �tradition� comme l�ont souhait� certains journalistes ? La meilleure tradition et la seule serait de ne plus jamais voir des journaliste emprisonn�s pour leurs �crits ou condamn�s sans aller en prison. Ecrire est avant tout un acte responsable. Il ne s�agit pas de l�interdire mais de l�appr�cier en termes d��thique et de d�ontologie. Il reste enfin que l�amalgame �tabli entre journalistes et terroristes par le pr�sident de l�APN �tait f�cheux et profond�ment choquant. �On a pardonn� � des terroristes, pourquoi pas � des journalistes ?� a-t-il d�clar�. Cibles privil�gi�es du terrorisme islamiste, les journalistes n�ont tu� personne avec leurs �crits. Ils n�ont pas besoin de pardon et d'absolution. Ils auraient plut�t besoin que le pouvoir l�gislatif soit beaucoup plus fort pour qu�on puisse parler du pouvoir ou du contre-pouvoir de la presse un jour prochain dans notre pays. Tout le reste n�est que discours... Y compris la gr�ce quand bien m�me quelques journalistes, d�finitivement condamn�s, aient pu en b�n�ficier. Quid de demain, apr�s-demain et tous les autres jours ? Ni gr�ce, ni cl�mence : droits et devoirs des journalistes seulement. 2/ Justice Libert� du 30 avril 2006 a annonc� � la Une le �limogeage de dix hauts magistrats par une mise � la retraite d�cid�e par le chef de l�Etat�. Le contenu de l�article moins accrocheur permet de comprendre que les �limog�s� sont arriv�s � l��ge de la retraite et donc au terme de leur carri�re. Rien de particulier, rien de sensationnel. Sauf qu�un avocat ayant conserv� �courageusement� l�anonymat a abus� de la bonne foi du journaliste, en d�clarant �que ce ne sont pas 10 magistrats mais 90% de la Cour supr�me qu�il fallait mettre � la retraite, puisqu�ils pr�f�rent rester chez eux sous pr�texte que le traitement des affaires est plus propice�. ( Libert�). Dans l�esprit de cet avocat, le juge serait-il tenu de faire de la pr�sence et faire du rendement quelle que soit la qualit� des d�cisions ? Si cet auxiliaire de justice fait allusion aux lenteurs judiciaires qui m�riteraient un s�rieux d�bat tant elles d�couragent les justiciables, elles sont le fait de proc�dures multiples et complexes et non le fait des magistrats qui ne sont pas des secr�taires � profession noble par ailleurs � contraints de passer par la pointeuse. Le pouvoir judiciaire aurait sans doute besoin de faire dispara�tre les longueurs pr�judiciables � son prestige et � l�int�r�t des justiciables. Il aurait besoin de moyens mat�riels et humains. Est-ce l� la faute des magistrats ? Est-ce leur seul probl�me ? Certainement pas. Mais cet avocat sait qu�au nom de �l�obligation de r�serve�, aucun juge de la Cour supr�me ne lui r�pondra. Alors il s�en est donn� � c�ur joie et c�est tellement facile et plaisant lorsque les propos sont anonymes ! Certains se diront � et c�est leur libert� � �mais de quoi se m�le-t-elle? � L�ancien magistrat que je fus est en mesure de t�moigner que la Cour supr�me renferme en son sein de r�elles comp�tences quand bien m�me cette haute juridiction serait loin d��tre de toute critique. Mais pourquoi donc des voix s��l�vent-elles pour ne rien dire et se taisent lorsque sont r�voqu�s, mut�s, r�trograd�s des magistrats rebelles aux pressions politiques ? Ils sont connus pourtant ! 3/ Relations alg�ro-fran�aises On aurait pu imaginer d�autres propos pr�sidentiels � S�tif et � Guelma � l�occasion de la comm�moration du 8 Mai 1945. Voici qu�un �P�riscoop� du 4 mai 2006 nous apprend que le voyage pr�sidentiel a �t� annul�. Dommage ! Car avez-vous remarqu� que c�est lorsque les protagonistes du �je t�aime, moi non plus� se f�chent tout rouge que la coop�ration entre la France et l�Alg�rie est la plus florissante, y compris dans le domaine m�dical ? Et � ce propos, l�ancien chef de gouvernement, M. Sid-Ahmed Ghozali, interview� par L�Express (27/04/2006) a fort bien r�sum� la situation en d�clarant : �Le discours antifran�ais est un clin d��il envoy� aux islamistes. C�est aussi une forme de d�magogie qui pla�t aux cat�gories les plus conservatrices...� Par contre, lorsque M. Sid- Ahmed Ghozali dit �qu�en se faisant soigner � Paris, le pr�sident a rendu un hommage � la m�decine fran�aise�, j�ai juste envie d�ajouter �pour mieux m�priser la m�decine alg�rienne�. Sur ce point, je ne changerai pas d�avis (voir pr�c�dente chronique 29 avril 2006). Cela n�a pas emp�ch� des pieds-noirs de revenir � S�tif, et d��tre fort bien accueillis. Au fond, pourquoi les trait�s d�amiti� ne sont jamais affaire des peuples, qui, � d�faut d�avoir le pouvoir, ont la sagesse et le bon sens qui manquent souvent aux gouvernements ? El-Khabardu 3 mai 2006 a consacr� un article qui m�riterait un d�bat plus large et ne peut nous laisser indiff�rents puisqu�il concerne �le refus d�exequaturer les d�cisions prononc�es par les juridictions alg�riennes�. A quoi donc serviraient les conventions qui datent pour certaines de 1964 ? Un d�bat serein s�il vous pla�t ! Agressifs : s�abstenir. 4/Les relations alg�romarocaines : Son Excellence, l�ambassadeur d�Alg�rie au Maroc, M. Larbi Belkhe�r, a d�clar� ( Libert� 3 mai 2006) que : �Le Maroc et l�Alg�rie �taient appel�s � s�entendre, ni l�un ni l�autre ne peuvent d�m�nager.� Personnellement, je ne suis nullement surprise par cette d�claration. Pour avoir eu le privil�ge- � n�en d�plaise � certains !� d�appartenir au m�me gouvernement en 1991, que notre ambassadeur, j�ai pu au fil des jours conna�tre ses capacit�s et qualit�s d�Homme d�Etat au sens le plus noble. L�unique remarque que je voudrais faire � propos de cette d�claration est qu�elle apporte beaucoup de s�r�nit� dans nos relations avec certes un pays voisin, mais surtout ami avec lequel nous devrons cohabiter faute de �pouvoir d�m�nager� (M. Larbi Belkhe�r). Enfin, l�homme qu�il faut � la place qu�il faut ! 5/ GSPC et r�conciliation nationale Les nombreux kidnappings de citoyens (15 � 20/ mois), selon El-Watan et El-Khabar, � l�actif du GSPC nous am�nent � penser que les demandes de ran�ons sont un moyen pour les terroristes islamistes �d�amasser le magot� avant de se rendre pour recevoir l�absolution ! Aux familles des kidnapp�s l�angoisse et la terreur, aux terroristes les ran�ons et le pardon. C�est cela la r�conciliation ! Pendant ce temps-l�, pour les citoyens honn�tes : �A la question du pouvoir d�achat du mode de fixation des salaires, s�ajoute celle pos�e par l�existence de fortes in�galit�s de revenus ais�ment observables par les �l�ments du train de vie des diff�rents groupes sociaux�. (M. H. A�t-Amara, �conomiste El- Watan, 30 avril). O� est donc cette Alg�rie �en excellente sant� que je cherche vainement