Lors du conseil de discipline du FLN cens� me concerner personnellement, j�avais not� une insistance insolite des membres de la commission � me faire parler de Abdelaziz Bouteflika pour me faire dire qu�il aurait tent� d�influencer le processus du contrat Sonatrach El Paso � la faveur des Am�ricains. Entretien r�alis� par Mohamed Chafik Mesbah Chafik Mesbah : Cette exp�rience alg�rienne dans le domaine du gaz, quelle est son originalit� ? Sid Ahmed Ghozali : Au pr�alable, nous avons eu � nous faire accepter comme interlocuteurs cr�dibles � propos de nos propres ressources. Cela peut �tonner aujourd�hui, �a n�allait pas de soi � un moment o� pr�valait la th�orie du �gaz captif�, o� nous �tions ��trangers� sur nos propres gisements. Suivre � la trace les organismes fran�ais dans le monde, pour dire aux clients potentiels : �Attention, l�Alg�rie est ind�pendante, nous sommes d�sormais vos interlocuteurs�, ce n��tait pas �vident. Les campagnes de sensibilisation et les n�gociations commerciales qui s�en sont suivies devaient s��taler sur des ann�es ! D�un c�t�, les clients fran�ais, italiens et allemands �taient en entente pour privil�gier, outre la mer du Nord, le gaz sovi�tique, misant sur ce dernier pour cr�er des pr�c�dents en mati�re de prix. Pendant qu�ils se donnaient le temps de conclure avec le Nord aux conditions les plus favorables � l�acheteur, ils allongeaient � loisir leurs pourparlers avec nous� en proposant des prix que nous ne pouvions que refuser. De notre c�t�, nous avions une seule voie : cr�er des pr�c�dents avec d�autres clients pour d�montrer que l�exportation du gaz alg�rien pouvait parfaitement se dispenser du bon-vouloir de notre partenaire fran�ais. D�o� les premiers accords avec l�Espagne (Catalana de Gas e Electricidad) en 1967, et avec les Etats- Unis (El Paso Natural Gas) en 1969. Je rel�ve au passage l�hommage tardif mais logique rendu au pr�sident de Catalana Pedro Duran Farel, puisque trente ans plus tard, le deuxi�me gazoduc transm�diterran�en, celui qui a connect� l�Espagne via le Maroc et le d�troit de Gibraltar, a �t� baptis� de son nom. Le premier gazoduc transm�diterran�en �tant celui qui a connect� l�Italie via la Tunisie et le canal de Sicile. La transaction avec El Paso portait sur la vente de 10 milliards de m3/an. Ce fut une premi�re en mati�re de transaction transatlantique de GNL � grande �chelle. Ces deux accords ont �t� d�terminants dans le d�blocage de nos relations avec tous les autres clients europ�ens. Ils ont ouvert, sur les sept ann�es qui allaient suivre, la voie � la conclusion avec les Etats-Unis, l�Espagne, des clients fran�ais, italiens, austro-allemands et nordiques (belges, hollandais, su�dois), d�une somme de contrats fermes totalisant 56 milliards de m3/an et de contrats optionnels pour 8 milliards de m3/an. Soit cinquante fois plus que pour l�ancienne Camel que vous avez �voqu�e. Pourtant, avec l�Italie, les choses ne se sont pas d�roul�es, apparemment, aussi facilement ! En effet, il y a eu les tergiversations de la part de l�ENI italienne. Le march� italien fut alors attaqu� par la voie de la Sicile, avec la cr�ation de la soci�t� mixte Sonems Sonatrach-EMS (l�ENI sicilienne). Ce n�est qu�� l�ach�vement des �tudes �conomiques et d�engineering et apr�s la pose exp�rimentale du gazoduc � travers le Canal de Sicile, que l��tat-major de l�ENI finit par se rallier � l�op�ration alg�rosicilienne. Quant aux Allemands, il a fallu les contrats Catalana et El Paso, confort�s par les retomb�es psycho-politiques des nationalisations de 1971, pour qu�ils s�exon�rent d�une certaine ob�dience au concept de �l�Alg�rie chasse gard�e de la France�. Un concept auquel ils avaient implicitement souscrit jusque-l�, sans doute comme � l�un des prix � payer pour m�nager le climat franco-allemand inaugur� � l��poque du Trait� d�amiti�. Et du c�t� fran�ais, alors ? Cela a boug� aussi. D�apparence en tout cas. La partie fran�aise aux n�gociations gouvernementales acceptait en janvier 1971 une reconduction pure et simple de la formule de prix figurant au contrat conclu quatorze mois plus t�t � New York entre Sonatrach et El Paso. Il �tait mis fin ainsi au blocage de n�gociations commerciales qui trainaient depuis l�ind�pendance. Mais la renonciation � la strat�gie dilatoire ne signifiait nullement l�abandon des actions parall�les multiformes visant � emp�cher l�entr�e de l�Alg�rie dans le march� gazier am�ricain. D�s le d�but de 1970, les autorit�s fran�aises ont exerc� des pressions sur l�administration am�ricaine � chaque �tape du d�veloppement du projet alg�ro-am�ricain : proc�dures de l�Autorit� f�d�rale de r�gulation de l��nergie (� l��poque la Federal Power Commission FPC) ; n�gociations des garanties des financements par l�Eximbank US. Un lobbying intense des p�troliers de l�ex-BRP-Erap tendait � �touffer l�op�ration avant sa concr�tisation. Les tentatives de faire rejeter le projet en bloc en �taient arriv�es � se situer au sommet politique, de pr�sident � pr�sident, en 1970 et 1971. Les nationalisations de 1971 ont parall�lement servi comme pr�texte aux p�troliers de l�Erap pour tenter une opposition juridique � la mise en �uvre du contrat Sonatrach-El Paso. Les obstacles ont �t�, cependant, contourn�s� Je dirais franchis et en d�pit d�immixtions alg�riennes intempestives de derni�re heure, notamment celle de notre propre ministre des Finances qui a failli faire capoter l�affaire. En mars 1973, les autorisations de la FPC ont �t� prononc�es et les financements commerciaux garantis par l�organisme am�ricain de garantie des cr�dits � l�exportation Eximbank, boucl�s. Les processus de commande de l�usine de liqu�faction GNL1 � Arzew par Sonatrach ainsi que des dix m�thaniers par El Paso avaient d�marr� fin 1970. La mise en exploitation a commenc� fin 1977. L�inauguration officielle par Houari Boumediene s�est faite mi-1978. Les tentatives fran�aises d�emp�cher la r�alisation du projet avaient ainsi �chou� pour un temps, car la disparition du pr�sident Boumediene allait fournir aux adversaires fran�ais de Sonatrach une occasion en or pour faire en sorte que ce soit les Alg�riens eux-m�mes qui ruinent pour une douzaine d�ann�es la politique gazi�re de l�Alg�rie, en d�non�ant les contrats de Sonatrach avec les compagnies am�ricaines, mais aussi avec les autres clients en Europe� � l�exception de la France et de l�Italie. Venons-en, justement, aux circonstances qui ont conduit � la d�nonciation du contrat Sonatrach-El Paso. Le vocable �affaire El Paso� que beaucoup ont repris par candeur, cache, sous une apparence d�affaire commerciale, une r�alit� politique des plus pernicieuses. Commen�ons par l�apparence. Nous sommes en mai 1979. Le premier gouvernement du pr�sident Chadli Bendjedid est en place depuis trois mois � peine. J�en fais partie pour six mois � la t�te de l�hydraulique, le pr�sident m�ayant remplac� au poste de l�Energie que j�occupais sous Boumediene. Mon successeur annonce � la presse la r�vision du prix du contrat Sonatrach-El Paso, en cours d�ex�cution depuis 15 mois comme je l�ai relat� tout � l�heure. Il mentionne au passage que du fait de l�ancienne formule de prix, l�Alg�rie �a perdu 150 millions de dollars am�ricains�. En prenant bien soin d�occulter le fait que la ren�gociation du prix avec El Paso avait en fait commenc� un an plus t�t et qu�elle en �tait � son aboutissement � la veille de la formation du nouveau gouvernement, il laissait entendre qu�il avait d�couvert et corrig� une grave anomalie commise sous Boumediene, � savoir que notre gaz �tait en train d��tre brad� et que cela nous a co�t� une perte s�che de 150 millions de dollars am�ricains. C�est ainsi que l�opinion et sans doute le nouveau chef de l�Etat, avaient d�cod� le message. Il ne pouvait en �tre autrement. A l�APN, des d�put�s ont imm�diatement interpell� le gouvernement sur les tenants d�une d�claration dont ils ont not� � juste titre la gravit�. Au Conseil des ministres du lendemain, je prends la parole pour d�noncer ladite d�claration du nouveau ministre de l�Energie comme mensong�re et d�lib�r�ment attentatoire � l�honneur de ses pr�d�cesseurs, y compris � la m�moire du pr�sident d�funt. Je demande l�ouverture d�une enqu�te parlementaire avec ma participation en tant qu�ancien ministre de l�Energie. Le pr�sident d�signe � cette fin une commission compos�e de Ahmed Benmohammed Abdelghani, alors Premier ministre, second� par les ministres des Finances, de l�Energie et de l�Hydraulique. Sous des pr�textes dilatoires divers, de premi�re r�union en reports successifs, pour �indisponibilit� du ministre de l�Energie� auteur de la d�claration en cause, nous arrivons � fin juin, veille de la date de la fin de la session parlementaire de printemps, sans que la Commission soit parvenue comme elle y �tait requise � aucun projet de r�ponse, autre que celui que j�avais mis sur la table moi-m�me d�s la premi�re r�union. La man�uvre �tait claire ; il fallait escamoter l�incident. La commission s�est comme dissoute implicitement et, dans son sillage, le projet d�enqu�te parlementaire d�cid� en Conseil des ministres. Vous �tes-vous r�sign� vous+m�me ? Pas du tout ! Devant ce fait accompli, je reprends le projet de r�ponse soumis � la commission Abdelghani, en lui donnant la forme d�un m�morandum de 120 pages que j�adresse sous ma responsabilit� � tous les membres du comit� central du FLN et bien s�r au secr�taire g�n�ral, qui n�est autre que le pr�sident de la R�publique. Celui-ci au Conseil des ministres de la rentr�e de septembre juge, sans me nommer, mon initiative comme un �acte d�indiscipline�. Sur ces entrefaites, il m�accorde � ma demande une entrevue au cours de laquelle je lui pr�sente ma d�mission. Il la rejette. Cependant, trois ou quatre semaines plus tard, c��tait un dimanche 14 octobre 1979, le pr�sident m�appelle dans son bureau et me demande de quitter le gouvernement en me donnant rendez-vous pour le comit� central pr�vu en d�cembre. J�apprends le lendemain par la une de la presse officielle que le pr�sident a sign� un d�cret me �d�mettant de mes fonction.� Selon vous, il existe un lien entre les obstructions fran�aises contre Sonatrach avant et sous Boumediene et ces nouvelles attaques apr�s sa mort ? Vous m�accorderez que, jusqu�� pr�sent, j�ai plus cit� des faits qu�analys�. J�ai relat� bien plus que je n�ai conjectur�. Le lien se lit comme � livre ouvert dans les actions conduites sous la houlette du groupe Erap, entre 1962 et 1979, il se voit dans les prolongements alg�riens de ces m�mes actions � partir de 1979. Pour le voir sous un autre �clairage, il faut s�arr�ter un instant sur la nature des deux principales compagnies p�troli�res fran�aises. La Compagnie fran�aise des p�troles, CFP, future Total, cr��e au lendemain de la Premi�re Guerre mondiale avait une raison sociale industrielle et commerciale priv�e pour faire une place � l�industrie p�troli�re fran�aise naissante au Moyen-Orient. Tandis que le Bureau de recherches p�troli�res (BRP) et son successeur le groupe Erap, est un �tablissement public dont la mission fondatrice consiste � b�tir un empire p�trolier aux fins d�assurer le contr�le de l�Etat sur les ressources p�troli�res de l�empire colonial fran�ais. Ce n�est pas le fait du hasard si ce groupe, pourtant bien moins d�velopp� industriellement que la CFP, beaucoup moins exp�riment�, fut en charge du contr�le majoritaire des permis d�exploration puis des concessions d�exploitation sur l�ensemble de l�empire colonial fran�ais, � commencer par l�Alg�rie, pi�ce ma�tresse de ce m�me empire. Les ing�nieurs du BRP devenu Erap, qui ont �t� les acteurs sur le terrain des premi�res actions de recherche et, plus tard, des premi�res grandes d�couvertes en Alg�rie, se consid�raient comme �les g�niteurs� du p�trole alg�rien. Que l�Erap n�ait eu de cesse de perp�tuer son empire p�trolier au-del� de l�empire colonial d�funt, cela proc�de du constat historique. La th�orie du �gaz alg�rien captif� n�est pas un fantasme imagin� mais l�expression d�une strat�gie grav�e dans le marbre, vulgaris�e par les responsables fran�ais eux-m�mes aux fins de convaincre leurs partenaires mondiaux, y compris les Alg�riens, qu�ils �taient un point de passage oblig� pour toute entreprise industrielle ou commerciale concernant les hydrocarbures du pays. Quand on dit que les dirigeants de l�ex BRP-Erap et GDF ont promis d��touffer dans l��uf toute tentative alg�rienne de p�n�tration du march� gazier mondial, on s�appuie sur des d�clarations publiques et des actions multiformes, pressions et interventions fran�aises officielles aupr�s des organismes et autorit�s US et europ�ens. Pourtant, vos contradicteurs affirment que l�affaire El Paso est une affaire commerciale� L�affaire El Paso une simple correction d�un contrat commercial ? Ajoutez, surtout, qu�elle pr�tendait relever des turpitudes dans l��re Boumediene ! Elle a �t� le premier acte de la �d�boumedienisation� et des politiques et de l�encadrement. Pour ce faire, on a ouvert deux �chantiers� pour ainsi dire : le premier fut la mise en �uvre imm�diate du �principe de la rotation des cadres�, un principe qui fut proclam� solennellement � la premi�re session du comit� central et en application duquel les cadres que le nouveau pouvoir consid�rait comme �ses hommes � lui� �taient mis en lieu et place de ceux qui �taient consid�r�s �comme les hommes de Boumediene�. Le second chantier� �tait la �fabrication de dossiers� contre les personnes et les politiques, une v�ritable chasse aux sorci�res. Celle-ci devait, dans la m�me foul�e, s�op�rer sous la forme d�une campagne officielle de �lutte contre les fl�aux sociaux�. Le nouveau pouvoir a ouvert les deux chantiers par ma personne : je vous ai relat� les conditions dans lesquelles j�ai �t� remplac� d�embl�e au poste de l�Energie, comment on a essay� de fabriquer un dossier El Paso, pour saisir ensuite le motif d�indiscipline et me faire r�voquer du gouvernement six mois plus tard. M�ont rejoint peu apr�s Abdelaziz Bouteflika et Bela�d Abdesselam, dans le cadre de la m�me chasse mais pour des �dossiers� diff�rents, qu�on est all� chercher via la Cour des comptes : le premier rendu justiciable pour sa gestion de la tr�sorerie des ambassades, le second pour un contrat de formation professionnelle g�r� par l�ancien minist�re de l�Industrie et de l�Energie. Un an apr�s ma r�vocation, on a choisi de nous mettre dans la m�me charrette au terme de �proc�s� qui m�neront � notre exclusion du comit� central du FLN fin d�cembre 1980. Lesdits proc�s se sont tenus, en un temps record, quelques minutes d�une session du comit� central, le temps que chaque membre du comit� mette un oui ou un non dans un bulletin nominal, en l�absence de chacun de nous de l�enceinte du Palais des nations. Pour ma part, je n�ai re�u aucune notification, ni de mon exclusion, ni des motifs la justifiant. Je n�ai comme point de rep�re que les questions qui m�ont �t� pos�es sur un ton qui se voulait fraternel par les membres de la commission de discipline du parti au cours d�une audition d�une demi-heure � peine, tenue la veille de la session du comit� central qui nous a jug�s ; ces questions, auxquelles j�ai donn� des r�ponses factuelles, ne donnent aucune notification d�accusation ou de sanction. J�ai bien not� que les membres de la commission prenaient la pr�caution de me faire entendre que ces questions, ils �taient charg�s par �d�autres� de me les poser. Elles ont port� sur les commissions pay�es par Chemico et les soci�t�s pr�tenom qui les avaient per�ues. J�ai donn� les faits en signalant au pr�sident de la commission que ces m�mes faits �taient dans le dossier que je voyais pos� devant lui et qui �tait celui-l� m�me que j�avais remis de la main � la main au pr�sident Chadli Bendjedid � mon d�part de l��nergie. Alors que ma convocation au conseil de discipline �tait cens�e me concerner moi seulement, j�avais not� une insistance insolite des membres de la commission � me faire parler de Abdelaziz Bouteflika (absent d�Alg�rie � l��poque) comme si chacun de ces membres, � tour de r�le, cherchait d��vidence � me faire dire que celui-ci aurait tent� d�influencer le processus du contrat Sonatrach El Paso � plusieurs reprises et � la faveur des Am�ricains. Cela d�notait d��vidence qu�� travers mon audition et parall�lement au dossier de mauvaise gestion qui lui �tait fait dans le �canal� de la Cour des comptes, on cherchait � obtenir de moi un t�moignage qui enrichirait un second dossier fait pour �tayer un proc�s en �proam�ricanisme � int�ress�. La malice du sort a voulu que la personnalit� qui a d�cor� Abdelaziz Bouteflika, nouveau pr�sident de la R�publique en 1999, tout en pronon�ant un mea-culpa �trangl� de sanglots que tout le monde a pu voir en direct � la t�l�vision, fut la m�me personne qui avait �t� charg�e, vingt ans auparavant, �d�instruire� lesdits proc�s ! Pour ce qui est de l�aspect technique de la question, quelles ont �t� les cons�quences �conomiques et financi�res de la d�nonciation du contrat El Paso ? Avant 1979, la configuration de la client�le de Sonatrach, pour un volume global de plus de 63 milliards de m3/an, �tait r�partie comme suit : Etats-Unis 25%, France-Italie 34%, Allemagne et Europe du Nord 34% et Espagne 7%. Fin 1981, deux ans apr�s l�affaire El Paso, c�est un bouleversement radical qui affecte cette r�partition. A lui seul, l�ensemble France-Italie est pass� de 41% � 95% ! En fait tous les contrats alg�riens hors ces deux pays ont �t�, � l�initiative du ministre de l�Energie, soit d�nonc�s, c�est le cas des Etats-Unis, de la RFA et des pays nordiques, soit r�duits en volumes, c�est le cas de l�Espagne et de la Belgique. Non d�cid�ment : pour les inventeurs de l�affaire dite El Paso, celle-ci n�a jamais �t� une simple correction de contrat commercial ! L�objectif vis� c��tait bien la strat�gie nationale de d�veloppement de l�Alg�rie. Les cons�quences financi�res induites par le sabordage des contrats gaziers ont �t� �valu�es � une perte s�che en ressources ext�rieures de quelque 40 milliards de dollars am�ricains, en dollars courants de l��poque. Le rapprochement du montant de ces pertes avec le montant atteint par la dette ext�rieure � la fin des ann�es 1980, soit 25 milliards, ne donne qu�une p�le id�e des tragiques retomb�es dont le pays porte encore les s�quelles jusqu�� aujourd�hui. Comment les autorit�s politiques au sommet des pays ont-elles pu se laisser entra�ner dans une telle entreprise ? Le pr�sident de la R�publique de l��poque a �t� d�lib�r�ment abus�. A peine prenait-il la succession de Houari Boumediene, qu�un quarteron h�t�roclite a t�t fait de le convaincre que plus vite il se d�marquerait de son pr�d�cesseur, plus vite il assoirait son autorit�. Voil� que l�homme � peine investi d�un c�t� sous la profession de foi de �la continuit� et de la fid�lit� � Houari Boumediene� � le mot d�ordre officiel du Congr�s du FLN � un homme qui de surcro�t est loin d��tre un aventurier, se trouvait ainsi engag� d�un autre c�t�, par ceux qui l�ont abus�, dans une logique de rupture, aussi brouillonne que d�vastatrice. Il faut s�en souvenir, le prix du brut �tait de 12,35 dollars � la veille de l�intronisation du nouveau pr�sident, puis est pass� de 19 � 25, pour cause de r�volution iranienne, pour en arriver � 36 puis � plus de 40 dollars le baril, juste un an et demi plus tard. Fra�chement investi, le pr�sident Chadli Bendjedid inaugure ainsi son mandat dans une aisance financi�re euphorique sans pr�c�dent. Par malchance, ce concours de circonstances a anesth�si� la vigilance qui aurait pu �tre la sienne vis-�-vis de mesures pr�cipit�es dont on lui faisait endosser la responsabilit� : d�nonciation des deux tiers de nos exportations de gaz, baisse de moiti� des exportations p�troli�res, coup d�arr�t au programme Valhyd, d�structuration de toutes les entreprises publiques � commencer par Sonatrach, d�compos�e pour la circonstance en quatorze morceaux. Avec le cort�ge de purges de cadres sup�rieurs, valeureux serviteurs de l�Etat, qui se trouvaient pourchass�s et pers�cut�s. Ne vous �tes-vous pas rendu complice d�une certaine mani�re en acceptant de rester en poste ? C�est �tonnant que vous puissiez comprendre cela de ma r�ponse ! Je ne suis pas �rest� � mon poste�, j�en �tais sorti depuis un an ! Bon, je vois que je vais avoir � r�p�ter ce que j�ai dit : je n��tais pas � mon poste quand ces actions �num�r�es ci-dessus ont �t� commises ! J�ai �t� d�missionn� le 14 octobre 1979, et ces m�mes actions ont �t� commises durant les ann�es 1980 et 1981, c'est-�-dire apr�s ma sortie du gouvernement. Mieux, d�s les premiers signes de mise en question de l��uvre de Boumediene, j�ai pris sur moi d�alerter le pr�sident Chadli Bendjedid, le lendemain de son investiture, sur la gravit� des mensonges dont il �tait abreuv�. Je l�ai mis en garde, non point contre une volont� de surpasser Boumediene, ce qui e�t �t�, de la part d�un nouveau chef d�Etat, �naturel, l�gitime et m�me souhaitable�, mais contre les dangers pour le pays d�une logique qui choisirait, pour surpasser le pr�d�cesseur, de d�truire syst�matiquement l�h�ritage en ce qu�il avait de meilleur, plut�t que de s�employer � combler les lacunes dont le bilan de Boumediene n��tait gu�re indemne. Il faut croire que je n�ai pas convaincu. Et vous, qui �tes en train de m�interroger depuis des heures, que vous avanciez un seul instant la supposition que j�aie pu �tre complice, tendrait � me faire croire que j�ai d� bien mal m�exprimer quand j�ai relat� plus haut les conditions dans lesquelles j�ai �t� amen� � d�noncer les tenants et les aboutissants de ladite affaire El Paso, point de d�part du d�mant�lement des contrats gaziers puis � r�clamer une commission d�enqu�te, puis � m�adresser au comit� central du FLN par la voie d�un document de 120 pages, puis � d�missionner, puis � finir par �tre d�missionn�. M. C. M.