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SID-AHMED GHOZALI AU SOIR D'ALG�RIE
Histoire des nationalisations, politique p�troli�re et bonne gouvernance - 17e partie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 23 - 03 - 2008

�Le FLN, cens� officiellement avoir gouvern� depuis dix ann�es, �tait indiqu� comme le coupable aux yeux de la population. C��tait une injustice historique.�
Entretien r�alis� par Mohamed Chafik Mesbah
Mohamed Chafik Mesbah : Finalement, quels sont les traits distinctifs que vous en retenez ?
Sid-Ahmed Ghozali : J�ai retenu de mes relations avec les militaires, durant toute ma vie professionnelle, une perception qui me conduisit � d�fendre l�honneur de l�arm�e � l�int�rieur comme � l�ext�rieur du pays, qu�il s�agisse de d�noncer la th�se du �Qui tue qui�, ou de dire en t�moin dans l�affaire Soua�dia que �tout ce qui touche � l�honneur de l�arm�e touche � l�honneur de l�Alg�rie�. J�ai fait cela en conviction et connaissance de cause et non point pour courtiser l�arm�e. Laissons cet exercice aux larbins, nombreux en notre pays. Je me livre � ce devoir de d�fense de l�honneur militaire alors que c�est � certains compartiments des Services que je dois la plupart des coups tordus que j�ai essuy�s personnellement dans ma vie publique depuis trente ans. Ma propre vision de l�arm�e n�a rien de commun avec le clich� injuste et trompeur qui assimile en bloc l�arm�e � ces fabuleux �g�n�raux corrompus�. C�est pour cela que je m�en suis toujours tenu � ma vision proclam�e devant l�APN dans mon programme quand j�exprimais �� ma solidarit� totale avec l�ANP, qui n�est pas intervenue sur le terrain de sa propre initiative mais en application de la Constitution et pour l�accomplissement d�une noble mission : pr�server la s�curit� des citoyens et de leurs biens, prot�ger la d�mocratie naissante, pr�server la paix civile et l�unit� nationale, d�fendre l�honneur de la nation�. Je n�ai aucun doute sur le caract�re patriotique de la d�marche des militaires, de ceux qui �taient mes interlocuteurs en tout cas, lors de cette p�riode cruciale de notre histoire. Mais l�exp�rience m�a montr� que pour la conduite des affaires de l��tat, que l�on soit civil ou militaire, le patriotisme, condition n�cessaire, est loin d��tre une condition suffisante. En d�autres termes, qu�il s�agisse de diriger une famille, une �quipe de football, une entreprise, une administration ou des affaires d�Etat, le patriotisme n�est pas un brevet de capacit� et de comp�tence.
Sur l�avenir du r�le de l�institution militaire dans la vie du pays, quel est votre vision ?
Elle se fonde sur ma vision des chefs avec lesquels j�ai travaill� pour le bien public. L�Alg�rie et l�arm�e appartenant autant � tous les Alg�riens, la solution � nos probl�mes sera le fait de tous les Alg�riens rassembl�s, ou alors elle ne sera pas. Rassembl�s dans une logique d�alliance entre civils et militaires au service des int�r�ts sup�rieurs nationaux. Se trompent ceux, civils ou militaires, qui se convainquent, f�t-ce sinc�rement, qu�ils sont eux seuls la solution. C�est servir le pays et leur rendre service en m�me temps, que de leur dire qu�ils ne seront la solution qu�� partir du moment o� ils cesseront d��tre � la fois le probl�me et la solution. Se trompent ceux, civils ou militaires, qui s�illusionnent � penser qu�il puisse y avoir un iota de bonne gouvernance dans un syst�me institutionnel o� celui qui d�cide est l�un et celui qui r�pond des d�cisions est l�autre. La r�gle d�or de la bonne gouvernance exige que celui qui d�tient l�autorit� doit �tre responsabilis�, c'est-�-dire qu�il doit s�attendre � tout instant � r�pondre de ses actes et d�cisions et que celui qui est responsabilis� doit avoir l�autorit� n�cessaire � l�exercice de ses responsabilit�s et ob�ir � l�obligation de r�pondre de ses actes et d�cisions. C�est ce que j�appelle la r�association indispensable de l�autorit� et de la responsabilit�. C�est ce que les Am�ricains appellent accountability. En dehors de cette liaison m�canique, point de salut.
Restons � votre place, en tant que Chef du gouvernement, dans le syst�me institutionnel tel qu�il fonctionnait concr�tement en 1992. Quelle fut votre part dans la d�cision d�interruption du processus �lectoral ?
A la suite des r�sultats du premier tour et en l��tat de vacance � la pr�sidence de la R�publique, l�arr�t du processus �lectoral a �t� prononc� apr�s la tenue du Haut-Conseil de s�curit�, que j�ai pr�sid� aux lieu et place du Pr�sident de la R�publique d�missionnaire. Les membres du Haut-Conseil sont, outre le Chef du gouvernement, les ministres de la D�fense, des Affaires �trang�res, de l�Int�rieur et de l�Economie. �tait pr�sent �galement le pr�sident de la Cour supr�me. Le m�me Haut- Conseil a cr�� un Haut-Comit� d��tat compos� de cinq membres dont Mohamed Boudiaf, Pr�sident, et ce, pour deux ans, le temps qui restait � courir du mandat du pr�sident Chadli Bendjedid. Ces d�cisions ont �t� publi�es au Journal Officiel de la R�publique. Elles donnent clairement ma part dans la d�cision : celle de Chef du gouvernement, ni plus ni moins. Mais c�est peut-�tre autre chose que vous cherchiez � savoir. Si c�est �qui a fait quoi ?� dans le processus qui a conduit � ces d�cisions, il me faudra beaucoup plus que l�espace et le temps d�un simple entretien pour vous satisfaire. Analyser fid�lement et objectivement les choses, ne saurait se limiter � ce qui s�est pass� depuis le premier tour. Il faut remonter en amont. Sauf � tomber dans l�historiette ou dans les v�rit�s tronqu�es. C�est un exercice qui ne si�rait pas � la gravit� du sujet et � l�honn�tet� envers les gens, comme envers les acteurs. Vous allez donc devoir vous contenter de savoir que le processus a impliqu� � la fois les ministres, les responsables de la D�fense, le Pr�sident, les partis, la soci�t� civile et m�me la rue. Quand tous les acteurs, j�en fus, donneront leur t�moignage, il reviendra � l�historien de quantifier, si tant est que cela soit d�un quelconque int�r�t imm�diat. Sans pr�tendre souffler les questions que je souhaite entendre, il me semble que le plus important est, primo, que l�ensemble desdits acteurs, � commencer par Mohamed Boudiaf, ont agi en dehors de tout calcul personnel et exclusivement en fonction de ce qu�ils ont consid�r� en conscience comme le devenir de l�Alg�rie ; deuxio, qu�� ce jour, nous n�avons pas tir� les le�ons de cette exp�rience. D�o� la principale explication � la situation qui est la n�tre aujourd�hui.
Pouvons-nous marquer un temps d�arr�t pour analyser sereinement, vingt ans apr�s, ce ph�nom�ne politique exceptionnel que le FIS avait repr�sent�. Comment expliquez-vous l�engouement populaire pour ce parti ? Sur le plan organique et doctrinal, le FIS, enfin, c��tait un vrai parti moderne ou un conglom�rat archa�que de tendances ?
Une analyse ne peut �tre que sereine. Sinon ce n�est pas une analyse. Le FIS ne date pas seulement du jour de sa propre l�galisation, ni m�me des journ�es d�octobre o� on l�a vu prendre le contr�le de la rue. Les premi�res actions dans les maquis c��tait au milieu des ann�es 1980. Sur les plans id�ologique et op�rationnel, le mouvement couvait d�j� dans les ann�es 1970. Ce n�est pas propre � l�Alg�rie, toutes les situations de malvie, de d�sesp�rance et de d�senchantement vis-�-vis du pouvoir en place, favorisent l��mergence puis la prosp�rit� d�extr�mismes populistes violents. J�ai �voqu� la situation qui a pr�valu d�s la chute des prix du p�trole en 1985, pour en dire la gen�se et les conditions de son aggravation au fil du temps, pour en analyser les aboutissements en 1988 et aux �v�nements d�octobre. La soci�t� alg�rienne �tait m�re avant 1988 pour aller chercher dans le recours � l�extr�misme la sortie salvatrice qu�elle n�attendait plus de ses dirigeants. Le FLN, cens� officiellement avoir gouvern� depuis dix ann�es, �tait tout indiqu� comme coupable aux yeux de la population, d�autant plus que ce sont ses dirigeants supr�mes qui l�ont d�sign� comme responsable des maux qui affectaient la soci�t�. C��tait une injustice historique. Je pense avoir �t� le seul � d�noncer cette injustice. R�f�rez-vous aux enregistrements des d�bats d�investiture de juillet 1991o� vous noterez que j�ai clairement d�nonc� pour la �ni�me fois �ceux qui ont charg� ind�ment, injustement et abusivement le FLN en tant que Front de tous les maux impos�s � ce pays. Ils portent enti�rement la responsabilit� de cette d�ch�ance (de l�Alg�rie)�. C�est depuis 1988 qu�ont fleuri les cris dans la rue de �FLN assassins ! FLN voleurs !� Qui s�est senti bless� par cela ? Qui du sein des hommes publics n�a cess� de protester ? Les �crits restent : ils sont l� pour en attester. Beaucoup auront not� la sibylline formulation utilis�e, un an apr�s son discours historique du 19 septembre 1988, par le Pr�sident Chadli Bendjedid pour expliquer le limogeage, injuste � combien de Cherif Messadia du secr�tariat permanent du FLN, dans un entretien exclusif paru en octobre 1989 au quotidien Echarq El Awsat. �Je lui ai demand� de se mettre � l�abri en attendant que l�orage passe�, avait-il confi� au journaliste Qo�ay. On en �tait l�. L��tat d�esprit des Alg�riens n��tait plus que de se �d�barrasser du FLN�, bouc �missaire d�sign� par ses propres dirigeants et livr� par les m�mes � la vindicte du peuple comme le responsable de ses malheurs. Qui aurait imagin� que les trois lettres symboliques, qui ont incarn� la Lib�ration nationale, que le sigle du mouvement historique qui a incarn� les sacrifices et l�h�ro�sme l�gendaires des artisans de la Lib�ration nationale, allaient �tre associ�s aux vocables de � voleurs et d�assassins � dans les esprits, dans les rues, dans les cit�s et les campagnes de l�Alg�rie ind�pendante ? Quand on cherchait � attirer leur attention sur la signification future des �gorgements qui �taient pratiqu�s d�j� � l��poque dans les rues, les bus et les mosqu�es, quand on les mettait en garde contre l�effrayante perspective d�une prise de pouvoir par les extr�mistes, les Alg�riens r�pondaient comme de concert : � Fais moi vivre aujourd�hui et �gorge- moi demain !� Il n�y a pas plus concis que cette fameuse formule populaire qui �tait dans tous les esprits et sur toutes les l�vres pour d�crire l��tat d�esprit et les intentions de vote y associ�es des Alg�riens entre Octobre 1988 et les �lections de 1991. C��tait profond�ment injuste. C��tait pourtant le choix qui avait �t� fait dans les arcanes du pouvoir. La force du FIS se nourrissait au terreau �pandu et structur� au fil du temps par la malvie, par le ressentiment des gens et leur d�sesp�rance. A quoi pouvait-on s�attendre en offrant au choix des Alg�riens, comme alternative au FIS, le seul FLN, c'est-�-dire l�objet de leur col�re d�sign� par le pouvoir � cette fin ? Quant aux r�sultats du premier tour, 52% d�abstentions et 16% de bulletins nuls, ce sont en fin de compte 26% du corps �lectoral qui ont vot� FIS. Un petit d�tail technique pour expliquer le ph�nom�ne des bulletins nuls. Les bulletins de votes portaient les listes des candidats ; l��lecteur �tait invit� � cocher une petite case en face du candidat de son choix. La bureaucratie avait �dict� la r�gle que la croix ne devait d�aucune fa�on d�border de la case sous peine de nullit� comme au jeu de loto� loin d�imaginer que, pour une personne analphab�te, il est aussi difficile de respecter une r�gle aussi stupide que d��crire une lettre ! Les militants du FIS, par la voie de faux bulletins pr�-imprim�s dans les communes, ou par la voie de la fameuse astuce de la noria, ont muni les citoyens qu�ils ont mobilis�s de bulletins d�j� coch�s. Ils ont fait voter les gens � l�entr�e des bureaux et le tour �tait jou�. Le FIS a fait voter hors des bureaux de vote ! Voil� pourquoi, sur les deux millions de bulletins nuls, pas un seul n��tait destin� au FIS ! Vous pensez bien qu�en tant que Chef du gouvernement je n��tais pas fier de moi quand j�ai appris cette b�vue administrative au lendemain du premier tour. Mais les remords ne servent � rien, d�autant plus que les r�sultats auraient �t� diff�rents mais s�rement pas au point d�en masquer la substantifique signification. J��voquerai plus loin cette signification. Par ailleurs, et pour les seuls besoins de l�analyse des rapports de force, dans une situation normale, celle des pays � forte tradition d�mocratique, les abstentions doivent �tre r�parties au profit des forces en pr�sence dans les m�mes proportions que les votes respectifs acquis par ces forces. Je m�explique : supposons une comp�tition �lectorale o� s�opposent A et B. Supposons que le pourcentage des abstentions est 50% et que A remporte 60% des suffrages exprim�s et B 40%. En termes de rapports de force, on suppose alors que le rapport des forces est �gal au rapport des r�sultats. Mais si on a des raisons s�res de penser que les 50% d�abstentions ne pouvaient pas aller au profit de A, alors le rapport des forces r�el n�est donc que de 30% au profit de A. Or, dans la situation de 1991 on peut raisonnablement penser que le FIS a mobilis� au maximum et que par cons�quent aucune des voix comprises dans les 50% d�abstentions ne pouvait �tre �comptabilis�e� comme un vote potentiel pour le FIS. En cons�quence, le FIS a remport� certes 52% des votes exprim�s. Mais le rapport des forces, compte tenu des abstentions, est de moiti� soit environ 26% qui se trouve co�ncider avec le pourcentage des �lecteurs inscrits. On peut donc raisonnablement affirmer que les r�sultats officiels de 26% des inscrits refl�tent bien le rapport des forces �lectorales. Mais ce n�est pas le rapport de force id�ologiquement parlant. En effet, si vous tenez compte des bulletins nuls et que de plus vous enlevez au moins la moiti� des 26% repr�sentant des votes rejet-sanction, vous constatez, qu�en termes de rapport des forces id�ologiques, les r�sultats du vote indiquent que 10% au maximum des Alg�riens adh�rent au projet du FIS ; ceci donne une lecture �vidente du scrutin : les Alg�riens � 90% ont surtout esp�r�, qu�ils aient vot� ou non, d�abord et avant tout � �tre �d�barrass�s du pouvoir en place�. Ce n�est qu�au lendemain du premier tour qu�ils ont commenc� � r�aliser la situation et se poser la question de savoir si le mouvement pr�tendant �radiquer ce qu�il nommait le Taghout, n��tait pas en train de pr�parer son remplacement par un autre Taghout � la puissance deux ! C��tait � ce moment que les repr�sentants du FIS se r�pandaient d�j� en promesses effrayantes, notamment la promesse de �purification ethnique� : �S�il faut tuer deux millions d�Alg�riens pour purifier la soci�t�, alors on en tuera deux millions !� Quand j��voque �les graves d�ficits de gouvernance dans les contr�es musulmanes, le refus obstin� de tirer les le�ons de ph�nom�nes analogues � ceux qui se sont d�velopp�s chez nous�, j�ai en t�te deux types de d�claration de hauts dignitaires alg�riens de la s�curit�. Mohamed Lamari en sa situation de chef militaire disait en 2003 : �Nous avons vaincu militairement le terrorisme dans les maquis. Mais le probl�me de l�int�grisme demeure entier. Ce probl�me rel�ve du politique.� Autrement dit, �nous, les militaires, avons fait notre boulot, les politiques n�ont pas encore fait le leur�. Bien. On ne peut que partager ces propos. Je n�ai moi-m�me rien dit d�autre en ressassant que le ph�nom�ne de la violence avait des causes politiques et que le traitement du mal impliquait le traitement des causes du mal et pas seulement des sympt�mes du mal ; que les militaires pouvaient traiter les sympt�mes mais pas les causes du mal. Jusqu�� ce jour, les �politiques�, qu�ils soient d�ailleurs civils ou militaires, ont tourn� le dos aux causes du mal. Ils les ont aggrav�es en n�gligeant le traitement des probl�mes des citoyens. Les lois naturelles �dictent que les m�mes causes produisent les m�mes effets. Les bombes qui tuent � Batna, dans la capitale ou en Kabylie et ailleurs sont-elles une affaire de vigilance des services de s�curit�, comme le sugg�rent les analyses lapidaires du ministre de l�Int�rieur, dont les citations p�riodiques des chiffres �r�siduels� du terrorisme sont encore rest�es dans les m�moires pour qu�il se croit oblig� de les ressasser ? Je veux dire que je m�inqui�te encore davantage quand j�entends une voix aussi haut plac�e dans la hi�rarchie du pouvoir politique d�fausser de cette mani�re le m�me pouvoir de ses responsabilit�s et faire mine d�ignorer que jamais nos services de s�curit�, civils et militaires confondus, d�t-on en quadrupler les effectifs et les moyens, ne seront jamais assez performants pour venir � bout du terrorisme, tant qu�ils n�auront pas sur le plan du renseignement la coop�ration spontan�e de vingt millions d�Alg�riens. C�est cela l�arme absolue dont ont besoin nos services de s�curit�.
Dans le m�me ordre d�id�es, � votre avis, le FIS a-t-il trich� ou a-t-il remport� loyalement les �lections l�gislatives de 1991, m�me si c�est en profitant de la faiblesse de tous ses autres concurrents ?
Lors d�un entretien t�l�vis� en direct, que j�ai eu avec six de vos confr�res, au lendemain du premier tour des �lections l�gislatives, quelques jours avant la d�mission du Pr�sident, j�ai proc�d� � l�analyse des r�sultats. J�en restitue le sens ci-apr�s, ce qui est ais�ment v�rifiable � partir des archives audiovisuelles. D�but de l�analyse 1. Je vous ai promis � ma nomination des �lections propres et honn�tes. Le scrutin du 27 d�cembre a-t-il �t� propre et honn�te ? Oui de la part du gouvernement qui n�a pas trich�, non de la part du FIS qui a abus� de sa position dominante dans les collectivit�s locales depuis juillet 1990 et n�a pas h�sit� devant de nombreuses pratiques d�loyales et ill�gales pour fausser le scrutin. En attestent d��vidence : pas un seul bulletin FIS sur deux millions de bulletins nuls, la disparition myst�rieuse d�un million de noms des listes �lectorales, la fabrication de faux bulletins de vote. 2. Cela veut-il dire, avais-je conclu, que les r�sultats ne sont pas significatifs ? Non. Au contraire, les r�sultats signifient clairement que le vote des Alg�riens doit �tre compris comme un appel au secours, un tr�s fort cri de rejet total par les Alg�riens de tous ceux qu�ils consid�rent, � un titre ou � un autre, comme responsables de leur condition d�grad�e. Fin de l�analyse. Au petit matin du 28 d�cembre, � un journaliste qui m�interrogeait � la vol�e dans le hall du palais du gouvernement sur les r�sultats du premier tour qui venaient de tomber, je r�pondis : �Ce n�est pas un vote c�est un vomissement.�
� vous limiter � votre mission principale en qualit� de Chef du gouvernement, organiser les �lections l�gislatives dans un d�lai de six mois, vous ne voyez pas mati�re � autocritique ?
Comment ai-je accept� la mission de Chef du gouvernement et ai-je bien fait de l�accepter ? L�ai-je bien accomplie ? Ai-je contribu� � changer le cours des choses et dans quels sens ? Quelles traces a-t-elle laiss�es sur le plan national et subsidiairement sur le plan personnel ? Si j�ai bien compris, c�est � cet exercice ardu que vous me conviez. Cela ne va pas �tre ais� de vous satisfaire de mani�re juste allusive. Je vais essayer de m�acquitter de l�exercice. Je vous livre, de suite, un r�sum� lapidaire de mon �tat d�esprit pr�sent.
Primo : Sur le plan purement personnel, j�ai mal g�r� ma relation avec Abdelhamid Mehri, secr�taire g�n�ral du FLN.
Deuxio : En acceptant la mission de Chef du gouvernement dans les conditions qui pr�valaient alors, j�ai fait un sacrifice personnel qui s�est av�r� inutile.
Tertio : De la m�me mani�re en ne d�missionnant pas au lendemain du d�saveu du gouvernement par l�APN, � propos du mode de scrutin proportionnel, je me suis beaucoup desservi sans que cela f�t d�une utilit� pour le pays.
Quarto : L�annulation du deuxi�me tour des �lections de d�cembre, mesure obligatoire, patriotique et salvatrice, est devenue a posteriori un coup d��p�e dans l�eau d�s lors que par la suite le r�gime n�a pas tir� � ce jour la le�on qu�il fallait des r�sultats du premier tour. Je crois que ces erreurs n�ont pas nui au pays. Mais elles ne l�ont pas servi non plus. En tout cas pas comme j�aurais d� et comme j�ai souhait� le servir. Maintenant, je vais expliciter. Il y a eu entre Abdelhamid Mehri et moi une fracture de communication fabriqu�e de toute pi�ce par d�autres que lui ou moi, bien avant ma nomination � la t�te du gouvernement. Mais j�ai ma part de responsabilit� de cet �tat de choses. Il m�incombait � moi, en ma qualit� de Chef du gouvernement, et en mon devoir envers un a�n� que je respecte, de faire plus et mieux pour �viter l�aggravation de cette fracture � partir de juin 1991. Sous l��treinte du temps et de la confusion de l��poque, sous l�effet des attaques politiques virulentes �manant de moyens d�tourn�s du sein du FLN, mes efforts dans le sens de la r�duction de la fracture ont �t� sinc�res mais insuffisants, pas assez r�fl�chis et maladroits. Il a tenu certes et � plusieurs reprises des propos contre l�action du gouvernement. M�me s�ils �taient injustes � mes yeux, ces propos ont �t� tenus publiquement et je fus � mon tour injuste � son �gard en les mettant dans le m�me sac que d�autres propos blessants pour le gouvernement et pour moi-m�me mais que je n�ai pas entendus directement de lui. Je n�avais donc pas � prendre pour argent comptant les dires des d�put�s qui lui ont pr�t� ces propos en me les rapportant. Bien que cela ne pouvait avoir et n�a eu aucune influence sur le cours des choses ; ce fut sur le plan de relations personnelles l�un des plus grands reproches que je me suis fait � moi-m�me avec le recul. Je regrette une telle faute. La conclusion de notre dernier entretien dans son bureau au FLN a �t� : �Ecoute, Sid-Ahmed, toi tu es t�tu et moi je suis t�tu.� A cette r�flexion qui �tait injuste c�est l�amour propre qui s�est laiss� solliciter alors que j�aurais d� la saisir pour faire preuve de plus d�intelligence et de sensibilit� dans nos relations de cette ann�e 1991. Vous comprenez maintenant pourquoi je continue � esp�rer que le jour in�luctable o� l�un de nous deux ne sera plus ici-bas ne vienne pas avant que nous nous en expliquions entre nous deux.
Mais pour vous en tenir � votre mission de Chef du gouvernement en propre...
Justement, j�en viens � ma mission de Chef du gouvernement telle que vous la qualifiez vous-m�me, inexactement, dois-je souligner ! Il est vrai qu�il y a eu � son propos beaucoup de malentendus, n�s des interpr�tations trompeuses et des pol�miques plus ou moins bien intentionn�es qui l�ont entour�e. J�en ai d�j� parl�. Ma mission a �t� celle de Chef du gouvernement, investi de toutes ses pr�rogatives, pas en charge, seulement, de l�organisation des �lections. Le programme de 52 pages que j�ai pr�sent� � l�Assembl�e est l� pour en attester, s�il en est besoin. Le fait qu�elle ait comport� en outre et dans l�entendement pr�alable qui a conduit � ma nomination, la mission d�organiser les �lections avant la fin de l�ann�e, ne signifiait pas que ma mission de Chef du gouvernement f�t limit�e � l�organisation de ces �lections. Du reste, il ne pouvait �tre question d�une telle limitation, ni de par le texte et l�esprit de la Constitution, ni de par le texte de ma nomination ni dans l�entendement pr�alable qui a conduit � cette nomination. Ma premi�re r�action quand j�ai �t� pressenti, dans les conditions que j�ai d�j� narr�es, fut d�abord un sentiment de r�ticence. Pourquoi la r�ticence en premier ? Parce que je savais l��tat des lieux calamiteux sur le plan financier et la situation �conomique, sociale et politique fortement d�t�rior�e, me trouvant press� de m�engager, sans pr�avis et en urgence dans une telle situation et avec la perception des faits, une analyse des probl�mes et des solutions qui �taient les miennes et qui n��taient gu�re en ad�quation avec le processus dans lequel on avait engag� la R�publique durant une douzaine d�ann�es, j�avais donc autant de s�rieuses raisons de craindre de me trouver d�embl�e en porte-�-faux vis-�-vis du Pr�sident. S�employant � d�geler mes craintes et ma r�ticence, ce dernier se voulait rassurant, m�assurait de son soutien. A l�instar de Larbi Belkheir et Khaled Nezzar, il a invoqu� le devoir national et insistait pour que j�accepte la mission, ne serait-ce que pour le temps des six mois n�cessaires � la sortie de la crise qui �tait en cours et � l�organisation des �lections l�gislatives qui venaient d��tre report�es sine die en raison des �v�nements. Sur la base de ce tacite entendement eut lieu l�annonce de la signature par le pr�sident de la R�publique du d�cret me confiant la mission de Chef du gouvernement. Quitte � revenir plus loin sur cet aspect sp�cifique de ma mission de Chef du gouvernement, je pr�cise que l�entendement en question �tait dans le principe d�une dur�e de six mois et de la fixation de la date des �lections � l�int�rieur de cette p�riode. Qu�on m�ait cr� ou non, toutes les raisons de mon acceptation, celles qui ont �t� dans ma t�te sur le moment, ont �t� explicit�es dans le discours programme prononc� d�but juillet devant les d�put�s de l�APN. Ces raisons ont �t�, sur le plan personnel, le facteur de devoir national qui a �t� invoqu� et, sur le plan politique, de poser un acte de solidarit� avec le peuple alg�rien et avec l�ANP. La suite, vous la connaissez, on s�est assez �tendu sur le contenu et les conditions de ce qui fut fait, sur le plan �conomique et financier ainsi que sur le plan politique.
Puisque vous dites avoir �t� un Chef de gouvernement investi de toutes les pr�rogatives aff�rentes � sa fonction, quel a �t� votre bilan sur le plan �conomique et financier ?
Sur le plan et financier, j�ai du faire face � une situation d�urgence : nos r�serves de changes au 27 juin 1991 c'est-�-dire les moyens d�approvisionnement de l��conomie et de la population se montaient � 345 millions de dollars ; nous n�en avions plus que pour quinze jours 15 jours d�importation� th�oriquement ! Mais r�ellement moins, beaucoup moins de 15 jours, car pour se constituer ces liquidit�s la Banque d�Alg�rie avait d� recourir � des emprunts � tr�s court terme sur le march� mon�taire pour 130 millions, � des op�rations d�emprunts gag�es par une partie (environ 17%) du stock d�or pour un montant de 365 millions et enfin par des suspensions de paiement de factures arriv�es � �ch�ance pour un montant de 740 millions. Donc nos r�serves ne suffisaient pas � r�gler la moiti� des factures arriv�es � �ch�ance. De facto, nous �tions en �tat de cessation de paiements ext�rieurs. C�est pour cela que le gouvernement �tait tenu d�abord �d��teindre le feu� en s�employant imm�diatement � op�rer � un redressement de la balance de paiements au moins pour pouvoir assurer la subsistance quotidienne, le temps que les mesures de redressement � long et moyen termes fassent leurs effets. D�o� le recours � des aides � la balance des paiements, principalement aupr�s de la CEE, et par la voie d�obtentions d�avances sur des exportations futures. C��tait encore des emprunts mais plus du tout dans le court terme. Au d�part de mon Gouvernement, nous laissions des r�serves de changes de l�ordre d�un milliard et demi de dollars, ce qui signifiait que la balance des paiements avait �t� redress�e en l�espace d�une ann�e, de plus de deux milliards de dollars. Mais cela �tait juste suffisant pour �teindre le feu et ne pas c�der � nos successeurs le m�me incendie que nous avions eu � �teindre. Mais les richesses en hydrocarbures, si importantes qu�elles fussent, n��taient qu�en �tat de potentialit�. Encore fallait-il les rendre concr�tement disponibles. Il fallait aller les prendre l� o� nous les savions demeur�es dormantes. D�o� le projet de loi 1991 sur lequel j�ai longuement dissert�. Je me suis, �galement, �tendu sur la loi de 1991.Faut-il rappeler que les hydrocarbures �taient la premi�re chance � savoir saisir pour nous d�gager de l�enlisement financier, nous affranchir de ses cons�quences sociales et politiques, reprendre ainsi notre marche vers le progr�s et la prosp�rit� ? Parmi les autres actions du Gouvernement on peut noter l�application de l�accord avec le FMI qui avait �t� sign� par le gouvernement en avril 1991. Il �tait cens� entrer en vigueur d�s le mois de juin. En r�ponse au FMI qui se rappelait � notre bon souvenir, j�ai demand� que l�on nous laiss�t le temps d�en informer l�Assembl�e nationale, les acteurs sociaux et politiques ainsi que toutes les autres parties qui avaient tous �t� tenus dans l�ignorance de l�existence m�me de cet accord. Nous nous sommes aussi donn� le temps de l�am�liorer autant que faire se pouvait. C�est pour cela que les mesures de � v�rit� des prix � des produits de premi�re n�cessit� n�ont �t� mises en application, qu�apr�s que nous ayons mis en place le filet social, c'est-�-dire au mois de mai 1992, sous la Pr�sidence de Mohammed Boudiaf. Je passe sur tous les autres chantiers que nous avions ouverts, dans les domaines du logement, de la lutte contre la pauvret�, de l��ducation et de la formation, des m�dias etc. : voyez le programme il y en a pour des cinquante pages. Je vous ai narr� notamment dans quelles conditions nous avons lanc� les actions prioritaires qui devaient allaient plus loin, c'est-�-dire nous constituer des moyens de financement des r�formes et des investissements n�cessaires � la relance �conomique, � partir du red�ploiement de nos ressources propres, d�j� existantes ou � cr�er. C�est pour cela que tout naturellement ce qui vient en premier ce sont les hydrocarbures, non seulement en raison de leur importance potentielle, mais aussi parce qu�elles ont l�avantage de contribuer � red�marrer une machine �conomique gripp�e et � la rendre capable, moyennant une politique �conomique ad�quate, de g�n�rer elle-m�me des ressources propres nationales. Etant donn� le temps imparti, les situations d�urgence trait�es, les oppositions et entraves rencontr�es, je pense que nous avons fait les choses du mieux que nous pouvions faire sur le plan �conomique et financier. Nous avons contribu� au moins � les mettre dans la bonne direction. Avec le recul, je ne regrette rien de tout ce qui figure dans le programme du Gouvernement, ni de ce qui a �t� accompli dans le cadre de sa mise en �uvre. En deux tranches de cinq mois pour agir, il est impossible de faire davantage et en plus de profondeur, surtout pour lancer les r�formes que nous nous �tions promis de conduire et qui demandaient beaucoup plus de temps, de stabilit� et de moyens financiers que ceux dont nous pouvions disposer � l��poque. Surtout qu�il n��tait pas de la culture de mon gouvernement de rechercher � travers la r�forme seulement des effets d�annonces et encore moins le modelage artificiel de desseins politiques personnels. Nous croyions aux r�formes et tenions celles que nous pr�conisions pour affaire s�rieuse, non comme on brandit un slogan et un joujou politicien.
M. C. M.


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