�Comment peut-on �tre n� anglais et devenir communiste alg�rien ?�, une interrogation � laquelle r�pond l�auteur de La Question en retra�ant son parcours militant. N� en Angleterre au sein d�une famille juive aux racines russo-polonaises, Henri Salem, qui deviendra Henri Alleg dans la clandestinit�, arrive tr�s jeune � Paris o� son p�re exerce le m�tier de tailleur. La culture politique de ses parents est sommaire mais on vote � gauche. Adolescent, ses h�ros sont Robespierre et Saint-Just. Il r�ve de voyages, d�aventure. En 1939, � d�faut d�embarquer pour l�Am�rique du Sud, il prend le bateau pour Alger. D�embl�e, il entre dans la soci�t� coloniale, la soci�t� du m�pris � l��gard de ceux que l�on nomme �indig�nes�. Il y d�couvre une mis�re inou�e, en totale contradiction avec l�image v�hicul�e par les discours officiels. Cette Alg�rie-l�, m�me les colons semblent ne pas la conna�tre. Pensant � Camus, l�auteur �crit : �Pour lui, comme pour une majorit� de pieds-noirs, elle restait invisible�. Dans cette soci�t� de l�apartheid, il fait son �ducation d�homme et de militant en exer�ant des petits boulots. C�est dans une fabrique de mat�riaux pour le b�timent qu�il prend sa premi�re le�on de lutte des classes. Il est licenci� pour pr�f�rer partager le sort des opprim�s plut�t que d�acc�der � une promotion. Ainsi se dessine son engagement. Il fait sien les mots d�Eluard et, voulant faire de sa vie un chefd��uvre, d�cide en devenant communiste d�accompagner la lutte des exploit�s vers �un monde de vraie libert�. Dans Alger p�tainiste, il m�ne de front la lutte contre l�hitl�risme et celle contre l�oppression coloniale. Form� � l��cole des cadres du Parti, il en devient � son tour instructeur avant de se consacrer au journalisme militant � la t�te d� Alger R�publicain. Il n�a de cesse, dans ses m�moires, de clamer l�Alg�rie pour laquelle il a combattu, une Alg�rie �lib�r�e du colonialisme et de ses maux : mis�re, injustice, in�galit�, exploitation, analphab�tisme, racisme�. Reprenant tous les moments de l�histoire de l�Alg�rie coloniale depuis son arriv�e en 1939, il en analyse les ressorts : mont�e du nationalisme, les �meutes qui m�neront aux massacres de S�tif, Kherrata et Guelma, politique du PCF � l��gard des nationalistes, l�histoire tumultueuse entre le FLN et le PCA, le vote des pouvoirs sp�ciaux, etc. Militant anticolonialiste de la premi�re heure, il met en exergue les contradictions entre les d�clarations � vis�e d�mocratique de la France officielle et la r�alit� de la conqu�te puis de la gouvernance coloniales. Mais comme Henri Alleg est un juste et qu�il ne souffre ni d�amn�sie ni de c�cit�, il n�omet de d�noncer ni les ex�cutions au maquis de militants du PCA, ni la pratique de la torture dans l�Alg�rie ind�pendante, ni encore le statut des femmes. Il se souvient des discussions avec Youssef, un jeune d�tenu nationaliste, dans la cour de la prison de Barberousse, qui mettait en garde contre l�amalgame du religieux et du politique, ce qui selon lui ne servait ni l�Islam, ni l�Alg�rie. Il exprimait en ces termes l�objectif de son engagement : �On ne se bat pas pour remplacer les Borgeaud fran�ais (�) par des Borgeaud arabes mais pour qu�il n�y ait plus de Borgeaud du tout.� Ce qui inspire � l�auteur cette r�flexion : �Ni Youssef ni ses compagnons ne se doutaient alors qu�il serait encore plus difficile de jeter les fondations de la nouvelle soci�t� juste et fraternelle dont ils r�vaient que de d�truire l�ancienne.� Une m�moire s�lective dans le bon sens du terme, une m�moire sans fioritures, sans langue de bois, une cl� indispensable � la compr�hension de notre Histoire, dont on retient notamment l�engagement au service d�une cause, celle de la dignit� et du respect de l�autre. Meriem Nour M�moire alg�rienne, Henri Alleg, Casbah, 408p.