Vingt jours après le “mercredi noir”, les sinistrés ont de quoi se plaindre et ne s'empêchent pas de le faire, au grand dam des images de l'ENTV et du ton euphorique qui, chaque soir, les accompagne et les enjolive. Depuis le jour du séisme dévastateur qui a frappé le centre du pays, le président de la République, son Premier ministre et son ministre de l'Intérieur ont systématiquement crié à la “récupération politique”, voire “politicienne”, chaque fois que des voix se sont élevées pour constater l'inadéquation des réponses apportées par les pouvoirs publics à cette tragédie. Soulignons-le d'emblée, il serait à la fois malhonnête et improductif d'affirmer qu'ils ont eu tort à tous les coups : les islamistes, comme par fidélité à leur opportunisme maintes fois prouvé, ont bel et bien écumé les décombres de Boumerdès et de ses environs dès les premières heures qui ont suivi la grande secousse, qui pour décrier “l'Etat mécréant”, qui pour inviter à la piété et à la dévotion, les uns et les autres sachant que leurs discours se complètent pour n'en faire qu'un. Mais cela ne saurait disqualifier, comme par magie, les critiques essuyées par le gouvernement et le chef de l'Etat quant à la lenteur et à la qualité de leur réaction à la catastrophe, ni diminuer de la pertinence des remarques et observations entendues, ça et là, quant à la gestion pour le moins approximative de ses conséquences matérielles et humaines La preuve en est qu'aujourd'hui encore, vingt jours après le “mercredi noir”, les sinistrés ont de quoi se plaindre et ne s'empêchent pas de le faire, au grand dam des images de l'ENTV et du ton euphorique qui, chaque soir, les accompagne et les enjolive. Manque de tentes, absence de sécurité, insuffisance de l'assistance médicale et bien d'autres “incommodités” sont évoqués par les sans-abri. Pis, ils ne savent pas à quel responsable se vouer, ballottés qu'ils sont entre les maires de leurs localités, d'une part, et les administrateurs de leurs camps de fortune, d'autre part. Il faut dire qu'à leur malheur, s'ajoute leur malchance de subir ainsi “les foudres de la Terre” à quelques mois de l'élection présidentielle et quelques jours à peine après l'ouverture franche des hostilités entre Abdelaziz Bouteflika et Ali Benflis, son ex-Chef du gouvernement et sans doute son futur concurrent dans la course à la magistrature suprême. C'est, en effet, de cette conjoncture politique et pré-électorale que semble directement découler la nomination de quelque deux cent cinquante administrateurs des camps de sinistrés, officiellement pour suppléer aux défaillances, réelles ou supposées, des présidents d'APC mais surtout pour empêcher ces derniers de faire bénéficier leurs partis, notamment le FLN, de quelques dividendes pour la future échéance. C'est donc à ces considérations électoralistes que les sinistrés doivent au moins une partie de leurs malheurs. M. Bouteflika et son ministre de l'Intérieur n'y sont pas étrangers. Yazid Zerhouni ne déclarait-il pas à la radio, il y a à peine quelques jours, que la gestion de la catastrophe pourrait valoir “un bon point” lors de la présidentielle ? S. C.