Le Salon international du livre d�Alger a ouvert ses portes. Plusieurs journalistes et commentateurs le tiennent pour la plus grande manifestation culturelle du pays (plus grande par rapport � quoi ?) et lui accordent un int�r�t particulier, reprenant d�ann�e en ann�e les m�mes observations, les m�mes critiques, les m�mes points positifs qui balancent de l�invasion des livres subversifs au prix des ouvrages en passant par l�organisation proprement dite. Et d�ann�e en ann�e commentateurs, journalistes et observateurs cr�dit�s du titre de sp�cialistes tombent dans le m�me panneau du f�tichisme. Ils parlent du livre comme une valeur en soi, comme l�objet porteur de savoir, de culture, de progr�s ou de r�gression comme si nous avions affaire � un d�miurge qui, par sa seule pr�sence, pouvait changer les choses, influencer les gens, modifier le destin. Derri�re ce f�tichisme du livre se cache, bien s�r, notre propre exp�rience du livre. Il reste dans notre subconscient le Livre, le Seul, c'est-�-dire le Saint Coran en qui nous trouvons v�rit� et gu�rison. Il est impossible de construire une compr�hension de notre rapport aux livres si nous �vacuons ou nions la pr�sence de notre culture de base de cette pr�sence. Ensuite, massivement, nous n�avons de livre que notre rapport scolaire. Il est rare que le livre soit pr�sent dans les maisons alg�riennes en dehors du Livre Saint et des manuels scolaires. Le livre c�est d�abord l�instrument de connaissance, l�outil de la r�ussite scolaire, au mieux un roman qu�un prof nous a si fortement recommand� que sa lecture est devenue une sorte de devoir parascolaire. Entre Livre Saint et livre utile, les rapports qui peuvent se construire donnent dans la suggestion. C�est gr�ce � ces livres que nous r�ussissons et c�est parce que ce sont ces livres. Ces livres utiles, les bons livres, les livres b�n�fiques face � quoi se construit l�image des livres mal�fiques. Tout au long du cursus scolaire, cette image subconsciente se renforce : le censeur est l� pour surveiller nos lectures. Va pour Hom�re, niet pour Sade, niet pour El Nefzaoui.