Le Liban est un Etat multiconfessionnel. Hormis l'�tat civil et la pratique religieuse, rien ne distinguait un Libanais chr�tien d'un Libanais musulman, un sunnite d'un chiite. Le Liban �tait un vivier d'hommes de culture, compar� aux autres pays arabes. Les libert�s individuelles, en particulier la libert� d'expression, n'�taient pas remises en cause au nom de la foi. Le Liban vivait en paix jusqu'� ce que ses voisins arabes en d�cident autrement. Les Arabes sont comme �a: ils ne tol�rent pas que le voisin ou le parent festoie pendant qu'ils font car�me. La solidarit� arabe, c'est d'abord l'obligation de partager le malheur, en attendant un bonheur mythique. Le Liban �tait un pays de libert� avant que l'alliance de T�h�ran et du "Mal de Damas" ne l'attaquent de l'int�rieur. Au nom de la lutte contre Isra�l, le Hezbollah pro iranien et les agents syriens ont d�cr�t� le pays territoire conquis. Ils l'ont proclam� zone de guerre et en �tat d'urgence. Jusqu'ici, la libert� d'expression �tait tol�r�e � condition de ne pas trop r�p�ter que : - Le Liban est un pays souverain occup� militairement et civilement par la Syrie. - Le Hezbollah est le cheval de Troie des mollahs iraniens au Liban. En �change, les journaux �taient libres d'�crire des pamphlets contre Assad. Il n'en a rien � cirer: le peuple est avec lui et il appartient � une minorit� musulmane nourrie au despotisme "halal" (1). Les t�l�visions, elles, avaient toute latitude de diffuser des clips libertins et des "Stars acad�mies" qui choquent les malveillants et libidineux vieillards voisins. Elles avaient accessoirement le droit de brocarder les hommes politiques locaux. C'est un peu ce que faisait la cha�ne LBC (Lebanese Broadcasting Corporation). Dirig�e par le maronite Pierre Daher, LBC est consid�r�e comme une cha�ne chr�tienne, bien qu'elle ne dispense pas des cours de cat�chisme. En revanche, elle exploite habilement le filon des Talk-shows et des �missions de jeu � succ�s. C'est ainsi que LBC a popularis� "Star Acad�my" que tous les Arabes (sauf quelques irr�ductibles comme les Alg�riens) suivent dans le secret de leurs alc�ves. Pour ne rien g�ter, la cha�ne chr�tienne est propri�t� � cinquante pour cent du Prince Walid Ben Talal. Comme quoi, point de contrainte en affaires pour cause de religion. Et c'est l� qu'intervient l'ayatollah Nasrallah, chef supr�me du Hezbollah, parti chiite qui a supplant� le mouvement Amal de Nabih Berri, trop embourgeois�, dans les escarmouches sporadiques contre Isra�l. Nasrallah, c'est l'idole d'une jeunesse chiite qui explose l� o� elle peut. Il galvanise et il manipule les foules � sa guise, aid� en cela par une voix de stentor. Sur ce chapitre, et compar� � lui, notre Ali Benhadj ferait figure de cap� d'une �cole de castrats. Ne pouvant le diviniser comme le f�t N�ron, pour raisons religieuses, les admirateurs de Nasrallah lui ont �rig� un pi�destal interm�diaire (Bayn al manzilata�ne). Ne pouvant le traiter comme proph�te, ils ont d�cr�t� comme le fit le po�te pour le ma�tre d'�cole, qu'il en avait la stature. La semaine derni�re, une �mission de la LBC a donc os� caricaturer le v�n�r� et infaillible chef du Hezbollah. Le r�sultat: vous l'avez vu sur tous les �crans. Contrairement aux manifestations anti-danoises, les fid�les de Nasrallah ont r�agi avec une singuli�re promptitude pour venger l'offense. Des �meutiers d�cha�n�s ont tout saccag� sur leur passage � Beyrouth. Ils ont tabass� deux ou trois chr�tiens, dont le fils de l'ancien pr�sident Gemayel et ont failli br�ler une �glise. Bien s�r, le chef est apparu sur sa t�l�vision "Al- Manar" pour dire � ses ouailles:"Maintenant que vous avez ext�rioris� votre l�gitime col�re, rentrez chez vous!". La d�monstration de force �tait ample et suffisante. Avec contrition, la direction de la LBC a pr�sent� ses excuses � Nasrallah et a jur� de ne plus recommencer. Quant � une r�action de solidarit� des cha�nes, propri�t� du Prince Walid, ou des autres cha�nes arabes, inutile d'�puiser les piles de vos t�l�commandes (2). C'est ainsi que ce vendredi 2 juin 2006, un nouvel attentat a �t� commis contre la libert� de la presse au Liban. C'est ce qui arrive quand des extr�mistes chiites comme Nasrallah entrent dans l'ar�ne politique tout en revendiquant l'immunit� (Isma) due aux proph�tes. Nasrallah, c'est le visage repoussant et inqui�tant et l� un des visages hideux de l'int�grisme chiite. En voici un autre qui impose respect et consid�ration. C'est en quelque sorte l'anti-Nasrallah. Hani Fahs est membre du Haut conseil islamique chiite au Liban. Il a milit� dans la r�sistance palestinienne et a v�cu en Iran au d�but de la r�volution khom�iniste. Universaliste, il a d�couvert le nationalisme iranien, ce qui l'a ramen� vers ses racines et sa citoyennet� libanaises. Hani Fahs �tait l'invit�, vendredi dernier, de l'�mission de Turki Dakhil "Idha'ate" (Eclairages) sur la cha�ne "Al-Arabia". Dans cette interview repiqu�e sur "Al-Arabia-Net", Hani Fahs expose ses id�es sur ce Liban pluraliste et d�mocratique auxquels aspirent les Libanais. Il rappelle sa fameuse r�plique selon laquelle "Un Liban sans les chr�tiens est un Liban insipide. Il milite pour la pr�sence des Maronites dans l'exercice du pouvoir. Et c'est ce Liban l�, dit-il, que r�clament aussi bien le c�ur que la raison. C'est la soci�t�, avec ses intellectuels et ses penseurs, qui instaurent les r�gles d'une vie commune. L'Etat est l� pour renforcer ces r�gles en se renfor�ant d'autant et il s'affaiblit en les affaiblissant. Evoquant les rapports entre l'Etat et la religion, Hani Fahs, homme de religion, refuse de se dire la�c mais il pr�ne la distinction entre le politique et le religieux. Il refuse de m�langer Etat et religion. "L'Etat a sa place et la religion a la sienne. Ils ont chacun des champs de connaissance et d'action diff�rents et compl�mentaires. Je ne veux pas que l'Etat produise de la religion et que la religion produise de l'Etat". Hani Fahs proclame son attachement � la libert�. "Je veux la libert�, r�p�te-t-il, et la libert� n'est pas un danger pour la religion". A son interlocuteur qui objecte qu'il y a des libert�s qui peuvent �tre import�es, il r�plique:"La libert� ne vient pas de l'�tranger. La libert� n'est pas un virus import� de l'�tranger. La libert� est une aspiration intrins�que. J'ai besoin de libert�, je dois donc la pratiquer". Hani Fahs se prononce �galement pour l'all�geance � la patrie et non pas � la communaut� religieuse. Interrog�, de ce fait, sur la situation en Irak, il estime que c'est la n�gligence des Arabes qui renforce l'influence iranienne dans ce pays. Au reproche qui lui est fait de pr�cher la mod�ration aux chiites des Emirats qui r�clament plus de droits politiques, il r�pond:"Je pr�f�re l'assurance d'exister que les avantages superflus de l'existence". En attendant, c'est Nasrallah qui remplit les stades et les places publiques o� Hani Fahs n'a aucune chance d'�tre entendu. On peut se consoler en pensant qu'une poign�e d'abeilles vaut mieux qu'un plein sac de mouches mais l'avantage reste toujours aux plus nombreux sous le ciel de Nasrallah. A. H. (1) A propos de Alaouites, j'ai �t� surpris de voir l'un des th�ologiens attitr�s de Assad, Ramadhan Al-Bouti, mobilis� avec Karadhawi pour d�fendre "l'Islam en danger en Kabylie"(sic). Avec de tels proc�d�s, la Kabylie risque d'accepter en dix ans ce qu'elle a refus� en cent trente ans. (2) On ne dira jamais assez le mal que fait TPS aux Alg�riens d�sireux d'�chapper aux cha�nes de l'ennui et de la torpeur. TPS, alli� providentiel de l'insipide et du morbide et, surtout, TPS fossoyeur de la francophonie en Alg�rie. Amen !