De tous temps, les mausol�es et maka�m ont attir� des foules de fid�les. On y vient de toutes les r�gions d�Alg�rie pour se recueillir, allumer une bougie, faire l�aum�ne, offrir un repas aux pauvres, faire une rokia. Jeunes filles en qu�te d�un mari, �pouses abandonn�es, personnes malades ... conjurer le mauvais sort et se fabriquer des jours plus radieux sont les principaux leitmotiv des �ziyars� rencontr�s aux mausol�es de Sidi- Abderrahmane (Casbah) et de Sidi-Ferruch, o� nous nous sommes rendus. Le mausol�e de Sidi-Abderrahmane Ce lieu a toujours rev�tu un caract�re sacr�. On y vient des quatre coins d�Alger, de l�int�rieur du pays et m�me de l��tranger. A l�entr�e du maka�m, tout le monde se d�chausse. La plupart des �ziyars� ont pris la pr�caution d�apporter un sachet o� ils enfouissent leurs souliers qu�ils emportent avec eux, � l�int�rieur, car les vols n��pargnent aucun lieu. Petit couloir sombre. Sur la droite, une pi�ce o� officie un imam. Justement, cet apr�s-midi, il semble d�bord� par les demandes de rokia. Jetant une grande �toffe sur la t�te de quatre jeunes filles assises sur un matelat pos� par terre, le cheikh psalmodie des versets coraniques en effleurant de temps en temps leurs t�tes... Lorsque la �s�ance� est finie, les filles se l�vent. Chacune d�elle glisse un billet ou une pi�ce dans la main du cheikh. Ce dernier ne v�rifie pas le montant. �Vous pouvez donner ce que vous voulez �, assure-t-il. Les filles s��loignent, sauf une. Elle tend un paquet de henn� au septuag�naire lui murmurant : �J�aimerais que vous r�citiez du Coran sur cette bo�te SVP !�... Affal�es sur des chaises pos�es en enfilade dans le couloir, de vieilles femmes en hidjab attendent patiemment leur tour. �Ne vous d�rangez pas, je viens vers vous !�, leur lance le cheikh en s�emparant de l��toffe verte. Le rituel de la rokia recommence. Au fond du couloir, des lueurs vascillantes. Ce sont des bougies allum�es par des visiteurs apr�s avoir formul� un v�u. Le couloir s�ouvre sur la pi�ce principale de cette mosqu�e � l�architecture maghr�bine : la qobb�. C�est l� o� est inhum� le saint patron d�Alger : Sidi Abderrahmane Ettha�libi, de son vrai nom Ibn Ze�d Ibn Makhlouf Abderrahmane Ettha�libi de la tribu des Tha�liba. Le saint homme enterr� avec son ma�tre, Sidi Boudjema� Maknassi, repose sous une ch�sse de bois sculpt� et dor� au-dessus de laquelle pendent de nombreux �tendards de soie. D�autres petites tombes se trouvent dans cette mosqu�e : celles de Ali et Mustapha Pacha. Le sol est couvert de tapis. Fa�ences et ex-voto recouvrent les murs. En levant la t�te, vous pouvez apercevoir de splendides lustres. Plusieurs d�entre eux ont �t� offerts par la reine Victoria d�Angleterre en offrande apr�s avoir vu ses v�ux exauc�s. Au pied du cercueil de Sidi Abderrahmane, g�t une grande caisse en bois cadenass�e o� les visiteurs glissent de l�argent. Cette salle de pri�res regroupe hommes et femmes. Un septuag�naire fait plusieurs fois le tour du tombeau en murmurant des pri�res. Une jeune fille, quant � elle, prie, le front coll� contre la ch�sse. Des essaims de femmes, tous �ges confondus, sont assises sur le tapis. Certaines piquent un petit somme. D�autres s��panchent soulageant leur c�ur gros comme une patate : �J�ai 38 ans et je suis toujours c�libataire, confie l�une d�entre elles, je viens r�guli�rement faire une ziara dans l�espoir de ne pas finir mes jours seule !� Une autre femme, la quarantaine, rench�rit : �moi, c�est ma belle-m�re qui m�en fait voir de toutes les couleurs. Elle ne me pardonne pas de ne pas avoir donn� d�enfants � son fils�, dit-elle la larme � l��il. Soudain, une jeune femme p�n�tre comme une furie dans la q�bba, en hurlant. Son corps est secou� de spasmes. Elle semble poss�d�e par je ne sais quel d�mon. Les autres femmes se pr�cipitent pour l�aider � s�asseoir. Peu � peu, elle semble retrouver son calme. �C�est de la com�die, nous lance une habitu�e des lieux. Elle vient r�guli�rement faire son cin�ma ici faute d�avoir une chance � Hollywood !!� Au moment o� nous quittons le mausol�e, deux femmes arrivent les bras charg�s de beignets qu�elles distribuent � tour de bras. Tr�s peu pour nous, r�gime oblige ! Deux chats, vautr�s sur le tapis, ne se font pas prier et accourent pour prendre part au festin. Petite vir�e au cimeti�re jouxtant la qobb�. D�illustres personnages sont inhum�s autour de la mosqu�e : Ouali Dada qui, d�apr�s la l�gende, d�cha�na la temp�te au cours de laquelle la flotte de Charles Quint fut an�antie, Sidi Mansour, qui reposa jusqu�en 1846 aux abords de la porte Azoun, Ahmed, dernier bey de Constantine, Sidi Abdallah, le dey Hadj Ahmed, Hassan Pacha et sa fille, la princesse Rosa, Sidi Ouada, dernier architecte de la mosqu�e... Dans le sanctuaire se trouvent d�autres tombes d�importants personnages de l��poque ottomane, tels que Khedeur Pacha, inhum� en 1605, Youcef Pacha (1687), Ali Khodja, avantdernier dey d�Alger (1818), Ahmed Bey de Constantine (1848)... D�autres figures, comme Mohamed Benchenab, Mohamed Racim ou Abdelhalim Ben Smaya, y sont �galement enterr�es. Nous quittons le mausol�e Sidi Abderrahmane, class� patrimoine national en 1987 pour un autre �maka�m�. Bienvenue au Maka�m de Sidi-Ferruch Jeudi. 17h. La porte du mausol�e de Sidi-Ferruch est ouverte. Sur le fronton, une inscription en arabe �Maka�m de Sidi- Ferruch�. Pour acc�der � la qobb�, il faut traverser une petite cour o� sont pos�es quelques bougies � moiti� consomm�es. �Marhba�, marhba� !� nous lance un vieil homme en levant les bras au ciel. �il p�tillant, barbe blanche, gandourah immacul�e, le septuag�naire (imam de son �tat) tr�ne au milieu de la qobb�. Une minuscule grotte dont les parois ont �t� cr�pies � la chaux. Derri�re lui, une table o� sont pos�s p�le-m�le, biscuits, jus, bougies ... Des �toffes et �tendards en soie tapissent les parois int�rieures de la �grotte�. Ce sont des dons de visiteurs nous dit Boudjella Ahmed, imam et gardien de ce lieu de pri�res. Et d�ajouter : �Les gens viennent de partout et m�me du Canada.� A peine a-t-il termin� sa phrase qu�un groupe de petits vieux en turbans et djellabas envahissent les lieux. �Za�ratna baraka !� l�che le cheikh. Les visiteurs arrivent tout droit de Ouargla : �C�est la premi�re fois qu�on voit la mer�, confient-ils. �Donne-nous ta baraka avant de repartir�, demandent-ils � l�imam. Apr�s quelques pri�res, ils tournent les talons. Ils ont gliss� plusieurs billets de 100 DA dans la main du cheikh visiblement ravi. Une autre vague de visiteurs arrive. Pas le temps de souffler. Une jeune fille aide sa m�re � marcher. �Elle souffre d�angoisse en ce moment, pouvez- vous lui faire une rokia ?� demande-t-elle � l�imam. Une fois les pri�res r�cit�es, cheikh Boudjella se livre � un petit cours d�histoire. �Sidi- Ferruch le saint homme �tait enterr� ici m�me. Mais apr�s le d�barquement des troupes fran�aises en 1830, ses ossements ont �t� transf�r�s au cimeti�re de Sidi M�hamed El Hadj � pr�s du centre des affaires de Z�ralda actuellement � o� une st�le a �t� �rig�e en sa m�moire.� Le mausol�e de Sidi-Ferruch est ouvert tous les jours au public sauf le samedi. Sabrina Inal Email :[email protected]