De plus en plus de voix s'élèvent, qui traitent de ce sujet jusque-là «tabou». A mesure que se rapproche l'échéance capitale du scrutin présidentiel d'avril 2004, le sujet relatif au rôle de l'armée dans les questions politiques revient pour occuper le devant de la scène médiatique. Il est vrai que la crise qui secoue présentement le FLN a contribué à exacerber un débat qui n'en demandait pas tant. Toujours est-il que ce sujet ne laisse indifférent aucun des candidats «sérieux» au poste de premier magistrat du pays. Signe des temps peut-être, c'est plutôt un civil comme Zerhouni qui, aux yeux de certains, «menace la crédibilité et la transparence de la souveraineté populaire». C'est ce qu'a laissé entendre le porte-parole du mouvement Wafa, que préside Ahmed Taleb Ibrahimi. Ce dernier, invité de notre rédaction il y a de cela un peu plus d'une année, avait au contraire plaidé en faveur d'un «retrait graduel de l'armée de la scène politique». Mohamed Saïd, lui, a mis en exergue la «partialité flagrante du ministre de l'Intérieur vis-à-vis de certains courants puissamment ancrés dans la société», menaçant démocratiquement un second mandat du président Bouteflika. Mohamed Chafik Mesbah, politologue et ancien officier, que l'on dit proche de ce mouvement, avait pour sa part carrément indiqué sur les colonnes de L'Express que «l'armée pourrait intervenir dans le cas où le jeu électoral serait biaisé». Ce n'est, du reste, pas un hasard si tous les autres candidats, ou presque, s'attachent à réitérer les «assurances dont avait fait montre le chef d'état-major de l'ANP dans un entretien qu'il avait récemment accordé au journal Al-Arham». L'institution militaire, dont chacun guettait la parole, est sortie de son mutisme pour mettre en avant sa neutralité, arguant cela du fait que la République n'est plus en danger, et qu'il est temps pour l'armée de revenir à ses strictes missions constitutionnelles. Cela n'empêche pas des candidats non encore déclarés comme Bouteflika ou Djaballah de revenir régulièrement sur le sujet, qui pour louer les mérites de l'ANP dans le sauvetage de la République, qui pour se déclarer satisfait des déclarations du général Mohamed Lamari, attendant seulement qu'elles soient suivies par les actes. Comment ne pas se poser de pareilles questions, en effet, lorsque les plus sérieux candidats se disent convaincus que l'Armée ne s'est pas tout à fait retirée du champ politique et que d'autres attendent toujours de voir quelle «devrait être sa position avant de se prononcer» à leur tour. Ce n'est pas tout. Ce ne serait guère trahir quelque secret que de souligner ici que l'état-major de l'armée a dépêché une discrète mission d'enquête relative aux attaques dont est victime le FLN de Benflis. Si le rapport, croit-on savoir, a accablé les deux camps, il n'en demeure pas moins vrai que le pire semble avoir été évité vendredi passé à la suite d'un discret rappel à l'ordre aux hommes de Zerhouni qui semblaient prêts à prendre d'assaut le siège du FLN avec toutes les dérives qui en auraient résulté à travers tout le territoire national. Des voix, moins importantes celles-ci, se sont également élevées pour demander officiellement l'entrée en scène de l'armée pour mettre un terme aux «agissements de Bouteflika et de son clan». Loin de tomber dans ce grossier piège au moment où les puissances occidentales gardent les yeux rivés sur nous, l'institution militaire est demeurée sourde à ce genre d'appel. Mais Ali Benflis, loin de tomber à son tour dans ce jeu dangereux, carrément à double tranchant, n'a pas joint sa voix à celles qui demandait une intervention directe de l'armée dans la cabale montée contre le FLN. Il a, au contraire, lors d'une très remarquée conférence de presse, indiqué que l'armée fait bien de se retirer de la vie politique, saluant au passage les déclarations en ce sens de Mohamed Lamari et refusant catégoriquement de l'entraîner vers les aventures dans lesquelles veulent la pousser certains cercles hostiles. Dans tous les cas de figure, le poids de l'institution militaire, de par son parcours et son poids, reste présent même si elle décide de se retirer définitivement de la vie politique.