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CHRONIQUE D�UN TERRIEN
LA CORRUPTION OU LA MORT DE LA MORALE Par Ma�mar FARAH [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 13 - 03 - 2008

Ce pays a un grave probl�me � r�gler avec la morale. Nous ne pouvons pas parler de d�veloppement durable, de mutations socio�conomiques patentes, de d�mocratie et de libert� tant que tra�nerons, comme de lourds boulets rattach�s � notre conscience collective, ces graves affaires de corruption qui d�frayent la chronique et d�couragent tout effort honn�te. Le ph�nom�ne est certes r�pandu dans les pays du tiers-monde et m�me dans les nations d�velopp�es.
La corruption est devenue un acte normalis� et un secteur d�activit� florissant de la libre entreprise, structur� et institutionnalis�. Le marketing a ses r�gles que la morale ne conna�t pas. Les fameux dix pour cent et les transferts vers des comptes bloqu�s en Suisse sont des affaires ordinaires. Il serait peut-�tre temps que les services secrets s�occupent de ces nouveaux millionnaires en euros qui n�ont ni gagn� au loto fran�ais, ni h�rit� une parente en Ecosse. L�ancienne-nouvelle mode chez ces gens-l� est d�acheter des biens immobiliers dans les quartiers hupp�s des capitales europ�ennes. Il serait temps de leur demander de s�expliquer sur l�origine de telles fortunes, car ces messieurs ont piqu� tellement de dinars que cela �ne remplit plus leurs yeux�, comme on dit en langage populaire. Passe encore sur les �tudes de leur prog�niture, pay�es sur les caisses de l�Etat et les soins � l��tranger, dans les cliniques r�put�es, pour de petits bobos qui peuvent �tre trait�s ici, par des m�decins alg�riens qui n�ont rien � envier � leurs homologues �trangers. A ce propos, je reste toujours perplexe devant l�hypocrisie de beaucoup de nos hauts fonctionnaires qui expriment en public leur satisfaction � propos des �acquis du secteur de la sant� alg�rien�, mais qui pr�f�rent se confier � des toubibs �trangers ! Dr�le de logique d�une partie de la direction du pays et m�me de l�opposition qui trahit la confiance plac�e en elle par le peuple. Cette digression m�am�ne � parler du faste dans lequel vivent ces gens-l�, souvent issus de milieux populaires jadis �cras�s par la mis�re et le d�nuement. Arrivistes � souhait, ils font tout pour effacer de leur m�moire les privations du pass�. Cet argent qu�ils tirent de la corruption leur sert � construire de v�ritables ch�teaux qui co�tent des milliards. Or, un simple calcul sur la base de leur fiche de paie indique clairement qu�ils ne pourront jamais amasser le dixi�me de ces sommes pharamineuses au cours de toute une vie de labeur. Enfin, labeur, voil� un terme inappropri� pour ces blagueurs en costume cravate qui nous racontent des histoires pour nous endormir. Boumediene vivait dans un trois-pi�ces et n�avait pas plus de 600 dinars en banque � sa mort. Son ultime voyage � Moscou, impos� par ses m�decins, aura �t� de courte dur�e et il est revenu pour �tre trait� � l�h�pital Mustapha-Pacha o� il est mort d�ailleurs. Et m�me si des sommit�s mondiales sont venues � Alger pour �tudier son cas, m�me si des �quipements ont �t� command�s en derni�re minute pour traiter sa maladie, l�homme a su donner � son ultime bataille, celle qu�il a men�e courageusement contre la maladie, l�image d�un Alg�rien soign� en Alg�rie dans un �tablissement hospitalier populaire qui est aussi le symbole de ce que la sant� publique alg�rienne a de meilleur ! Sa mort � l��tranger aurait donn� au peuple le sentiment qu�il y a une m�decine � deux niveaux, l�une pour la caste au pouvoir et les riches et l�autre pour monsieur Tout-le-monde. Quelle confiance accorder � des gens qui n�ont pas� confiance dans les h�pitaux de leur pays ? Quel cr�dit donner � leur discours sur l�am�lioration des conditions de vie, de l��cole et de la s�curit� quand ils pr�f�rent les produits occidentaux pour se nourrir et s�habiller, envoient leurs gosses �tudier � l��tranger et prennent une arm�e de barbouzes pour se prot�ger dans leurs d�placements ? Elle est belle l�Alg�rie. Hier, � l�heure du socialisme, ils nous menaient en bateau en faisant de belles phrases sur l�engagement r�volutionnaire, la justice sociale et l��galit� des chances. D�s qu�ils achevaient leurs discours, ils montaient dans des limousines et s�en allaient vers leur vie de nababs. Nous �tions les dindons de la farce. Nous les avons tellement crus que nous avons �t� nombreux � faire don de nos terres � la R�volution agraire. Mais, nous ne regrettons rien ! Nous avons men� avec courage, �nergie et d�vouement la grande bataille pour le socialisme et quand ils sont venus nous dire que ce syst�me n�arrange plus les affaires de l�Alg�rie, nous les avons encore crus. En fait, ils avaient tellement amass� d�argent qu�il leur fallait l�investir dans des cr�neaux porteurs ici m�me. Ils d�cident le matin et investissent le soir. Pr�te-noms, filles et fils g�t�s ramen�s d�Am�rique ou d�Europe : vite, vite, il faut faire le max d�affaires avant qu�un semblant de transparence ne vienne tout g�cher ! Le peuple n�a rien vu venir de cette �reconversion�. Les apparatchiks, si ! D�brouillards inv�t�r�s, ils se retrouvent toujours aux meilleures loges ! Dans le socialisme ou le capitalisme ! Et m�me dans le trabendisme, syst�me qu�ils ont cr�� sur mesure pour leurs vastes ambitions mercantiles. Ou encore dans leur derni�re trouvaille : l�islamisme� Et puis, il y eut l�affaire Khalifa, la goutte qui a fait d�border le vase, l��norme scandale qui a �clabouss� presque tout le monde. Depuis le proc�s sans relief qui a permis de r�gler leurs comptes aux sous-fifres, en �pargnant les �ternels �intouchables�, nous savons que la justice ne pourra rien contre ces monstres tant qu�elle sera maintenue dans la d�pendance du pouvoir politique et le jeu des clans. M. Bela�z devait certainement rire quand il a d�clar� que 99% des magistrats �taient honn�tes ! Franchement, nous ne le suivrons pas quant � confirmer que seul un juge sur 100 est honn�te. De l� o� nous vivons, nous avons une autre appr�ciation de la chose et nous savons que pas mal d�affaires se traitent gr�ce au �sachet noir� ! Nous avons m�me des amis qui ont march� dans le coup, mais nous ne sommes ni flics, ni procureurs pour en parler plus en d�tail ici. Si l�on veut r�ellement combattre la corruption dans la justice, on peut le faire facilement mais � condition que le garde des Sceaux n�avance pas de telles contrev�rit�s ! Une mani�re efficace de lutter contre la corruption est de rapprocher les justiciables de la justice en les poussant � d�noncer toutes les carences et les d�viations. Mais, concernant la majorit� des cas enregistr�s, le corrupteur se trouve impliqu� dans la mesure o� il donne de l�argent pour arracher un droit qui n�est pas le sien ou pour se pr�munir d�une condamnation m�rit�e ! Ce sont les criminels, les voleurs et les grands trafiquants qui usent de la corruption pour ne pas subir le sort qu�ils m�ritent et on les voit mal aller d�poser une plainte contre le juge qui les prot�ge. La corruption peut demain prosp�rer et atteindre des niveaux insoup�onnables si l�on n�y met pas un terme aujourd�hui. Les affaires qui secouent nos villes et villages sont si nombreuses qu�il n�est plus possible de les occulter ou d�en r�duire l�impact. C�est une r�alit� connue de tous et les organisations mondiales non gouvernementales qui ont class� notre pays dans des positions peu honorables le savent mieux que d�autres. Allons-nous encourager les voleurs et les corrompus ou, au contraire, nous r�veiller brutalement d�un long cauchemar pour que v�rit� et justice soient confort�es dans un pays o� l�une et l�autre ont subi les pires outrages ? Au moment o� les masses populaires peinent sous le fardeau d�une vie devenue impossible, au moment o� le pouvoir d�achat croule sous le coup des augmentations successives du co�t de la vie, sans que les salaires y apportent les correctifs n�cessaires, au moment o� tout un pays se fige dans une position d�abandon total, les quelques actions de repl�trage social, bien en de�� des besoins r�els des populations, ne semblent pas en mesure de redonner cet espoir dont nous avons tant besoin ! Au contraire, la corruption et les injustices qu�elle provoque finissent par d�courager les plus braves. Les cadres qui b�tissent, par le travail et la probit�, l�avenir du pays, tous les int�gres, les profs d�universit� qui connaissent des fins de mois difficiles, les magistrats propres et tous les directeurs qui ont su �chapper au complot du dinar, tous ceux-l� sont au bord de la ruine morale. Si �a continue, le pire est devant nous�
M. F.
P. S. : Merci aux patriotes, aux moudjahidine, aux associations diverses de la r�gion de Tlemcen pour leurs mots chaleureux qui nous sont all�s droit au c�ur. Une pens�e particuli�re pour les repr�sentants de B�ni Snouss l�amazighe, la vall�e des 1500 martyrs.


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