Femmes autres ou autres femmes paraît comme un titre énigmatique. Dans cet essai paru aux éditions El Kalima, Denise Brahimi parle d'un sujet toujours délicat, une cinquantaine d'années après l'indépendance de l'Algérie. L'auteure, ainsi, présente différentes sortes de relations entre femmes algériennes et femmes européennes, à l'époque coloniale et bien au-delà. Le tout dernier chapitre est d'ailleurs intitulé «Aujourd'hui». Que veut dire le titre Femmes autres ou autres femmes ? Denise Brahimi l'explique au début de son ouvrage. «L'adjectif "autres" joue dans les deux cas par rapport à un "Moi" qui est sous-entendu». Ainsi, «Femmes autres désigne des femmes qui sont différentes de "Moi" et que je situe dans une altérité, même si j'éprouve un grand désir à leur être utile et de prendre en compte toutes leurs qualités. On pourrait parler d'une altérité essentielle, c'est-à-dire qu'elle est une donnée indépassable de la situation, même si le constat est fait avec regret, ou même s'il est occulté.» «Autres femmes», de son côté, «sous-entend une suite de la formule qui serait : d'autres femmes comme "Moi", comparables à "Moi". Il se trouve qu'elles vivent dans des circonstances ou des situations qui sont différentes de celles du "Moi" mais celui-ci les ressent pourtant tout à fait semblables à lui sur des points essentiels, et de ce fait, éprouve de l'empathie à leur égard». L'ouvrage de Denise Brahimi, qui a été universitaire en Algérie et en France, réunit des textes écrits au XXe siècle, pendant et après la période coloniale, au Maghreb. Ce sont des textes de femmes consacrés à d'autres femmes. Le but est, notamment, de réfléchir sur la manière dont les Européennes ont ressenti celles qu'elles appelaient parfois, «nos sœurs musulmanes» (l'auteur rappelle que c'est le titre de plusieurs livres). L'inverse est plus difficile bien que «tout aussi intéressant», car il y a peu de témoignages laissés par des Maghrébines sur les Françaises et les autres Européennes, qu'elles ont eu l'occasion de fréquenter. Ainsi, fait remarquer l'auteure, «la plupart du temps, ce qu'on sait des Maghrébines est indirect, il s'agit de ce que les Françaises en ont rapporté dans leurs écrits, principalement lorsqu'elles citent des propos qui leur ont été adressés». Femmes autres ou autres femmes est riche de quinze textes. Sous le titre de «Empathie pour une autre femme», on y trouve en premier, des commentaires sur Yasmina d'Isabelle Eberhardt et Saâda d'Elissa Khaïs. Le chapitre «Empathie pour les Algériennes» regroupe des analyses sur Les femmes arabes en Algérie d'Hubertine Auclert, Orientale 1930, Tout l'inconnu de La Casbah d'Alger (1933) et Doudja (1946) de Lucienne Favre ainsi que Nos sœurs musulmanes et Du vice à la vertu, roman d'une Naïlia de Marie Bugéja. Dans le chapitre suivant intitulé «Les musulmanes en voie d'émancipation demandent l'aide et l'empathie de leurs sœurs européennes», figurent des commentaires sur les œuvres Les derniers harems de Myriam Harry ; Tunisiennes de Lucie Paul-Margueritte, Histoire de ma vie de Fadhma Amrouche, et Jacinthe noire de Taous Amrouche. Deux ethnologues : altérité et empathie, le dernier chapitre comporte une analyse de La femme chaouia de l'Aurès de Mathéa Gaudry et Des mères contre les femmes de Camille Lacoste-Dujardin. Denise Brahimi est l'auteure de plusieurs ouvrages sur les femmes et sur les relations culturelles franco-maghrébines. Elle s'est aussi intéressée au regard des Françaises sur les Maghrébines et aux femmes (comme Isabelle Eberhardt et Taos Amrouche) qui ont vécu entre deux cultures.