Le melhoun est une po�sie populaire, m�lange de deux genres (citadin et b�douin, qui s�vit surtout � l�ouest du pays dans les r�gions de Mostaganem, Tiaret et Chlef. C�est un style dans lequel excellent des a�des, ciseleurs de m�taphores, qui nous invitent � une d�licieuse balade � travers les us et coutumes d�un Maghreb �picurien du XVe et XVIe si�cles, au moment de la d�cadence arabe en Andalousie. Des noms r�sonnent dans la m�moire collective comme une grande douleur. Nous citerons des g�ants comme Lakhdar Benkhlouf, Habib Benguenoun, Abdelkader El Khaldi, Mostefa Benbrahim, Abderrahmne Medjdoub. Ces bardes irr�v�rencieux � l��gard de l�ordre �tabli, po�tes du peuple au go�t prononc� pour la po�sie, ils d�clament �loquemment leur qu�te ininterrompue pour la f�licit�. Ils ont �merg� dans un XVIe si�cle, si lointain par le temps mais si proche dans son contenu, tellement actuel avec ses adages. La beaut� des textes a permis, gr�ce � la transmission orale, de les incruster dans le patrimoine culturel du Maghreb. La meilleure illustration de cette assertion est repr�sent�e par les bouqualate qui meublent nos soir�es ramadanesques malgr� la TV et l�internet. Cette culture est c�l�br�e dans la r�gion des Maghraoua du c�t� de Mostaganem et T�n�s, sur laquelle a r�gn� la tribu du chantre Maghraoui, qui a v�cu � F�s. Tous ces po�tes inspir�s et mystiques, par le g�nie de leur verbe, ont donn� une v�ritable impulsion au cha�bi qui a r�ussi � rassembler des fans sensibles � des paroles d�une grande majest�. Les sujets faisant r�f�rence � la religion sont tr�s dominants. D�autres domaines sont abord�s comme celui des plaisirs. Nous pouvons citer � ce propos Youm el djema� et Kahwa oua latai. Les harraz (magiciens) sont largement �voqu�s dans cette po�sie populaire. La r�gion de Chlef a aussi son chantre du melhoun en la personne de Omar Mokrani. Il est n� dans cette m�me ville un 16 novembre1908 et d�c�de en 1980 sans jamais voir un m�decin. Apr�s de solides �tudes coraniques, il travaille tr�s jeune comme p�tissier. N� dans une famille tr�s religieuse, p�re imam, il consacrait son temps libre � la lecture du Livre Saint. Son oncle, po�te, lui fit d�couvrir le melhoun qui deviendra par la suite une passion. Tout en respectant le rituel de sa religion, il mordait la vie � pleines dents. Ainsi le d�crit l��crivain Mohamed Ghriss : �Le fait extraordinaire et inconcevable par ces temps qui courent est que Omar Mokrani concilia une extr�me religiosit� avec des moments hautement �picuriens. C��tait en somme une pl�nitude toute rurale. Les rencontres paillardes, les cycles des wa�date, celles de Sidi M�hamed, de Sidi Abed duraient une semaine. Sur ses photos, il appara�t dans toute sa blondeur, et son port de t�te fier, avec sa hauteur de berbere, jet� sur les plaines, par de lointains anc�tres. Mais il laissa surtout l�image de quelqu�un qui traversa le temps en perp�tuel conflit�. Sa po�sie, construite avec des vers d�une grande beaut�, est simple et accessible, pleins d�assonance et d�allit�ralit�. Il ne manquait jamais d��gratigner ceux qui ne lui plaisaient pas. Ses grands coups de griffes �taient destin�s aux ca�ds et harkis pendant la R�volution. Il d�testait ceux qui utilisent la religion � des fins mat�rielles ainsi que les parvenus. Il laisse derri�re lui au moins 800 po�mes, ce qui a fait se presser vers lui une escouade d�interpr�tes de malhoun. Amri, Attafi, Mazouni font partie de ceux-l�, mais c�est surtout Ahmed Saber qui a permis de le populariser avec des chansons comme Ouktia. Mokrani avait horreur des rencontres officielles et des mondanit�s mais sa grande et aust�re demeure restait ouverte � tous ceux qui aimaient la po�sie populaire.