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DECODAGES
CONSTRUIRE L'�CONOMIE DE MARCH� FAUT-IL ALLER VITE ET SE PASSER DE L'�TAT ? Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 23 - 01 - 2008

Les processus de transition � l��conomie de march�, mis en �uvre dans les anciens pays socialistes, ont aujourd�hui dix-huit ans d��ge. Ces processus de transformation �conomique et sociale ont donn� lieu � la construction d�une �doctrine de la transition� qui, apr�s avoir connu un consensus chez les divers analystes, fait l�objet de plus en plus aujourd�hui de d�bats ouverts et divergents. Dans les premi�res ann�es des processus de changement syst�mique des anciennes �conomies socialistes, la doctrine de la transition �tait adoss�e essentiellement aux th�ories �conomiques lib�rales qui rejetaient les �vell�it�s interventionnistes de l�Etat�, la primaut� des politiques de l�offre qui lib�rent l�entreprise et la soulagent des diff�rentes charges sur celles de la demande qui reposent essentiellement sur la d�pense publique et la hausse des salaires, la confiance dans �l�auto-organisation de l�ordre spontan� du march� une fois l�Etat minimal �tabli� (cf. Bernard Chavance in �Les th�ories �conomiques � l��preuve de la transformation post-socialiste�). Toute cette doctrine a �t� r�sum�e dans le fameux consensus de Washington fond� sur le triptyque :
Stabilisation (lutte contre l�inflation, r�duction des d�penses publiques, gestion de la demande)
Lib�ralisation (des prix, des salaires, des taux d�int�r�t)
Privatisation (des entreprises publiques). Pour la th�orie lib�rale, la stabilisation macro-�conomique �limine l�inflation, la privatisation des entreprises publiques cr�e les contraintes d�efficacit� pour les nouveaux propri�taires et la lib�ralisation engendre la concurrence n�cessaire au �nettoyage� de l��conomie par la liquidation des industries et des entreprises inefficaces l�gu�es par l�ancien syst�me (�destruction cr�atrice�). Cette transformation syst�mique qui doit mener � l��conomie de march�, doit suivre une voie courte et directe et donc se faire rapidement, c�est l�approche du �bigbang � : la situation transitaire �tant cr�atrice de d�s�quilibres et �tant susceptible de retours en arri�re, doit �tre raccourcie au maximum. �La rapidit� du changement est essentielle�. La strat�gie �tait donc claire : retrait de l�Etat, concurrence, ouverture, privatisation et rythme rapide des transformations. Et tout comme les plans d�ajustement structurels (P.A.S), cette strat�gie �devait �tre fondamentalement la m�me pour tous�. Pourtant, � partir de la seconde moiti� des ann�es 90, � la lumi�re des premiers bilans des processus de transition en �uvre dans les Peco (pays d�Europe centrale et orientale) qui n�ont pas �t� partout probants et qui ont m�me �t� n�gatifs en Russie et en Ukraine avec affaiblissement de l�Etat, �conomie informelle, mafia, augmentation des in�galit�s et de la pauvret� mais aussi des programmes de transformation syst�miques appliqu�s en Chine et au Vietnam, une remise en cause s�rieuse des �doctrines de la transition� fond�es sur une application du consensus de Washington est engag�e. Et c�est le chef �conomiste de la banque mondiale lui-m�me, Joseph Stiglitz (prix Nobel d��conomie) qui engage cette remise en cause. La doctrine de la transition doit tenir compte du droit, du r�le de l�Etat, de l�importance des institutions, de la dimension sociale de la transformation du syst�me, de la l�gitimit� politique des r�formes ainsi que de la diversit� des voies nationales de changement. La Banque europ�enne de d�veloppement (Berd) qui est en charge du financement des processus de transition �conomique dans les pays d�Europe centrale et orientale (Peco) d�clare dans son rapport de l�ann�e 2000 : �(...) il n�existe pas de processus ou de voie unique de transition menant de la planification centrale sous r�gime communiste � une forme unique de capitalisme de march� (...)�. De leur c�t�, les analyses institutionnalistes (qui accordent un r�le important sinon d�terminant aux institutions dans les processus de transformation syst�mique) mettent en exergue les dangers des bouleversements r�volutionnaires volontaristes et pr�nent plut�t le gradualisme dans le domaine du changement institutionnel ainsi qu�un interventionnisme �tatique significatif (cf. Bernard Chavance op.cit). Aller vite et d�un seul trait, suivre un cheminement norm� et standardis�, donner le primat � l�orthodoxie �conomique lib�rale en �loignant l�Etat n�est assur�ment plus la �voie royale� de transition des �conomies socialistes � l��conomie de march�. A l�appui de ces nouvelles analyses, l�observation enregistre les succ�s des transitions en Chine et au Vietnam qui ont emprunt� une autre voie. Ici, en effet, les r�formes ont �t� �graduelles et cumulatives � et les r�sultats obtenus sont probants : croissance �lev�e, am�lioration du niveau de vie moyen, r�duction de la pauvret� m�me s�il faut relever un accroissement des in�galit�s. La strat�gie chinoise de transition � l��conomie de march� a �t� �aux antipodes du consensus de Washington�. La modernisation de l��conomie a lieu sous la conduite de l�Etat et a suivi un processus long et cumulatif. Le changement a �t� graduel et le r�gime communiste chinois, toujours aux commandes, a refus� �d�op�rer d�un seul coup�. Mais quid de l�Alg�rie ? Une �conomie qui vit au rythme des pulsations du march� p�trolier mondial ? Economie atypique s�il en est : la crise aurait pu cr�er des contraintes d�efficacit� et la pression pour une transformation syst�mique vitale. Mais voil� que le prix du baril s�envole et avec lui toutes les bonnes intentions d�une panoplie de politiques structurelles devant donner de v�ritables perspectives � l��conomie. Nous n�avons plus ni rythme lent, ni rythme rapide, ni gradualisme, ni big bang. Les Alg�riens ont m�me souvent l�impression (mais est-ce seulement une impression ?) que notre �conomie revient par touches successives � la berge de d�part : reconstitution des soci�t�s nationales (voir les derni�res d�cisions du CPE qui r�organisent les SGP), r�habilitation des choix industriels des ann�es 1970, reconsid�ration des privatisations de quelques �tablissements bancaires (au moins deux �taient au programme CPA et BDL), retour aux politiques de subventions tous azimuts, traitement social du ch�mage ... L��conomie alg�rienne se remet � fonctionner sur la base de son propre paradigme loin des r�alit�s de la mondialisation, de la comp�titivit�, de la comp�tition internationale.


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