Fr�re a�n�, En cette journ�e du 1er Novembre, comment ne pas penser � vous ? Je sais que ma lettre ne franchira pas la porte de votre cellule mais sans doute un parent ou un ami � vous, saura-t-il vous exprimer ma peine de vous savoir en prison. Condamn� � perp�tuit�. Nous ne nous connaissons pas. Peut-�tre ne nous rencontrerons- nous jamais, mais parce que je crois que la voix est une arme, je veux en user pour dire vos souffrances, pour dire l�injustice, et l�inf�mie en cette journ�e du 1er Novembre. Fr�re a�n�, Aujourd�hui, votre nom de patriote ne figurera pas sur la liste des graci�s de Abdelaziz Bouteflika. Votre glorieux pass� de moudjahid ne vous sauvera pas, et les r�conciliateurs � la m�moire infid�le veulent oublier jusqu�� votre nom. Leur monde de l�impunit� supr�me et du pardon va d�un pas tranquille, poursuivant son chemin. Non, vous ne serez pas graci�, parce que vous n��tes pas un �mir aux mains rougies du sang des nourrissons. Vous n��tes pas un �mir fier d�avoir �t� un assassin. Vous n��tes pas un Monsieur comme Hattab. Vous n��tes pas un massacreur de populations, et un violeur de femmes. Pour quelles autres bonnes raisons auriez-vous obtenu une r�duction de peine ou une lib�ration ? N��tes-vous pas dans l�Alg�rie de l�amn�sie, une esp�ce en voie de disparition ? Vous appartenez � la race de ceux qui ont de tout temps, en toute circonstance, r�pondu �pr�sent�, � la m�re-patrie. A vingt-ans comme � soixante-dix ans. Hier baroudeur, en 1990 vous avez �repris du service� en d�cidant � la t�te de 700 patriotes avec la m�me ferveur de combattre les destructeurs de l�Alg�rie dans votre r�gion (Skikda). La r�conciliation ? L�amnistie des criminels ? Qui donc aurait os� prononcer ces mots en votre pr�sence tandis que vous les traquiez l� o� ils se cachaient, l� o� ils se terraient, redoutant de croiser votre chemin ? Pourtant, apr�s l�h�ro�sme, apr�s la r�sistance, vint le moment de la trahison. Il vous fallut alors affronter cette am�re r�alit�, cette monstruosit� : ceux qui avaient jur� d�enterrer la r�publique, devinrent des h�ros. Anoblis, blanchis, amnisti�s, libres de se promener dans la cit�. Libres de menacer de mort ceux comme vous qui les combattaient. L�un de ceux-l�, connu pour avoir �t� un dangereux terroriste dans votre wilaya, s�r de l�impunit�, n�a cess� de vous provoquer, de vous offenser, de vous appeler �taghout�, ou encore de vous dire : �Tes jours sont compt�s�. Tous les t�moins entendus devant le tribunal, puis la cour, l�ont confirm�. Mais vous �tiez jug� bien avant de p�n�trer dans le pr�toire. Vos �tiez d�j� condamn�. Il fallait vous punir, il fallait vous infliger une peine lourde car, derri�re les barreaux, ce n�est pas vous qu�on a enferm�. Derri�re les barreaux, c�est votre m�moire fid�le aux victimes du terrorisme qu�on a voulu an�antir. �Dix minutes de d�lib�r� a rapport� votre avocat, Ma�tre Abderrahmane Boutamine. Dix minutes est-ce suffisant pour savoir ce que ressent un patriote lorsqu�une loi inf�me le contraint chaque jour � croiser le regard d�un �gorgeur ? Oh je sais bien, les bonnes �mes diront : �Nul n�a le droit de se comporter comme justicier� ou encore : �Il a tu�. Qui pourrait nier en effet que le 11 f�vrier 2001 vous avez �limin� un criminel amnisti�, qui bombait le torse ? Mais a-t-on seulement tent� de conna�tre votre d�tresse, vos souffrances ? Votre col�re ? A-t-on seulement entendu votre cri de r�sistance �tahia El Djaza�r� au moment o� vous �tes pass� � l�acte ? Vous voici depuis 2004 condamn� � perp�tuit�. Derri�re les barreaux, derri�re les grilles, en ce premier Novembre, fr�re a�n�, ce n�est plus la vie qu�on devine, c�est la mort qu�on imagine� En ce premier Novembre, vous �tes un patriote r�duit au silence. Ils sont libres, libres de nous polluer l�existence, semblables � d�horribles bact�ries. Et c�est le silence. Celui de la trahison, celui de la soumission. Fr�re a�n�, ce soir, en ce premier Novembre, vous ne serez pas graci�, vous n��tes pas un ��gar�, un �repenti� sans repentance. En ce jour du 1er Novembre, votre cri �tahia El Djaza�r� que la justice a refus� d�entendre, nous ne l�oublierons pas. Nous les r�publicains. Mais o� donc sont-ils ? Ce soir, fr�re a�n�, vous n��tes pas seul, car je crois que la voix est une arme et en ce premier Novembre, je veux en user pour dire que vous �tes et demeurerez un h�ros, un patriote. Notre h�ros, notre patriote. Contre cela, les tra�tres ne peuvent rien.