Depuis Naegelen, alors gouverneur d�une Alg�rie colonis�e, nos votes ont cette qualit� perverse d��tre truqu�s. Dans l�histoire politique, enseign�e par les instituts de �sciences po�, ce pays-l� est un cas d��cole que l�on �tudie avec beaucoup d�attention. �Les �lections � l�alg�rienne� sont m�me devenues un raccourci dans les d�bats afin de dire tout le mal que l�on pense des urnes livr�es � la manipulation et la qualit� morale de ceux qui b�n�ficient de leurs sanctions. A l�exception peut-�tre, d�un certain r�f�rendum organis� dans une pagaille heureuse le 1er juillet 1962, aucune consultation ne fut transparente. C�est dire donc que les r�gimes successifs ne se sont jamais souci�s de l�avis �populaire � d�s lors qu�eux organisaient leurs l�gitimit�s par le rapport de force. En quarante-cinq ann�es d�existence souveraine, l�Alg�rie a eu recours � 8 consultations locales, 6 l�gislatives et 6 pr�sidentielles sans parler de la dizaine d�actes r�f�rendaires. Et dans tous les cas de figure, jamais la question de la participation ne fut un probl�me r�el puisque le bourrage �tait la �nourriture � naturelle de cette d�mocratie de pacotille. Les scores � la sovi�tique faisaient partie de nos exercices d�s lors que notre pr�sident fut r�cemment pl�biscit� � plus de 85% de voix par un �lectorat �aux anges�, nous a-t-on claironn� en 2004. Or, trois ann�es plus tard, ce qui a chang� s�rieusement dans nos bonnes m�urs n�est pas, tant la v�rit� des chiffres et des taux, mais bien �le pourquoi� d�une manipulation au second degr�. Expliquons-nous� La haute administration, habituellement prompte � corriger dans le bon sens les r�sultats afin de ne pas polluer l�atmosph�re politique a, cette fois-ci, volontairement d�voil� le fond r�el des urnes. Selon le jargon des sp�cialistes, une abstention de cette amplitude doit �tre qualifi�e de boycott avec toutes les connotations politiques que ce qualificatif implique. C�est, par cons�quent, sciemment que le pouvoir a voulu mettre en exergue un m�contentement populaire qui pourtant ne date pas de cette derni�re consultation sauf que, par morgue et calcul, on l�avait chaque fois gomm� ou att�nu�. Il est de vieille notori�t� que les Alg�riens votent rarement en masse de m�me que le trucage de chiffres est l�gendairement un savoir-faire de nos pouvoirs. Mais alors que s�est-il bien pass� entre la pr�sidentielle �massive� d�avril 2004 et ces l�gislatives abondamment comment�es en termes d�actes censitaires des urnes ? Tout le paradoxe de cette �r�volution� d�mocratique est qu�elle n�en est pas une ; et m�me si l�on doit l�admettre en tant que telle, elle ne serait qu�une �r�volution copernicienne�. C�est-�-dire, un tour complet sur soi-m�me. Retrouvailles avec la pens�e unique. En effet, un r�gime dont la l�gitimit� �lectorale est plus que contestable ne peut pas, du jour au lendemain, s�automutiler en d�savouant sa propre praxis. Il n�y a, par cons�quent, rien de vertueux dans cette �transparence� �lectorale qui permet � tous les coquins du r�gime de disserter avec sati�t� sur leur �chec d�aujourd�hui comme si par le pass�, ces m�mes urnes les ont franchis�s. En v�rit�, nous sommes � la veille d�une nouvelle refondation de l�espace politique dans les termes que souhaite cette autocratie. Le ministre de l�Int�rieur ne parlait pas pour rien le vendredi 18 mai lorsqu�il flattait l�ego des Alg�riens en qualifiant leur abstention de �maturit� politique �. Il balisait d�j� le futur d�bat et annon�ait les man�uvres � venir, destin�es � r�tr�cir le champ des libert�s publiques. Autant dire que la consultation du 17 mai a �t� volontairement transform�e en sourici�re anti-d�mocratique. Celle-ci s�apparente au jeu du bonneteau qui consiste � pi�ger les gogos en prenant � t�moin les badauds. Pour la comparaison, cet �lectorat jusque-l� m�pris�, devient subitement l��talon de la cr�dibilit� et la norme pour acc�der au statut d�interlocuteur du pouvoir alors que celui-ci continue � se placer bien au-dessus des volont�s publiques. Quand les politologues aux analyses pointues s�acharnent � d�coder les cons�quences de ce d�sint�r�t massif, ils ne s�aventurent gu�re � examiner en toute neutralit� la nature des relations qu�entretient d�abord le sommet du pouvoir avec l�opinion du pays. Or, personne n�ignore que cette derni�re voue, depuis quelques ann�es, un infini m�pris pour ses hauts dirigeants au moment o� ils se �bunk�risent� pour gagner du temps. Avant le �d�saveu� du 17 mai, il y eut trois, quatre ou dix autres que l�on a cach�s. A chaque temps politique, ses sc�narii. Et ceux mis en sc�ne, cette fois-ci, consistent pr�cis�ment � solder un pluralisme d�j� mal au point afin de se laver les mains de l�effondrement progressif de l�Etat. A ce que l�on sache, l�opinion n�a jamais entendu son plus haut dirigeant �valuer sa propre gouvernance. Au mieux, elle n�a eu d��cho que de quelques col�res adress�es � certains �ministricules�. Cette opinion qui ne s��tonne plus d�apprendre via un journaliste fran�ais que notre pr�sident se d�sole de l�immobilisme de son attelage ne comprend pas, par contre, pourquoi il continue � adopter une posture de sphinx quand il faut agir et bousculer cette passivit� de l�appareil d�Etat ?! M�me si on sait avec quelques certitudes qu�il est � l�origine de cette transparence �lectorale, on doit �galement se demander � quel dessein il l�aurait exig� de la haute administration ? En sachant par avance qu�elle aurait pour cons�quence de disqualifier une institution de l�Etat, il est fort probable qu�il s�appr�terait � conduire les derniers 20 mois de sa mandature d�une mani�re diff�rente. Comment ? Une question dont lui seul d�tient la r�ponse. Les alliances partisanes ayant v�cu, ne serait-il pas appel�, lui, � s�en affranchir tant au niveau de son ex�cutif que dans les instances d�lib�rantes ? Sans Parlement fort et sans appareils politiques solides, le chef de l�Etat risque de se retrouver dans une solitude quasi monarchique avec pour seul contradicteur l�opinion. Or, ce n�est pas une posture confortable pour convaincre lorsqu�on a pass� les huit-dixi�mes d�une d�cennie � s�appuyer sur des relais douteux et � mener des politiques � g�om�tries variables. Pour le chef de l�Etat, le temps des bilans a commenc� et il est d�sormais oblig� de le faire seul et pour son propre compte. D�ici � 2009, il sera l�unique comptable de ses r�sultats. Et pour cause, d�sirer gouverner sans partage et sans contre-pouvoir vous pr�destine politiquement � la peine capitale.