C�est l��t�. Les plus chanceux auront droit aux cocotiers et au sable blanc. Les autres devront se contenter du strict minimum : plages d�potoirs, gargotes poisseuses et plagistes taciturnes. Un strict minimum ch�rement pay� en l�absence d�une r�elle strat�gie de d�veloppement des loisirs. L�oued Mazafran qui d�verse ses eaux saum�tres et naus�abondes sur la plage Colonel Abb�s ne semble pas d�ranger les baigneurs en cette chaude journ�e de juillet. Pour une famille moyenne, le plongeon dans ce bouillon de culture revient tout de m�me � plus de 500 DA, repas et boissons non compris. Les papiers gras, les bouteilles en plastique et les tas de gravats jonchent cet endroit qui, par le pass�, devait �tre paradisiaque. Sac banane en bandouli�re, Mouloud attend les clients � l�ombre d�un vieux parasol. �Les affaires ? �a va pas mal. Surtout avec les �migr�s qui sont venus nombreux cette ann�e�, dit-il sourire en coin. Plagiste � temps perdu, Mouloud est un saisonnier du tourisme qui fait vivre sa famille en louant des chaises longues et des parasols. Tourisme. Un bien grand mot pour d�signer une activit� qui s�est �trabendis�e �. L�image idyllique de plages au sable couleur or et de mer aux eaux limpides est oubli�e depuis bien longtemps. La plage Colonel Abb�s est l�exemple type de la d�cadence. Un grand bazar pied dans l�eau avec ses gargotes crasseuses, ses vendeurs � la sauvette et ses parkings poussi�reux. Une grande d�charge aussi qui croule sous des tonnes de d�tritus. Mais tout le monde semble trouver son compte dans cette situation catastrophique. La municipalit� d�abord qui ne rate pas l�occasion de renflouer ses caisses. De la loi fixant les r�gles g�n�rales d'utilisation et d�exploitation touristiques des plages, datant de f�vrier 2003, l�APC ne semble appliquer que le chapitre consacr� aux modalit�s de concession. Exit les autres dispositions. �Art. 5. - L'acc�s aux plages est gratuit. La gratuit� de l'acc�s est clairement affich�e sur des panneaux publicitaires install�s par les services communaux � cette fin. La concession est tenue de garantir la libre circulation des estivants tout le long de la plage objet de la concession sur une bande littorale dont la largeur est d�termin�e dans le cahier des charges. Art. 7. - L'�tat naturel des plages doit �tre prot�g�. Toute exploitation des plages doit s'effectuer dans le strict respect de la vocation de cet espace. Art. 8. - L'exploitation des plages et la promotion des activit�s touristiques dans ces espaces doivent �tre conformes aux r�gles de sant� et de protection de l'environnemental. Art. 10. - Il est interdit � l'exploitant d�une plage d'accomplir tout acte de nature � porter atteinte � la sant� publique, d�alt�rer la qualit� de l�eau de mer ou de d�grader ses valeurs d�agr�ment. Art. 12. - Il est interdit de jeter les d�chets domestiques et/ou industriels et/ou agricoles au niveau des plages et de leur proximit�.� En fait, la pr�sence en force de gendarmes est quasiment le seul �l�ment d�organisation dans ce petit monde g�r� par l�anarchie. �C�est combien?...� La plage Colonel Abb�s, �hacha le Colonel�, tient � souligner un quinquag�naire, est devenue au fil des ans un haut lieu de la prostitution. Les filles ont squatt� l�all�e ombrag�e qui longe l�oued Mazafran. Les n�gociations avec les clients, v�hicul�s pour la plupart, se d�roulent au su et au vu de tout le monde. �Les prostitu�es viennent de toutes les r�gions du pays. Ici, elles sont rarement inqui�t�es. Il faut bien qu�elles travaillent elles aussi�, note un habitu� des lieux. Durant les week-ends, ces filles �vitent de trop se montrer � cause du renforcement du dispositif de gendarmerie. �Delphine� g�ne aussi les gourgandines. M�me si l�endroit est sale et mal fr�quent�, il y a aussi des �gens bien� qui ont choisi Colonel Abb�s pour passer des vacances. Ma�mar, g�rant du camping El Ghouroub (le Cr�puscule), en veut pour preuve les familles qu�il accueille chaque ann�e. �Ce sont g�n�ralement des habitu�s. Ces familles viennent chez nous pour passer du bon temps en toute s�curit�. Et elles n�h�sitent pas � faire part de leur satisfaction�, indique Ma�mar en pr�sentant le livre de dol�ances. Les messages de remerciements sont en effet nombreux, mais certains n�ont pas omis de signaler qu�il n�y a pas de lumi�re dans les toilettes et que l�intimit� entre les hommes et les femmes en ces lieux est inexistante faute de s�paration. �Ces remarques datent de la saison derni�re, nous avons r�gl� ces d�tails depuis�, pr�cise Ma�mar. �On voudrait bien investir pour faire de ce camping un v�ritable centre de loisir mais actuellement c�est impossible. Le terrain appartient � l�APC et nous sommes oblig�s de soumissionner chaque ann�e pour pouvoir travailler. Si l�APC nous loue ce terrain pour une dur�e de 5 � 10 ans, nous sommes pr�ts � construire des bungalows en dur�, ajoute-til. Entre-temps, la client�le d�El Ghouroub doit se contenter d�une simple tente pos�e � m�me le sable �quip�e d�une lampe �lectrique. Deux vieux cong�lateurs font office de garde-manger collectif. Le strict minimum pour 1000 DA par jour. Il faut dire que des campings haut de gamme, il en existe en Alg�rie, mais il faut y mettre le prix. Les jolies colonies de vacances Certains ont vite fait leur choix. �Pour moi, les vacances c�est sacr� sauf que cette ann�e je n�ai vraiment pas les moyens. Alors je suis rest� bien sagement � la maison. Mais comme je ne pouvais pas priver mes deux gar�ons, je les ai envoy�s en colonie de vacances�, explique Toufik, un fonctionnaire rencontr� dans un caf� de la capitale. La colo, �a existe encore ? L�horrible impression d��tre abandonn� par ses parents, les baignades en groupe sous le regard s�v�re des moniteurs, la sieste forc�e, les longues marches qui usent et les s�ances interminables de travaux manuels � fabriquer des bibelots avec des �pingles � linge� Mais il n�y a pas que du mauvais dans les colonies. On y rencontre des copains et des copines (ah les petites copines et les petits copains), on apprend plein de petites choses qui serviront par la suite et aussi � devenir ind�pendant. En Alg�rie, le grand sp�cialiste de la colonie, c�est l�Analj (Agence nationale des loisirs de la jeunesse) avec ses 17 camps de vacances implant�s dans 14 wilayas. �Le syst�me de colonies de vacances a bien chang�, assure M. Bentayeb, directeur de l�unit� de Sidi-Fredj. �Nous avons d� nous adapter. Aujourd�hui, on ne peut pas obliger un enfant � aller se baigner ou faire de longues marches dans les bois s�il n�en a pas envie. Nous proposons des camps � th�mes avec des activit�s � la carte. Le camp de Sidi- Fredj est plac� cette ann�e sous la double th�matique de l�environnement et de la musique�, note le directeur qui pr�cise que l�Analj prend �galement en charge les enfants � la journ�e en proposant des activit�s de centre a�r�. A bien voir, l��ventail des loisirs d��t� dans la r�gion alg�roise est plut�t restreint. En fait, il y a plusieurs cat�gories d�estivants. Nous avons vu les intr�pides, tr�s � l�aise dans les eaux glauques et qui finissent par refiler la conjonctivite � toute la population ; les campeurs imp�cunieux, pr�ts � tout supporter pour quelques jours d��vasion ; ceux qui sont astreints � un cocooning forc� faute de moyens et qui jurent qu�ils se payeront de vraies vacances l��t� prochain. Puis il y a les autres. Ceux qui ont la chance d�avoir une carte d�acc�s (� puce) aux r�sidences d�Etat et autres centres de repos de l�arm�e. Ils donnent l�impression d��tre une minorit� mais ces �ayants droit� sont visiblement nombreux puisque les lieux qu�ils fr�quentent sont toujours bond�s. Priv�s de teuf Reste enfin une derni�re cat�gorie. Celle-l� fait trempette exclusivement dans les piscines. Ces derni�res passent pour devenir un v�ritable ph�nom�ne de mode. Il en existe une bonne demi-douzaine dans la r�gion d�Alger. Rencontr�s � la piscine Ra�s-Hamidou de Staou�li, Salim, Nazim et Youcef ont d�cid� de boycotter les plages alg�roises. �La piscine, y a pas mieux. C�est calme, propre et en plus la client�le est tri�e sur le volet. Aucun risque de se faire agresser puisqu�il n�y a que des familles et des gens bien. En plus, ici on peut consommer en toute tranquillit�, disent-ils en montrant leurs verres d�alcool. Les trois copains tiennent toutefois � d�noncer la hogra du directeur g�n�ral de la r�sidence d�Etat du Club-des-Pins qui a d�cid� de fermer la discoth�que attenante � la piscine sous pr�texte de tapage nocturne. �Les �t�s pr�c�dents c��tait g�nial, on passait toute la journ�e � la piscine puis toute la nuit � danser pour finir au petit matin dans les bassins. Mais tout �a c�est fini � cause de Melzi. Lui a droit de faire du boucan en organisant des m�ga-soir�es sur la plage de son grand h�tel. Hlal pour lui, hram pour nous�, marmonne Salim derri�re ses lunettes de soleil. Il est vrai qu�il n�y pas plus agr�able qu�une journ�e de farniente au bord d�une piscine mais c�est un plaisir qui revient cher. Comptez au minimum 2000 DA pour un couple sans enfants. En d�finitive, la saison estivale 2006 ressemble aux pr�c�dentes. Les plages sont toujours aussi sales et les quelques loisirs disponibles sont inabordables pour la grande majorit� des Alg�riens. Bonnes vacances, quand m�me. T. H.