Louisa a tout ce dont r�ve une chanteuse pour s�duire et faire une longue et prometteuse carri�re artistique : une voix de rossignol, des m�lodies envo�tantes et une po�sie juste. Elle a eu la reconnaissance des grands ma�tres de la chanson kabyle. Charm� par sa sublime voix, Idir lui a conseill� de chanter sans instruments. Il a eu � son propos cette �mouvante r�flexion : �Quand tu chantes, ce sont les montagnes kabyles qui chantent.� Slimane Azem trouvait qu�elle recelait un tr�sor inestimable. On l�a rencontr�e � Berkis, un petit village de haute montagne qui f�tait ses martyrs et o� elle s�est produite gracieusement. Sollicit�e, elle s�est confi�e � nos lecteurs avec une joie non dissimul�e. Le Soir d�Alg�rie : Parlez-nous de votre carri�re, des obstacles rencontr�s� Louiza : Bien que j�aie commenc� � chanter tr�s jeune, je n�ai v�ritablement entam� ma carri�re qu�en 1978, encourag�e au tout d�but par une Fran�aise, car c�est en France que j�ai commenc� ma carri�re. M�me si je suis tomb�e sur une famille compr�hensive, ce n��tait pas facile � l��poque pour une femme, d�abord devant la difficult� � appr�hender cet art, puis devant la morale puritaine. Ni pour les hommes d�ailleurs, puisque cheikh Nourredine me disait que lui-m�me a �t� rabrou� � maintes reprises lorsqu�il a voulu prendre �pouse car les gens ne voulaient pas d�un gendre chanteur, tout comme Slimane Azem vou� aux g�monies� Qu�est-ce qui vous a amen�e � la chanson en dehors de votre talent ? Tr�s jeune, je suis tomb�e sous le charme de cet art dont je me suis servie pour exhumer ce que je porte dans mes entrailles. Slimane Azem m�a d�ailleurs dit que je n�avais pas le droit de frustrer les gens de mon �tr�sor cach�. C�est pourquoi j�ai investi ce cr�neau o� je suis venue par vocation. D�ailleurs, je suis auteur-compositeur de toutes mes �uvres. Les gens aiment ce que je fais, ce qui me booste pour continuer � travailler. Vous avez rencontr� Slimane Azem, cheikh Nourredine, Idir... Des anecdotes � raconter � ce propos ? Slimane Azem, qui avait compar� mon chant aux complaintes des montagnes, m�a sollicit�e pour un duo. On avait m�me commenc� � pr�parer une deuxi�me cassette, un projet frein� par sa disparition. Les r�p�titions qu�on a faites avec sa guitare serviront au montage d�un produit in�dit qui sortira incessamment. Idir, que je salue chaleureusement au passage, m�a, quant � lui, lanc�e au moment o� j�avais le plus besoin d�encouragements. Il m�a permis de chanter un Acewwiq improvis� devant 2 800 personnes � Lyon qui se sont lev�es pour m�encourager. C��tait huit jours apr�s la sortie de mon premier album. J�en ai encore la chair de poule. Ne me connaissant pas, il m�a d�abord �cout� chanter avant de m�int�grer � son concert en pr�sence de Brahim Izri. Il m�a fait un aveu tr�s flatteur : ma voix n�avait pas besoin d��tre accompagn�e d�instruments. Il m�a d�ailleurs conseill� de chanter ainsi estimant que quand je chante, �ce sont les montagnes kabyles qui chantent�. Des regrets dans votre carri�re ? Non, car j�ai r�alis� tous mes v�ux. Mais j�ai �t� plut�t marqu�e par un �pisode qui m�a valu l�exil et des ennuis. La chanson Lejnas bden ar wagur, une chanson satirique per�ue comme attentatoire � la religion alors que je ne faisais que caricaturer une r�alit� socioculturelle. Le succ�s de cette chanson n�a pas plu � certaines personnes. J�ai �t� touch�e au plus profond de mon �tre. Il est vrai que je fais des chansons qui sont sentimentalement touchantes, mais loin de moi l�id�e de verser dans la d�rision. On m�aime d�ailleurs pour �a. Avec la disparition ou la retraite des pionni�res de la chanson kabyle, Louiza est-elle consciente du fardeau qu�elle porte pr�sentement ? Je ne pr�tends pas incarner ou r�incarner mes devanci�res. Les gens me le disent souvent. Comme Ferhat A�t Menguellet, qui appr�cie ce que je fais. Il trouve que je fais des chansons, pas des chansonnettes. J�ai toujours respect� l�avis des gens. C�est donc au public de juger si je suis en mesure d�assumer cet h�ritage qui est tr�s lourd � porter. Pour ma part, je ne sais pas o� j�en suis dans la hi�rarchie de la chanson kabyle. Je me contente de produire. J�en suis � 17. albums et je fais tout pour faire � chaque fois �uvre de cr�ation, � r�pondre aux attentes des gens et � puiser au fond de moi-m�me pour extirper �ce tr�sor enfoui�, comme n�a cess� de me le r�p�ter Slimane Azem. En tous les cas, c�est trop d��loges et c�est le r�ve de tout artiste de se voir comparer aux ic�nes. Une chose est n�anmoins s�re, je continuerai � faire plaisir aux fans de la chanson kabyle loin de tout autre consid�ration. Avec votre belle voix, il ne vous est jamais arriv� de songer � chanter dans d�autres langues ? Peut-�tre, mais comme j�ai �t� nourrie aux sources de tamazight, je me vois mal chanter dans une autre langue. Et puis, les belles m�lodies sugg�rent un sens m�me � ceux qui ne comprennent pas la langue. Un jour, j�ai �t� surprise d�entendre un artiste fran�ais, un mendiant non voyant, jouer la musique de ma chanson Eldiyin taburt devant une �glise � Saint-Etienne. Questionn�, il m�a dit qu�il �tait simplement tomb� sous le charme de la m�lodie et que les paroles ne pouvaient, par cons�quent, signifier que quelque chose de path�tiquement beau. Il faut donc cr�er pour universaliser la chanson kabyle. Avec Taqructiw deweh deweh, j�ai touch� des droits partout dans le monde, au Canada, en Suisse, en Angleterre, au Japon... Il faut d�passer le folklore pour int�resser les �trangers � nos �uvres. Votre opinion sur la chanson kabyle actuelle ? Bien que je sois quelque peu d�branch�e depuis la maladie, puis la mort de mon mari, je trouve que le ph�nom�ne des reprises a fait �norm�ment de d�g�ts dans la chanson kabyle. Outre qu�elles font r�gresser la chanson kabyle, elles d�naturent des chefs-d��uvre authentiques comme les chansons de Slimane Azem, El Hasnaoui� Si elles animent bien les soir�es, ces reprises nuisent, cependant, � la cr�ation qui est la seule voie de progr�s pour notre chanson. Quels conseils donnez-vous aux jeunes chanteuses ? Il faut travailler sans rel�che, cr�er, solliciter des compositeurs et des paroliers, s�il le faut, pour apporter du nouveau, car les reprises sont �ph�m�res. Seul l�art v�ritable dure. Louiza a-t-elle des sujets de pr�dilection, un artiste pr�f�r� ? J�estime que tous les artistes ont une particularit�, un style propre, un quelque chose qui les distingue des autres et qu�il faut respecter. Je les respecte donc tous et toutes. Me concernant j�ai chant� tous les th�mes : l��migration parce que je l�ai v�cue, l�amour et la vie dans tous ses �tats. Comment construisez-vous vos �uvres ? Je commence toujours par composer la m�lodie puis j�adapte le texte suivant cette m�lodie selon qu�elle est path�tique ou joyeuse. C�est toujours ainsi que je proc�de. Je me fie toujours � mon instinct artistique. Pour conclure... On doit respecter et aimer les artistes qui nous ont l�gu� un tr�sor inestimable qu�il faut pr�server � tout prix sous peine de voir mourir notre culture. Les jeunes doivent continuer sur les traces des anciens tout en apportant une touche de modernit� � leurs �uvres. C�est comme �a que l�on fera avancer la chanson kabyle et frapper aux portes de l�universalit�.