En Alg�rie, qui sait ce qu�est la pr�histoire ? Une p�riode lointaine qui remonte � la nuit profonde des origines, des temps o� l�humanit� �tait plong�e dans l�ignorance. Une �poque obscure frapp�e, en outre, du tabou de la grande question de l��volution. C�est-�-dire une science totalement m�connue, en toute bonne conscience. Il n�est qu�� se reporter � l�indigence des manuels scolaires sur cette p�riode, voire aux inepties qui y figurent et qui s�y maintiennent malgr� les expertises de pr�historiens qui ont tout fait pour les corriger. Quelques mus�es, � l�exemple de celui du Bardo, tentent de mettre la pr�histoire � la port�e de tous, mais tant qu�il n�y aura pas bousculade dans ces endroits qui semblent uniquement vou�s � la contemplation, vu la solitude des lieux, il ne faut pas se faire d�illusions quant � leur impact sur le grand public. Les �uvres rupestres sahariennes, manifestations artistiques en grande partie pr�historiques, ont su �mouvoir, par leur beaut� et leur richesse, une frange de la population et susciter quelques �mules, toutefois bien minoritaires. Mais s�il en est ainsi dans notre soci�t� que ne caract�risent ni la culture g�n�rale tr�s �lev�e ni encore moins la connaissance de sa propre histoire, que faisons-nous, nous les pr�historiens, pour changer cet �tat de fait ? Rappelons que l�Alg�rie est dot�e d�un centre de recherche en pr�histoire et anthropologie depuis le temps de la colonisation. Tout d�abord, Carape1 (1954), Crape2 (1962), pass� CNEH3 (1984), sur d�cision politique, le pouvoir voyant d�un mauvais �il l��mergence, dans notre histoire jusque-l� tr�s courte, de pans civilisationnels imm�moriaux ancr�s dans notre terroir, puis revenu th�oriquement � ses objectifs premiers sous l�appellation actuelle de CNRPAH4 (2001), mais conservant la tutelle du minist�re de la Culture h�rit�e du temps du Cneh. A cette institution est d�volue la responsabilit� de la recherche, de l�organisation de rencontres, des publications en pr�histoire, ainsi que l��tablissement de conventions avec des partenaires institutionnels en Alg�rie et � l��tranger, la pr�histoire ayant besoin du concours de nombreuses autres sciences, notamment pour les datations. Qu�en est-il au juste ? Si, effectivement, cette institution a repr�sent� une locomotive dans la connaissance de la pr�histoire nord-africaine, avant l�ind�pendance (Congr�s panafricain de pr�histoire en 1952, publications sp�cialis�es, Libyca, Travaux du Crape) et a continu� d�assumer sa fonction, durant l�Alg�rie ind�pendante, sous la direction de Gabriel Camps, puis du regrett� Mouloud Mammeri, ce dernier ayant cr�� un nouveau titre, Le bulletin du Crape, il faut reconna�tre que cette institution ne joue plus aucun r�le dans la recherche pr�historique actuelle. Les nombreux chantiers de fouille, ouverts dans les ann�es 1970 par une pr�histoire en plein essor, consciente du tournant que repr�sentait la prise en compte du paysage dans l��tude des sites, Sidi Sa�d � Tipasa, Afalou ou Rhummel � B�ja�a, N�gaous, dans le pays chaoui, Tin Hanakaten au Tassili Azjer, Bordj tan Kena pr�s d�Illizi, les �tudes g�omorphologiques de la r�gion de Timimoun, stratigraphiques de la c�te ouest d�Alger, tous ces travaux si prometteurs qui �couvraient� � la fois le territoire national et les diff�rentes p�riodes des temps pr�historiques, se sont referm�s en livrant toutefois des donn�es fondamentales, mais incompl�tes, puisque les r�sultats des fouilles n�ont pas �t�, pour la plupart, publi�s et que, surtout, il n�y a pas eu de continuit�, encore moins de rel�ve. En fait de publication, la tradition s�est �teinte comme le reste, au centre de recherche, et il n�existe plus aucune revue de pr�histoire en Alg�rie. En dehors du centre de recherche dont le comit� scientifique d�tient la pr�rogative d�accorder ou non l�aval � tous travaux sur le terrain, la recherche en pr�histoire t�tonne. Plus actif, toutefois, que le centre de recherche, m�me si on est loin de la densit� normale de travaux dans un pays si vaste et si fertile en vestiges, l�Institut d�arch�ologie de l�universit� d�Alger dirige une fouille � El Rayah dans la r�gion de Mostaganem et est partie prenante dans la fouille du site de A�n-Hanech, site qui remonte � la p�riode la plus recul�e de la pr�histoire d�montrant ainsi une occupation tr�s ancienne, et qui b�n�ficie de financements am�ricains. Des recherches en pal�ontologie et certains travaux de th�se se poursuivent �galement, de mani�re isol�e. Aujourd�hui, toutes les grandes questions, soulev�es par la pr�histoire maghr�bine et saharienne qui semblaient devoir se clarifier, si ce n�est se r�soudre totalement, par la recherche sur le terrain, l�accumulation des donn�es �tant la seule mani�re de fournir des �l�ments de r�ponse, sont rest�es en suspens. Et la pr�histoire nord-africaine avance sans nous, gr�ce aux Marocains, aux Libyens, un peu aux Mauritaniens, qui tous ont l�habilet� de travailler avec des �trangers, alors que chez nous, la recherche est entrav�e tout autant pour les Alg�riens eux-m�mes que pour les autres. Des travaux de recherche euro-m�diterran�ens, pourtant d�ment conventionn�s au plus haut niveau, avec partie prenante de pr�historiens alg�riens, n�ont rencontr� de la part des �autorit�s responsables�, que des emb�ches. Cela pourrait �galement �tre le cas pour un projet de coop�ration sur l�art rupestre qui semble stationnaire. Soumises � des autorisations d�livr�es par le minist�re de la Culture � les demandes sont r�guli�rement laiss�es en instance quand elles ne sont pas tout simplement �gar�es �, les prospections, que tout n�ophyte peut r�aliser en tourn�e touristique, sont interdites aux pr�historiens alg�riens qui sont en outre passibles de poursuites judiciaires s�ils publient � l��tranger sans l�autorisation, encore une autre ! Voil� o� en est la pr�histoire alg�rienne au moment o� vient de s�ouvrir un colloque de pr�histoire, en pr�sence de pr�historiens �trangers � pour m�moire, le dernier en date sur le sol alg�rien est celui de Maghnia, en 1988, il y a pr�s de vingt ans �, dans lequel les pr�historiens alg�riens, c�est-�-dire ceux qui vivent en Alg�rie et travaillent tant bien que mal sur le terrain alg�rien, n�auront pas leur mot � dire et ne seront pas, dans leur propre pays, entendus, puisqu�ils n�y sont pas convi�s. Nagette A�n-S�ba* *Nagette A�n-S�ba, pr�historienne, ma�tre de conf�rences � l�universit� d�Alger, pr�sidente de l�Association alg�rienne pour la sauvegarde et la promotion du patrimoine arch�ologique (AASPPA). [email protected] ------------------------------------------- 1 Centre Alg�rien de Recherche en Anthropologie, Pr�histoire et Ethnographie. 2 Centre de Recherche en Anthropologie, Pr�histoire et Ethnographie. 3 Centre National des Etudes Historiques. 4 Centre National de Recherches en Pr�histoire, Anthropologie et Histoire.