Manifestement, Rafik Abdelmoumen Khalifa a l�air d�avoir bluff� dans les largeurs ces ��missaires discrets � d�p�ch�s � Londres pour lui �num�rer, selon Le Canard Encha�n� (mercredi 31 janvier), toutes les bonnes raisons qu�il a de se taire afin de ne pas �insulter l�avenir�. Il aurait entendu gentiment les arguments des mersouline avant de r�pondre, magnanime, qu�il pourrait bien livrer des �secrets d�Etat�, mais �qu�il ne le ferait pas pour l�instant�. Pour l�instant ! Comme la m�t�o vire � la vitesse d�une girouette dans le vent, moins d�une semaine apr�s la parution de l�article dans les pages du palmip�de parisien, c�est d�j� �l�instant�! Faut dire qu�il arrive fort vite, �l�instant� ! Et quand il est l�, l�exil� londonien aff�te les mots pour �insulter l�avenir� sans que rien ne nous pr�cise � qui appartient l�avenir invectiv�. Le sien, celui d�un autre, ou celui d�autres encore, tapis dans l�ombre �paisse de la r�publique des magouilles ? Une autre question, que n��lucidera pas la justice. Dans l��mission �Point du jour� de la cha�ne satellitaire Al Jazira, Moumen Khalifa �balance� � tout-va. Que dit-il de l��nigme de son ascension et de sa chute aussi m�t�orique l�une que l�autre ? Eh bien ! vu les circonstances, il n�est pas incompr�hensible qu�il s�appesantisse davantage sur l�arriv�e que sur le d�part. Normal qu�il taise �l�envol du faucon vert�, titre d�un thriller sorti le 25 janvier, inspir� de l�affaire Khalifa. On n�en sait pas plus sur le myst�rieux �envol� de son empire mais la disparition de la premi�re syllabe peut vite survenir : entre envol et vol, ma foi� ! La chute ? L�, en revanche, Moumen est tout � la fois disert, pr�cis et formel : �Abdelaziz Bouteflika est � l�origine de mes probl�mes (�) Khalifa Airways a achet� 4 Mercedes blind�es pour la pr�sidence (�) Le si�ge du minist�re des Finances a �t� construit avec l�argent de Khalifa Bank (�.) J�ai laiss� 3 milliards de dollars dans la banque.� Si ces �r�v�lations� sont des �secrets d�Etat�, c�est que l�Etat, ma foi, c�est Polichinelle. Le dernier des �supposeurs� subodore que pour un tel envol, l�appui du ciel est n�cessaire. Qui sont les �supposeurs� ? Ce sont les titulaires, comme vous et moi, nombreux, de cette pratique qui, � d�faut d��tre inform�s, tirent des conclusions logiques de l�interconnexion des faits. Ils font, de ce point de vue, plus fort que les magistrats assign�s dans le containment balafr� de lignes rouges. Les �supposeurs �, eux, ont l�intime conviction depuis 1999, date de naissance du ph�nom�ne Khalifa, qu�on ne peut pas partir de rien pour, en cinq ans, driver le �premier empire priv� diversifi� du pays� : Khalifa Bank, 700 000 clients et 130 agences (la Banque d'Alg�rie n'en compte qu'une centaine), une compagnie a�rienne, une cha�ne de t�l�vision, une dizaine d'autres soci�t�s sans compter une agence informelle pour organiser les loisirs r�mun�r�s pour les stars comme Depardieu et Deneuve. Donc, Moumen d�cide de balancer dans une cha�ne qu�il sait culte en Alg�rie. Il �tait tranquille, peinard, avec un avenir de golden boy charg� d�exporter une image entrepreneuriale d�une Alg�rie r�put�e alors englu�e dans la mort et la violence lorsque, en 2002, un rapport de la Direction g�n�rale de la s�curit� ext�rieure (DGSE, services secrets fran�ais) pr�dit la faillite du groupe. A l�en croire, c�est le d�but de la fin. Sur deux points (dont le contraire semblait acquis), il apporte des d�mentis : 1) Son empire n��tait pas en banqueroute ; il aurait m�me laiss� 3 milliards de dollars en caisse. 2) Il n�a jamais tent� d�exporter frauduleusement des devises. Va savoir ! M�me les �supposeurs� ne savent plus � quel sainte supposition se vouer. Qui bluffe qui, qui manipule qui, qui dribble qui ? Et voil� que ces tirs crois�s r�sonnent dans l�opinion des �supposeurs � comme des �clats venant de l�int�rieur d�un m�me camp o� le poker menteur se joue dans les r�gles de la roulette russe. T�as qu�une balle pour foudroyer l�adversaire, m�nage ta munition. Outre l�entourage du pr�sident, Moumen Khalifa met en cause le premier responsable du pays en donnant pour preuve de ses affirmations sur l�achat de 4 v�hicules blind�s au profit de la pr�sidence, le fait que deux gardes de la protection rapproch�e de Bouteflika ont effectu� un stage de deux semaines dans la maison qui les construit en Belgique. Le Canard Encha�n�, lui, remarque comme tout le monde, �supposeurs� en t�te, qu�il y a beaucoup d�absents de marque � la barre du tribunal. Les illustres absents sont, dans le m�me temps, �les plus gros b�n�ficiaires des largesses de Khalifa�. Ils apparaissent, r�v�le le journal, �sous des noms abscons : �Chakib 03�, �madame Sabki�, �Ceres�. L�hebdomadaire fouineur, connu pour la pr�cision de ses informations, rel�ve �qu�on n�a pas convoqu� davantage � Blida l�avocat et fr�re du pr�sident Bouteflika Abdelghani, qui a travaill� avec le golden boy alg�rois. Enfin, le dossier judiciaire n��voque � aucun moment le puissant g�n�ral Belkheir, ancien secr�taire g�n�ral de la pr�sidence dont chacun sait le r�le de premier plan qu�il a jou� pour soutenir la construction de cet empire industriel en carton-p�te�. La d�claration de Khalifa � Al Jazira devrait non pas le laver de tout soup�on mais � tout le moins infl�chir le proc�s vers un peu moins de mascarade. Esp�rer cela, c�est m�conna�tre ce �syst�me� que semble vouloir d�crypter un certain Amide Lartane, pseudonyme d�un ancien �haut fonctionnaire alg�rien� qui �travaille actuellement dans une organisation internationale �. �L�envol du faucon vert�, son roman aux Editions Anne-Marie M�taill�, est une �interpr�tation � de l�affaire Khalifa. Il la restitue dans le syst�me alg�rien, �mixte, �trange et in�dit de totalitarisme orwellien et de client�lisme mafieux�. Le roman met en sc�ne �le g�n�ral � la retraite Lamine Boutramine� qui �avait fait de la r�forme bancaire son dada. [.] Il avait, apr�s avoir �t� brief� par ses conseillers suisses et sud-cor�ens, l'envie d'ouvrir le secteur bancaire au priv�. Mais il devait s'entourer de pr�cautions ; le seul secteur priv� acceptable est celui que l'on conna�t bien, que l'on contr�le, celui o� les r�gles non �crites de l'all�geance priment toutes les autres. [.] Si Lamine �tait fascin� par la Cor�e du Sud et ses tr�s puissants groupes �conomiques, les Shaebols. Les Cor�ens avaient parfaitement r�ussi ce m�lange d'affairistes plus ou moins louches, de nationalisme � consommation interne et de police secr�te�. Une fiction ? Un peu, beaucoup�