Est-elle vraiment taboue la question ? D�s l�instant o� celle-ci est pos�e, les commentaires se font rares et les froncements de sourcils se multiplient. Peureusement l�on mesure ses mots pour en parler et l�on campe dans de vagues assertions. Et pour cause, le r�le de l�arm�e dans l�espace politique est tellement pesant, secret, pervers et notamment historique, que nul homme politique n�ose le contester frontalement. Qu�ici ou l� l�on s�efforce aujourd�hui de la cr�diter de neutralit� r�publicaine n�efface certainement pas les influences qu�elle a exerc�es par le pass� et rendu, chaque fois, caduque l�expression d�mocratique. Que les bonnes �mes plaidant sa cause, nous disent, que celle-ci a vir� sa cuti jusqu�� observer une stricte indiff�rence par rapport aux joutes politiques que l�on ne peut les croire qu�� moiti�. Ce n�est par cons�quent pas � l�opinion de se faire une bonne raison � partir d�un v�u pieux, mais � elle de fournir concr�tement les preuves de sa v�ritable r�serve. En tout �tat de cause, les interrogations d�hier, c�est-�-dire celles relatives aux options de 1991 puis de 1994, et enfin du sc�nario de 1999 prolong� par la manipulation de 2004, n�exon�rent gu�re cette institution lorsqu�elle laisse entendre qu�elle pr�f�re le cantonnement des casernes aux incertitudes du terrain politique. Ayant menti par omission chaque fois qu�elle a eu � peser dans des choix majeurs, elle ne peut que mentir encore lorsqu�elle veut se pr�valoir d�une posture que l�on s�efforce de lui pr�ter. Ainsi donc, rien n�est plus frustrant que cette attitude frileuse et retenue qu�adoptent les commentateurs, analystes et autres acteurs agissant dans l�espace politique quand ils sont interpell�s sur le sujet. Se d�faussant � partir de pirouettes s�mantiques, ils excellent alors dans l�allusion au lieu d�insister clairement sur le passif d�mocratique dont celle-ci est redevable. Il est vrai que pour reposer dans les bons termes une si vieille querelle n�e au c�ur du mouvement national, il ne reste aujourd�hui que l�exorcisme de l�histoire. Celui qui se chargera d��vacuer une discorde fonci�re tout en lui �pargnant les jugements peu valorisants. Ainsi nous en sommes toujours l� � sublimer inconsid�r�ment une institution afin de n�avoir pas � essuyer les foudres de ceux qui n�ont que des certitudes �tablies derri�re lesquelles ils s�abritent. En d�autres termes, s�autocensurer afin d�acc�der � la bonne conscience. L�arm�e (?) � l�arm�e (??) � L�arm�e (???) � Difficile de traiter le sujet en dehors des dithyrambiques envol�es lyriques dont elle-m�me n�en a cure. Et surtout au moment o� elle est, pour sa part, plus encline � r��valuer son r�le historique puis en tirer les cons�quences en fonction des mutations successives qu�a connues la soci�t�. C�est dire qu�elle est dor�navant appel�e � red�finir son r�le et son statut par rapport au champ politique. R�activer la pol�mique sur son fameux �primat� rel�ve, en ces temps de grande incertitude, de l�hygi�ne politique. Jadis, Hamrouche avait formul� lapidairement ce que l�on attend d�elle dans telles circonstances. �L�ANP ne doit tirer que les cartons rouges�, disait-il. Autrement explicit�, son arbitrage ne devrait plus se situer dans l�enr�lement du personnel politique, voire dans la mise sous influence des urnes, mais plut�t se cantonner au respectable travail de vigilance afin de soustraire la d�mocratie et les libert�s publiques aux p�rils totalitaires. Bien �videmment, certaines voix officielles ne manqueront pas de s�inscrire en faux et d�affirmer que la question est depuis longtemps tranch�e et cela sur la seule foi des textes. Ceux qui, platoniquement, font r�f�rence aux constitutions (celles de 1989 et de 1996) alors qu�elles ne valent que par la solennit� des mots. Or, rien n�est plus abusif que de faire accroire que notre arm�e a cess� de peser sur les destin�es de nos dirigeants et la gestion de leur carri�re. M�me si ses sch�mas d�intervention ont gagn� en subtilit�s, au fil des crises successives, il n�en demeure pas moins qu�elle continue � peser lourdement dans chaque sc�nario qui s��bauche. Lui attribuant la responsabilit� de l�arr�t du processus �lectoral de 1991, les cercles politiques n�ont eu depuis cette date-l� de cesse que de scruter ses messages. Sur-dimensionnant son influence, souvent � raison, tous les courants de pens�e ont fini, paradoxalement, par atrophier leur propre pr�sence sur la sc�ne. Autant dire que les partis et les appareils avaient incidemment int�gr� dans leur discours l�arbitrage de la caserne. Ainsi, le fait de rappeler, � la veille des �ch�ances majeures, que la probl�matique de l�arm�e est toujours un sujet qui divise et inqui�te les v�ritables d�mocrates, est une preuve suppl�mentaire que nos libert�s sont encore virtuelles. Un tutorat archa�que et secret en totale contradiction avec la Constitution mais n�anmoins encourag� par la classe politique elle-m�me ! Curieux ? Non ? � En fait, ce que le microcosme attend d�elle c�est qu�elle se mette du c�t� des libert�s constitutionnelles et qu�elle se d�tache des besognes contingentes illustr�es par le d�testable parrainage. Il est vrai que l�histoire de la souverainet� nationale lui ayant conf�r� une fonction de pivot depuis 1962, elle �tait, par le pass�, en droit de se pr�valoir d��tre l�armature de l�Etat- Nation. Or l�essentiel, aujourd�hui, ne r�side-t-il pas dans sa capacit� � s�adapter � l��mergence d�une culture citoyenne laquelle est r�fractaire aux messianismes et aux tutelles ? Cette exigence est tellement pr�sente dans les revendications populaires qu�il appara�t urgent pour elle de changer de mode d�emploi. Parmi les r�ponses possibles, il y a celle qui transcenderait la dualit� : champ politique - pouvoir militaire. En redessinant les bonnes fronti�res entre l�autonomie int�grale des urnes et l�interventionnisme dans la gestion de la Cit�, elle retrouverait sa place d�institution au-dessus de tout soup�on. Son r�publicanisme foncier ne m�rite-t- il pas d�sormais qu�il se bonifie au contact des id�aux d�mocratiques ? Qu�ici et l� l�on entend dire que cette arm�e a d�cid� de s�affranchir de ses vieilles missions n�est qu�une demiv�rit�. C'est-�-dire la moiti� d�un mensonge tant qu�elle n�a pas tir� des cartons rouges au moment o� la Constitution s�appr�te � �tre bafou�e. L�arm�e sert aussi � cela, n�en d�plaise aux doux r�veurs qui ne croient qu�en la magie �lectorale.