J�ai vu le film de Jean- Pierre Lledo. Deux fois, � plusieurs mois d�intervalle, sous deux titres diff�rents. Malaise � chacune des visions et pour le traduire beaucoup d�interrogations. Une part de ma vie, un sens de mon histoire sont impliqu�s dans ce film. Par ce point de vue, j�exerce mon droit de l�gitime r�ponse. Je ne me situe pas dans cette n�buleuse des attitudes crisp�es sur la question coloniale formul�e par le camp qui exige le pardon et celui qui refuse la �tyrannie de la repentance � sens unique�. Ces notions appartiennent au vocabulaire religieux. N�usurpons pas la fonction d�volue aux hommes d�Eglise et de mosqu�e. Ma voix n�a rien � voir avec la liturgie nationaliste. Je suis alg�rien et sais qu�il est parfois dur de l��tre, en certaines circonstances, tr�s dur. Je le suis et le reste. Et c�est ingu�rissable. D�un nouveau film est attendu un surcro�t de savoir et de plaisir esth�tique. L�art ajoute de l�esprit et de la couleur � l�histoire. Sous le projet artistique, que dit le sujet politique dans le film de Lledo ? Le regard de J-P. Lledo se veut scrutateur de l�histoire r�cente de l�Alg�rie. Il tron�onne cette histoire en quatre s�quences temporelles et en quatre espaces g�ographiques. Ces quatre espaces temps sont cousus entre eux d�un fil rouge tenu par quatre personnages jouant le r�le de r�v�lateurs. Ce fil est cens� focaliser les galets laiss�s dans l�oued ou des histoires � ne pas dire. En fouillant la chair vive et l�esprit d�une soci�t�, que veut dire et montrer Lledo ? Participer � l��lucidation d�une histoire complexe et encore opaque ? Enrichir notre repr�sentation de l�histoire r�cente de l�Alg�rie par une plus-value de savoir et aiguiser ainsi notre sens critique ? Briser la masse de b�ton qui l�enserre dans la psalmodie nationaliste ? D�gager les esprits des discours qui balancent au gr� des circonstances entre le triomphalisme �gotiste et la sanctuarisation du malheur d�avoir �t� colonis� ? Casser ce que Harbi appelle l�absolutisme politique, dont la fonction est celle de former une opinion publique approbatrice ? Ces questions �taient-elles dans les intentions de Lledo ou bien se sont-elles dilat�es et fondues dans une autre chose qui appartiendrait � son seul monde intime ? Tout artiste cache sa subjectivit� et la r�v�le dans son art, par le langage de l�art. L��uvre achev�e ne lui appartient plus. Elle devient bien commun et passe par le crible des consciences, dans la culture. Toute histoire qui ne nourrit pas ou plus l�imaginaire, la pens�e et l�intelligence des hommes, se condamne � p�rir dans l�obscurit� et � laisser les hommes, tels des fant�mes, orphelins de leurs filiations. Quand les hommes n�y trouvent pas les signes qui symbolisent leurs vies et les identifient comme citoyens de la cit�, ils versent et se soumettent � d�autres puissances, celles du Ciel et � ses glaives. La menace est grande de passer d�une n�vrose de l�absence � une n�vrose de l�incantation d�l�t�re. Cette menace n�vrotique est aussi grave quand l�ordre des valeurs est invers� ou neutralis� dans une �galit� des culpabilit�s par l��quivalence des violences et des terreurs : tous coupables. Peut-on oublier cette phrase dite par l�abb� Davezies devant le tribunal de Paris qui le jugeait pour son engagement spirituel et physique avec le FLN : � la violence qui opprime et � celle qui lib�re, je choisis la seconde. J�ai parl� de fant�mes. L�id�e m�est sugg�r�e par le titre d�un des films de Jean-Pierre, Alg�rie mes fant�mes. Lledo est hant� par l�id�e de l�absent et veut l�affronter. Ne sait-il pas que les fant�mes ne sont pas dans l�histoire, mais dans la t�te, et qu�aucune cam�ra ne peut y acc�der. La m�moire est-elle un territoire � investir sans prendre des pr�cautions de m�thode ? Sait-il que la m�moire est port�e par un individu, qu�elle trie, masque, oublie, d�tourne, transforme et donc fait obstacle � l��criture de l�histoire ? Aucune histoire n�est r�ductible � une m�moire individuelle ni � une addition de m�moires. Sauf � la transf�rer dans la fiction narr�e par le roman, le film, le tableau. Lledo n�est pas historien et aucun historien ne l�accompagne dans son p�riple. Lledo est artiste. Un artiste de talent, dou� d�un sens aigu de la narration par l�image. Incarner l�histoire par le savoir et les arts est une urgence et une exigence de libert� et de civilisation. Cela signifie que l�on touche l� au monde symbolique d�une soci�t�, � sa chair vive et � son esprit. Je partage avec lui l�obsession de l�histoire, la n�tre en particulier, d�sincarn�e et de paroles vaniteuses quand elle est coul�e dans le plomb de la liturgie politique. Je ne partage pas sa fa�on de la rendre visible et audible. Ni l�esth�tique de la dramatisation ni son message qui proc�de par jugements que seules fondent sa subjectivit� et ses questions existentielles. La distance d�avec son objet r�tr�cit, le sens critique s��vanouit et le film se fait expression d�un pamphlet personnel qui ne puise dans l�histoire que ce qui le conforte. Le film de Jean-Pierre Lledo subit une �trange m�tamorphose nominale. Ne reste dans l�oued que ses galets de ce dicton aux belles r�sonances d�ironie philosophique populaire qui l�identifiait, le second titre de l��uvre Histoires � ne pas dire se voit d�sormais rehauss� � une dignit� acad�mique ou � un drame hitchcockien. Lledo aurait-il enlev� le burnous lexical � son film pour le v�tir d�un costume moins exotique ? Dommage. Pour moi, le titre initial contenait son pesant de poudre bonne � exciter les esprits curieux et � faire �ternuer de honte tous les faussaires de l�histoire. Il semblait �tre destin� aux gens du pays usurp�s d�une parole dont ils savent si bien faire de salutaires usages, y compris par la d�rision. Les premiers spectateurs ont lu � l��nonc� du g�n�rique. L�image, forte, fait sens. Elle est une m�taphore de l��preuve et du courage par laquelle scories, impostures, falsifications, mensonges� sont d�masqu�s. La v�rit� est au fond du puits, dans le lit du fleuve. L�oued n�est jamais tranquille ; la vie et l�histoire non plus. Un jour ou l�autre le fleuve tarit ; un jour ou l�autre l�histoire et l�homme sont mis � nu. Par cette �preuve, l�homme, ce marcheur anonyme, acc�de aux v�rit�s, ouvre sa conscience, advient au monde et � lui-m�me. Ne reste dans l�oued que ses galets devient Histoires � ne pas dire. Pourquoi ce changement de titre ? Aga�ante cette id�e de m�attarder sur une question apparemment secondaire. Est-elle un pr�texte � querelle ? Est-elle superflue ? Non ! Non, parce que le second titre me para�t �tre un proc�d� de gonflement du film, de passage � une autre cat�gorie : celle que la dignit� historienne habille d�un manteau sur lequel est �pingl� le label garantissant la connaissance, la provocation et des r�v�lations in�dites. Film � suspense ? Histoires � ne pas dire suppose des non-dits intuitivement identifi�s et suppose donc la r�solution du paradoxe que notifie le titre. Celui-ci indique l�intention de Lledo de visiter la part d�ombre ou la part maudite de l�histoire contemporaine de l�Alg�rie et extirper de ses entrailles ce qu�elle dissimule. Se faire historien de l�indicible est un projet sacrement courageux, grave, donc exigeant. Rendre visible ce qui est cach� n�a rien de d�lictueux ou de sacril�ge. Le m�tier de l�historien est de le r�v�ler en mettant en jeu sa science et sa conscience. Au contraire, c�est une action civique. L�historien n�a pas le monopole de la repr�sentation du pass�, pas plus qu�il n�a une autorit� de juge. L�artiste est autant impliqu�. Mais � chacun son m�tier ou � son art et la conjugaison des deux est souhait�e parce que aussi n�cessaire que roborative au corps et � l�esprit. Il n�y a pas de limites aux questions, tant que l�on reste dans l��thique de son travail. Le sujet mis en sc�ne par Lledo touche � la repr�sentation de ce qui a constitu� l�acte fondateur d�une nation ouvrant l�acc�s d�un peuple � son nom, � son patrimoine, � son histoire, singuli�re et universelle. Fonder le vivre ensemble, s�approprier l�histoire et ses mythologies, agir sur son pr�sent et proclamer ses libert�s, constituent des qualit�s ontologiques imprescriptibles et inali�nables. Il n�y a pas une exception alg�rienne. Seules son histoire et son exp�rience la distinguent et en m�me temps la lient � l�humanit�. Comment et par quels moyens les hommes d�Alg�rie ont-ils soulev� l�histoire ? Lledo, sa cam�ra et ses quatre compagnons vont se faire d�fricheurs de m�moires, d�Est en Ouest. La bibliographie et les archives sont laiss�es � la besogne des compilateurs. Les v�rit�s sont empil�es dans la m�moire des gens qui ont vu comment les choses se sont pass�es. Certains les ont v�cues. Et de ces m�moires investies, interrog�es avec un z�le parfois d�rangeant parce que outrancier, retient que le th�me du massacre des innocents Gouar. Acte par lequel le scandale et la douleur de la s�paration des communaut�s sont arriv�es. Comme si cette s�paration n�avait pas pris corps depuis plus de 130 ans. Comme si les rapports de bon voisinage entre Larbi, Marcel et Mosh�, entre Yamina, Marie et Rachel, avaient d�j� constitu� un ��tre ensemble� int�rioris� par tous ; comme si la division radicale entre colonisateur et colonis� s��tait �teinte. Aucune allusion n�est faite � la destruction de la culture de ceux que Lledo appelle les musulmans. Comment une �nation en formation� pouvait-elle atteindre � la pl�nitude d�une soci�t� pluriethnique aux citoyens �gaux si la majorit� de la population est drastiquement assign�e � une minorit� de nature quasi biologique ? Que savait la population coloniale de l�histoire, de la langue, des rites et des arts de ceux qui n��taient m�me pas nomm�s Alg�riens ? Qu�en a-t-elle fait sinon de les araser et de les p�trifier ? A-t-elle r�pondu ne serait-ce que timidement et qu�au conditionnel � l�appel du 1er Novembre 1954 ? Albert Camus avait la nette conscience que quelque chose manquait � l�Alg�rie dans laquelle il vivait. Ou alors ce quelque chose �tait de trop : l�autochtone. Camus parlait de son malaise. Il disait son malaise caus� par un d�faut d�origine, un d�faut de m�moire dans cette Alg�rie fran�aise toujours en �quilibre pr�caire. Il manquait la profondeur du r�cit historique et la mythologie qui va avec. Aucune fusion, pas m�me l�assimilation n��taient possibles puisque une disjonction radicale a fond� la possession du territoire. Lledo aurait d� entendre Camus dont je reprends ici quelques id�es ; aurait d� lire L�Alg�rie des anthropologues de Vatin, Les Affrontements culturels dans l�Alg�rie coloniale de Yvonne Turin et ne pas oublier Fanon. Massacres du 20 ao�t 1955 � Beni Malek, � Filfila et au village minier d�El Alia. La narration qu�en pr�sentent les t�moins � Yazid l�enqu�teur, fils de la mechta des Mouats, laisse pantois par ses outrances quant au chiffre des assaillants �valu�s par l�un d�entre eux de 1 500 � 2 000 personnes d�ferlant des maquis sur les paysans et ouvriers europ�ens. Ni l�enqu�teur ni le r�alisateur ma�tre du projet artistique et du discours p�dagogique, n�interviennent pour pond�rer, sinon corriger. L�histoire n�est pas de l�art brut. La spontan�it� d�un t�moignage n�est pas gage de v�rit�. Serait-il v�rit�, quelle serait sa pertinence dans le d�ferlement de l�histoire et de sa mise en coh�rence ? Monsieur Balielestri, homme g�n�reux et protecteur de ses voisins et de ses ouvriers, serait-il l�exemple d�un humanisme qui rach�terait, � lui seul, tous les crimes coloniaux ? Cet homme �tait admirable. Quelle �tait l�attitude de la majorit� coloniale ? La description faite par un autre t�moin mimant son acte d��gorgement d�une femme europ�enne faisant frire ses sardines, est une sc�ne terrifiante et absurde. Qui est cet homme, l��gorgeur, qui apr�s son acte macabre se met � manger les sardines ? L�esth�tique de la mort, ici singularis�e, est-elle significative en soi pour montrer l�horrifique ou bien est-elle la marque sui generis du FLN ou celle, jamais �voqu�e, de la condition humaine universelle ? La cam�ra fait gros plan sur le barbare et par en dessous ou en filigrane se lit une autre sauvagerie : celle qui constituerait le champ mental des combattants nationalistes, �radicateurs de Gouar. Le r�alisateur oublie que l��lucidation de tous ces ph�nom�nes et des extr�mes violences qui les ont port�s, n�est pas nich�e dans la m�moire intime, mais dans la dur�e de l�histoire. Ce t�moin acteur ne peut � lui seul la symboliser. Les extrapolations suivront. La rencontre avec Louiza Ighilariz est stup�fiante. JP. Lledo accule son interlocutrice sur l�action des militantes poseuses de bombes dans les lieux publics. Appuy� sur la philosophie camusienne de la justice et de la morale, il juge injustes et immoraux leurs actes qui ont tu� des civils. Il culpabilise et se retranche derri�re une vision id�alis�e de la lutte de lib�ration qui au nom de ses principes lib�rateurs n�aurait pas d� pratiquer une terreur aveugle. Louiza Ighilariz sortie de l�enfer manuel et �lectrique des parachutistes est suffoqu�e. Elle a beau reprendre ce que Larbi Ben M�hidi a r�pondu, sur cette m�me question, � Bigeard, Lledo gomme l�histoire, met entre parenth�ses la r�alit� de la guerre entre une population civile et un Etat et son arm�e dot�e d�une puissance de police et de justice. Ancr� dans une m�taphysique du bien et du mal, pourtant pourfendue par l�abb� Davezies, le cin�aste n��coute pas Louiza. Il joue au pacifiste � rebours du temps, sp�cule sur la morale et la puret� dont aurait d� se parer la r�volution alg�rienne. Quand Katiba Hocine lui parle de son adolescence � la Casbah et � Bab el Oued, de sa tendresse pour tata Ang�le, sa voisine, le cin�aste, fix� sur ses id�es, lui pose cette incroyable question : adulte pendant la guerre, aurais-tu pos� des bombes ? Oui, r�pondit-elle. M�me chez tata Ang�le ? Suffoqu�e, Katiba lui lance : pourquoi veux-tu que je pose une bombe chez tata Ang�le ? Plusieurs s�quences plus loin, la cam�ra de Lledo fait un travelling sur le mur situ� derri�re l�autel de la cath�drale d�Alger o� un concert de musique sacr� est donn�. L�image roule et insiste sur les �pitaphes de 17 religieux, �crites et peintes dans des niches. Ces s�urs et ces pr�tres ont �t� assassin�s par le GIA dans la d�cennie 1990. Que cache cette allusion d��vidence anachronique ? Aucune explication n�est donn�e par le r�alisateur pour pr�munir le spectateur contre une confusion des genres et des temps. A moins de sugg�rer l�id�e d�une filiation entre le 20 ao�t 1955, les bombes d�Alger et les ann�es 1990. A Constantine, Lledo et son guide sont sur les traces de Raymond Leyris, le ma�tre de la musique andalouse, assassin� en juin 1961. Les d�clarations anti-s�mites prof�r�es par le g�rant du bain-mausol�e honor� par Juifs et Musulmans, et par le militant costum�, sont sordides et r�pugnantes. Il est dommage que la tonalit� et le rythme de cette partie du film s�enlisent dans la longueur et le m�lodrame. Les r�pliques r�p�titives entre Hamid, le guide et son jeune fils autour du personnage de cheikh Raymond tournent � l�hagiographie. Belles photos en plans larges et profonds de Constantine et de ses chantres. Moment prodigieux quand les artistes de la ville rendent un hommage musical � cheikh Raymond. La veill�e fun�bre 46 ans apr�s la mort du musicien est un moment bouleversant. Les anti-Juifs de la ville et d�ailleurs sont renvoy�s � leur ignominie. D�s le g�n�rique, Lledo verse dans un r�cit aux accents bibliques. Un chant lancinant et magnifique, un requiem berb�re, un lamento fun�bre des Aur�s, accompagne et surdramatise le r�cit. Tout le film est orient� sur cette id�e non pas du paradis perdu mais du paradis d�o� une partie de l�humanit� a �t� expuls�e. Certaines sc�nes sont sur-jou�es et dialogu�es sur un m�me texte fermement tenu par le r�alisateur. La r�union chantante des vieux habitants de la Cal�re d�Oran, quartier �ventr� dont il ne reste que des squelettes d�immeubles, est surcharg�e d�un pathos qui lui fait perdre son cr�dit et ce qu�elle pouvait avoir de poignant. Lledo pince fort la corde de la nostalgie. Paradis perdu ? R�surrection des fant�mes du 5 juillet 1962 ? Ici, le film de Lledo se perd dans les m�andres des m�moires approximatives. Ses t�moins sont plus path�tiques qu�inform�s. Le pugnace com�dien charg� d�exciter les souvenirs et d�entendre ce que le sc�nario exige de conna�tre sur les tueries d�Europ�ens le jour de l�ind�pendance, succombe sous des r�ponses st�r�otyp�es, �vasives : On m�a dit� J�ai entendu dire.. Je n��tais pas l�... Ce jour-l�, je suis all�e en Ville nouvelle voir l�arriv�e des moudjahidines, dit une vieille femme qui pr�cise avoir fait une fausse couche� Deux des t�moins �taient, � l��poque, des �coliers. A l�amorce du film, la voix off se d�clame sur un tempo tragique : A l�ind�pendance de l�Alg�rie, le d�part des Europ�ens a �t� l�un des plus grands d�placements de population de l�histoire de l�humanit�. Le trait et le vocabulaire sont forc�s et la r�f�rence historique erron�e. Un d�placement de population suppose un Etat central, un choix id�ologique, un plan �labor� et une logistique pour le mettre en �uvre. Les Alg�riens connaissent la proc�dure pour avoir subi des d�placements vers des camps ou vers les pays voisins. L�Alg�rie n�est plus tout � fait colonis�e, pas encore ind�pendante. L�Etat alg�rien n�existe pas. Jusqu�en septembre 1962, une guerre alg�roalg�rienne fait des heures suppl�mentaires et des ravages. Elle prolonge le d�sarroi et les souffrances du peuple. Le d�part des Europ�ens a commenc� bien avant le 3 juillet 1962. Il s�est acc�l�r� d�s le cessez- le-feu. Le chaos haineux, destructeur, provoqu� par l�OAS, � Alger et notamment � Oran, �tait hallucinant et rendait utopique une cohabitation imm�diate. La fracture entre les populations europ�ennes et alg�riennes s�est alors creus�e et s�est �largie aux dimensions de la M�diterran�e. Le point de vue de l�historien manque encore pour situer cette p�riode qui va du 19 mars 1962 au 5 juillet suivant. Lledo �vite ou juge non pertinente une mise en perspective du contexte historique. Histoires � ne pas dire ne m�ont rien dit de plus que je sais sur les s�quences de l�histoire de mon pays, ici mises en images. Trop long ce film. Trop d�encombrements verbaux et un sur-jeu �puisant. La transposition d�une nostalgie personnelle dans l�histoire est un risque �norme : celui de sombrer dans le manich�isme archa�que du bien et du mal. L�investigation historique ne se fait pas avec de la nostalgie et des sentiments. Ou alors, il faut les d�clarer explicitement et les sc�nariser dans un autre film. Ce principe, cher � Marc Bloch, sera ma conclusion. �L�histoire est une qu�te t�tonnante. Elle nous aide � penser ou � mieux penser. Sur le pass�, le travail de l�historien ne porte pas de jugements de valeur. A force de juger, on finit, presque fatalement, par perdre jusqu�� la n�cessit� et au go�t d�expliquer. Sur le pass�, nous ne pouvons plus rien et tout crit�re de son �valuation est n�cessairement relatif.� B. M. Le 13 mars 2007 � Aix-en- Provence.