�Y a-t-il un pilote dans l�avion ?� C�est la question que se pose tout �tranger, qui prend la peine de d�couvrir la ville. Les habitants eux y ont r�pondu depuis fort longtemps d�j�. L�absence des autorit�s locales ou leur impotence ils y font face � leur mani�re en attendant que les choses changent. Verbalement, les administr�s sont intraitables envers les �lus, le directeur de la culture et le wali particuli�rement. Et il y a vraiment de quoi ! La ville est sale. Les sites arch�ologiques, patrimoine mondial, sont livr�s aux pilleurs et aux ordures. �Interdit de photographier.� Cette restriction transcrite sur un panneau jauni par le temps �d�core� presque toutes les cl�tures qui entourent les vestiges romains, principal attrait de la ville selon les manuels, les sites Internet et, � l�occasion, les officiels. Quand ils �f�tent� le mois du patrimoine culturel. La r�alit� est tout autre. L��criteau d�interdiction, t�moin d�une p�riode o� le tourisme culturel �tait une politique, nous apostrophe d�s que l�on s�approche de la cl�ture en fer forg� qui entoure les ruines d�un amphith��tre datant du IVe si�cle. Autour est venu se greffer, anarchiquement, le march� central de la ville. March� �Libya� ou march� �Touness�, c�est selon. Ici, la marchandise de la contrebande est vendue � la cri�e � quelques m�tres du si�ge flambant neuf de la S�ret� de wilaya non loin du march� couvert de T�bessa. Celui du 4 mars, en souvenir des �v�nements sanglants qui s�y sont d�roul�s durant la guerre de Lib�ration. On vient de rafistoler la fa�ade. Gauchement. A quelques m�tres du march� au style colonial se vend et s�ach�te au noir la devise. Le butin des �gnatria� (contrebandiers), notamment les p�tes, les biscuits, les fruits secs et la halva turque est vendu dans des locaux et sur des trottoirs sales. Ces produits alimentaires sont expos�s au soleil la journ�e durant, et ce, au vu et au su de la direction des contr�les des prix et de la concurrence. Bien qu�un march� couvert lui ait �t� r�serv� dans une autre partie de la ville, du c�t� de la gare routi�re, la friperie par ballots �ventr�s jonche les trottoirs, encombre la rue et tapisse les barri�res de l�amphith��tre romain. Ce site, monument mill�naire, les autorit�s locales motiv�es par on ne sait quelle d�cision venue d�Alger, ont pens� � le �pr�server� des cam�ras des photographes. Pas des pilleurs des pierres de taille et de mosa�que. Dans les sarcophages sont plant�s des b�gonias Des segments de colonnes sont all�s orner les entr�es et jardins de quelques villas luxueuses de la r�gion. Dans les sarcophages d�plac�s du cimeti�re romain sont plant�s des b�gonias. Les responsables locaux n�ont pas jug� utile d�interdire de jeter les d�tritus de tous genres dans l�enceinte de ces monuments t�moins de l�histoire de l�humanit�. Sites squatt�s d�s la nuit tomb�e par les malfaiteurs et les consommateurs de drogue. Le m�me sort est r�serv� � la Basilique, o� des gamins vont jouer au foot. Au temple de Minerve qui va de sacril�ge en sacril�ge. A la muraille de Salomon qui ceinturait la vieille ville. Centre-ville pour les T�bessis. L�int�rieur, c�ur de Th�veste, fait peine � voir. Les graffitis qui racontent les amours contrari�s d�une jeunesse native de la r�gion mais sans rep�re, le club de foot local, celui du Mouloudia d�Alger, l��toile Zidane ou encore la qu�te d�un visa salvateur, recouvrent des remparts qui datent du VIe si�cle. Jadis, 13 tours la caract�risaient. Il en reste des vestiges et ils servent de d�potoirs. La porte de Caracalla, en chantier depuis des lustres, est la meilleure illustration du massacre du patrimoine. �Beaucoup d�argent a �t� d�pens� pour sa r�novation.� Derri�re les remparts t�moins de l�histoire de cette ville frontali�re avec la Tunisie, situ�e � 960 m�tres d�altitude du djebel Doukane, qui a surv�cu aux Grecs et aux Romains, s��l�vent des constructions horribles, sans style architectural aucun. Elles d�naturent compl�tement cet endroit mill�naire qu�est �le centre-ville�. Alt�rant ainsi chaque jour un peu plus l�histoire de l�antique Th�veste que Tbessa s�acharne ses derni�res ann�es � effacer. Compl�tement. L�histoire retient qu�en 535, le g�n�ral Salomon, le Byzantin, pour prot�ger la ville des vandales, a fait construire une enceinte. Enceinte � l�ombre de laquelle on se prom�ne ce 28 juin 2006 en se demandant qui aujourd�hui pourrait sauver T�bessa des vandales. La d�faillance de la commune a eu raison du pays du cheval barbe et de la datte de N�grine Ceux qui s�acharnent sur les ruines et ceux qui, par incomp�tence, par complicit�, ou par indiff�rence ruinent la nouvelle ville. Ceux-l� qui ont d�cortiqu� pi�ce par pi�ce, avant de les d�truire, les jeux des parcs d�attractions et de loisirs, �uvre de Ch�rif Rahmani, alors wali de T�bessa. L�endroit est livr� au temps, aux ordures et aux herbes folles. Les caf�s et restos qui s�y trouvent sont ferm�s, cass�s, d�truits. Le tout est abandonn�. Comme l�est le jardin familial dont le portail qui donne pourtant sur une grande avenue est scell� par les ordures et les herbes folles. Il ne reste presque rien des jets d�eau lumineux et musicaux de jadis, sinon l�appellation. Les chauss�es sont d�fonc�es tout autant que les trottoirs bouff�s par les herbes. Les placettes o� les jardins publics � l�image de celui qui se trouve au quartier �Bourgeois� sont livr�s aux d�linquants. Fui par les familles qui aspirent � pouvoir en profiter un jour. En attendant, chaque fin de journ�e c�est le parking de l�a�roport qui est pris d�assaut par des enfants et leurs parents. Les premiers, filles et gar�ons, s�adonnent � d�interminables tours en v�lo sous le regard fier des seconds. La m�me sc�ne on la retrouve le soir d�s 21 heures, sur le route de Constantine, le long de la rue qui longe l�universit�. La seule voie � �tre tr�s bien �clair�e. C�est l� que les familles se retrouvent pour profiter de la fra�cheur de la nuit. �On aurait aim� aller ailleurs au parc, au jardin, au centre-ville pour respirer, d�guster des glaces, des cr�pes, marcher le long de l�avenue, voir nos enfants jouer��, confie un p�re de famille venu de la cit� Belair. Une cit� d�potoir, comme le sont toutes les autres, m�me celles nouvellement habit�es. Celle de la Concorde civile, entre autres. Celle du 1er-Novembre ou du 4 mars, c�est selon. C�est le tribalisme qui d�cide de l��lection du maire En somme dans la ville de Larbi Tbessi, dont le nom a �t� donn� � l�a�roport et � plusieurs autres �difices publics, l�hygi�ne fait d�faut. Les services communaux sont absents comme en t�moigne l��tat du boulevard Houari-Boumediene au bout duquel on d�couvre �le Titanic�. Une curiosit� que les jeunes nous ont demand� de voir. Une b�tisse sur plusieurs �tages, qui s��tale sur des milliers de m�tres carr�s bien �d�El Crarssi�. Un sobriquet qui colle au directeur de la Chambre de commerce de la ville, m�me s�il est devenu un homme des plus fortun�s de T�bessa. A T�bessa, aux boulevards et rues spacieux et a�r�s � une autre �uvre de l�actuel ministre de l�Environnement � il est difficile de se retrouver, les rues et ruelles ne sont pas baptis�es. Il en est de m�me pour les quartiers de l�immense commune qu�est T�bessa. �Et pourtant, cette ville est riche en histoire, a donn� des chouhada. Autant de sources pour puiser et baptiser les rues et quartiers�, se d�sole le jeune chauffeur de taxi qui nous a fait balader � travers la ville. Un jeune qui a tenu � nous faire voir la cit� administrative, ex-Mouhafada : un d�potoir. Inconcevable quand on sait que l�endroit est prot�g� par un policier en faction. Les alentours du si�ge de la commune et ceux du si�ge de wilaya ne sont pas dans un meilleur �tat. La raison de la non-gestion �vidente de la ville notre chauffeur la r�sume et la d�nonce : �Ce syst�me de cooptation et de l��quilibre tribal, pour ��lire� les gestionnaires de la ville a montr� ses limites, ses insuffisances et son absurdit�. Il est temps que les choses changent ! Nous sommes en 2006. Soit 44 ans apr�s l�ind�pendance et nous en sommes encore � g�rer par El Arrouchia. C�est grotesque ! � Il esp�re aussi que le wali prendra acte du discours du pr�sident. �Qu�il s�en aille. Il a des probl�mes de sant�, tout T�bessa le sait. Notre ville a besoin d�un gouvernant, un vrai, il y va de notre devenir.� Et de celui de cette ville frontali�re que traverseront des centaines d�Alg�riens cet �t� pour aller passer leurs vacances en Tunisie.