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L'Entretien du Mois
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 06 - 2008

�Il faudrait pour le bonheur des Etats que les philosophes fussent Rois et que les Rois fussent philosophes�
Platon �La R�publique�
Vall, l�homme de la transition d�mocratique mauritanienne
1re Partie
Les r�gimes militaires qui se sont succ�d� en Mauritanie ont toujours d�cid� � la place des citoyens mauritaniens. Cette infantilisation qui �tait � notre peuple toute vell�it� de volont� et d�initiative le mettait dans une situation de fatalisme.�
(Entretien avec le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall, men� par Mohamed Chafik Mesbah)
Bio-Express du pr�sident Ely Ould Mohamed Vall
Originaire de la r�gion de l�Inchiri, le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall est n� en 1953 dans les environs de Nouakchott, au cours de l�un des nombreux d�placements de sa famille, � la faveur de l�indispensable transhumance que la famille effectuait pour les besoins de son �levage camelin. C�est en 1960 que sa famille s��tablit � Nouakchott alors que son p�re g�rait encore un commerce au S�n�gal. Cette ann�e marque, justement, de mani�re ind�l�bile le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall puisqu�il passe, sans transition, de la vie nomade � la vie citadine, illustr�e, notamment, par son entr�e � l��cole au moment o� la Mauritanie acc�de � la souverainet� internationale. Il effectue un cycle scolaire primaire normal qui le conduit au coll�ge en 1965-1966. La m�me ann�e, il participe � un concours d�entr�e aux �coles militaires fran�aises organis� par l��tat-major � Nouakchott, avec pour ambition de rejoindre les grandes �coles telles que Saint-Cyr, Ponts et Chauss�es, Navale et Polytechnique. Le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall, qui entre � l��cole militaire de Mans l�ann�e scolaire 1966-1967, est r�orient� vers l��cole militaire d�Aixen- Provence puis celle d�Autin, o� il obtient son baccalaur�at en 1973. La rupture des accords de coop�ration entre la Mauritanie et la France qui intervient la m�me ann�e lui ferme toute perspective d�acc�der aux grandes �coles fran�aises. Il est dirig�, alors, vers l�Acad�mie royale de Mekn�s, au Maroc, pour suivre une formation d�officier. A l�issue de cette formation, il int�gre l�Arm�e mauritanienne avec le grade de souslieutenant. Tandis que la guerre du Sahara bat son plein, il est mut� � Bir Oumgrein, puis, successivement, � A�n Bentili, Atar, Ouadane, Zouerate, Fd�rick, Inal et la Gou�ra qui �taient autant de points n�vralgiques, aux premi�res loges sur le front de la guerre. Il se fait distinguer par son courage, sa discipline et son sens de la responsabilit� et se voit, rapidement, promu � de hautes fonctions de commandement. Il est d�sign�, tour � tour, commandant de Bataillon motoris� sur le front, commandant du Quartier g�n�ral de l�Etat-major national � Nouakchott, commandant-adjoint de la 2e R�gion militaire (Tiris Zemmour), commandant de la 7e R�gion militaire (Trarza) puis de la 60 R�gion militaire (Nouakchott)et, enfin, directeur g�n�ral de la S�ret� nationale toujours en qualit� d�officier d�active, et avec le grade de capitaine. Il convient de souligner que dans les diff�rentes r�gions militaires qu�il a command�es, il pr�sidait de facto la Commission r�gionale des structures d��ducation des masses et �tait, donc, la premi�re personnalit� militaire et politique dans son territoire de commandement. Tout le long de sa carri�re militaire, le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall est amen� � prendre une part active aux interventions successives de l�Arm�e nationale pour r�soudre les crises majeures auxquelles le pays �tait confront�. En 1978, commandant de Bataillon motoris�, il participe � la d�marche qui mit fin � la guerre du Sahara. En 1984, commandant de la 6e R�gion militaire, il joue un r�le de premier plan au sein du Comit� militaire de Salut national. De 1985 � 2005, directeur g�n�ral de la S�ret� nationale, il joue un r�le d�terminant dans la gestion des grandes crises que traverse le pays et parvient � neutraliser les tentatives de coup d�Etat infructueuses qui se succ�dent. En 2005, face � l�impasse politique o� se trouve la Mauritanie, le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall d�cide, avec un certain nombre d�officiers constitu�s en Comit� militaire pour la justice et la d�mocratie, d�initier le changement qui devait conduire la Mauritanie sur la voie de la d�mocratie et de l�alternance. Le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall conduit, avec ma�trise, la p�riode de transition d�lib�r�ment dont il r�duit m�me la dur�e. Il engage d�importantes r�formes, notamment l�amendement de la Constitution pour limiter le nombre des mandats pr�sidentiels et garantir ainsi l�alternance pacifique au pouvoir. Il m�ne d�autres actions importantes comme la r�forme de la justice, la lutte contre la corruption, le r�tablissement des �quilibres macro�conomiques et la mise en �uvre de projets �conomiques structurants. Toutes ces r�formes qui ont permis de r�tablir la confiance avec les partenaires au d�veloppement ont permis l�annulation de la dette multilat�rale de la Mauritanie. Apr�s l��lection pr�sidentielle qui se d�roule dans une transparence parfaite, attest�e par les observateurs nationaux et �trangers et � laquelle il refuse d�lib�r�ment de prendre part, le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall prend ses distances avec la politique et se consacre � ses activit�s dans le cadre des fondations dont il est membre. Il s�agit de la Fondation arabe pour la d�mocratie que pr�side l��pouse de l��mir du Qatar o� il c�toie d��minentes personnalit�s � l�image de l�ancien secr�taire g�n�ral des Nations-Unies, l�ancien pr�sident soudanais, les anciens Premiers ministres de la Culture et de la Science. Il s�agit aussi de la Yasser Arafat Foundation et de la Fondation Jacques Chirac qui compte de grands noms tels Abdou Diouf, Kofi Annan et l�ancien Premier ministre canadien Jean Chr�tien. Le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall est, �galement, membre du comit� d�honneur de l�Institut de prospective �conomique du monde m�diterran�en (Ipemed) aux c�t�s de Felipe Gonzalez, Joschka Fischer, Hubert V�drine, Alain Jupp� et Mouloud Hamrouche. Le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall consacre l�essentiel de son temps � participer aux nombreux s�minaires et colloques internationaux organis�s en Afrique et en Europe et o� il est invit� pour donner des conf�rences. De m�me, il est sollicit� par des organisations internationales telles que l�Organisation internationale pour la francophonie (OIF) pour des missions de m�diation. Le pr�sident Ely Ould Mohamed Vall a fait l�objet de plusieurs distinctions nationales et internationales. Il est mari� et p�re de huit enfants.
Mohamed Chafik Mesbah : Ayant publiquement exprim� ma sympathie pour l�exp�rience de transition d�mocratique que vous avez dirig�e en Mauritanie, la rigueur professionnelle m�impose d�observer un minimum de recul au cours de cet entretien. Je vais, fatalement, �tre incisif dans le contenu des questions que je vais vous poser et, parfois, ind�licat dans leur �nonc�. Acceptez-vous cette r�gle ?
Pr�sident Ely Ould Mohamed Vall : Je vous remercie pour la marque de sympathie que vous avez t�moign�e � l�endroit de la transition d�mocratique que notre pays a v�cue. Tous les professionnels, comme vous, ont unanimement reconnu les efforts consentis par le peuple mauritanien au cours de cette p�riode ainsi que les �tapes d�cisives qu�il a franchies sur la voie d�mocratique. Pour ce qui est des r�gles de l�entretien, je n�ai pas pour habitude d��riger des rambardes pour le d�bat, et j�ai toujours eu une pr�f�rence pour les �changes � b�tons rompus.
En fait, comment faut-il s�adresser � vous ? Colonel ou pr�sident Ould Mohamed Vall ? Pourquoi cette appellation et pas l�autre ?
Comme vous le savez, dans toutes les arm�es du monde, le grade de l�officier est sa propri�t� et il le conserve toute sa vie. Je resterai toute ma vie colonel, nomm� dans des conditions juridiques pr�cises et ne pourrai perdre ce statut que par une mesure prise dans des conditions juridiques similaires. Je conserve donc ce titre. Par ailleurs, durant la transition d�mocratique mauritanienne de 2005-2007, j�ai �t� pr�sident du Conseil militaire pour la justice et la d�mocratie (CMJD), chef de l�Etat mauritanien et, de ce fait, je porte �videmment le titre de pr�sident. Par �gard et par respect � mon pays et � mon peuple, ce titre s�impose quand il s�agit de s�adresser � ma personne.
En vous replongeant dans les premi�res ann�es de votre vie, de l�enfance nomade jusqu�� vos premiers pas dans la cit�, pouvez-vous affirmer que vous r�viez, un jour, de pr�sider aux destin�es de la Mauritanie ? Ma petite enfance, je l�ai v�cue alors que mon pays �tait sous domination �trang�re. Et je pense que les seuls souvenirs de cette p�riode portent exclusivement sur cette domination, m�me si je n�en avais pas une conscience politique tr�s �labor�e. La domination �tait l�, vivement ressentie parce que l�administration �trang�re a toujours �t� v�cue, chez nous, comme une anomalie. La seconde phase correspond � la p�riode o� je devais entrer � l��cole, � la faveur du d�placement de ma famille vers la ville. Cette phase a commenc� pour moi en 1960. Cette ann�e a �t� plus que symbolique : je m��tablissais dans un environnement urbain, j�acc�dais � l��cole et mon pays devenait ind�pendant. Ces trois �v�nements, au cours d�une m�me ann�e, ont suscit� chez moi une nouvelle conscience. Je pense qu�� l��poque la seule ambition qui m'habilitait, et que nourrissaient probablement l�ensemble de mes camarades, �tait de voir notre pays s��difier, se construire et se d�velopper, et ce, en d�pit des conditions de d�nuement dans lesquelles il a acc�d� � la souverainet�. Nos ambitions individuelles, � l��poque, �taient de nous pr�parer � participer activement � l'�uvre de construction qui allait alors �tre entam�e.
Quels sont les souvenirs que vous conservez de votre enfance, le milieu familial, l�environnement social, sans oublier les dures conditions de vie de l��poque ?
Les souvenirs les plus vivaces et qui restent, aujourd�hui encore, plus pr�sents dans mon esprit, sont ceux de la vie nomade. Ce mode de vie fait de vous un homme avant de faire de vous un enfant. D�s l��ge de trois ans, vous participez pratiquement � toutes les activit�s du campement : corv�e d�eau lointaine � dos de chameau, ramassage du bois de chauffe, surveillance du b�tail, etc. Cela implique pour l�enfant nomade une responsabilit� extr�mement pr�coce et une prise de conscience de son utilit� pour les autres et de son devoir vis-�-vis d�eux. Le sentiment de porter un tel fardeau, � un aussi jeune �ge, est la meilleure pr�paration pour affronter la vie et ses difficult�s ult�rieures. Je puise dans cette p�riode le souvenir profond des joies et des peines d�une existence d�humilit� qui constitue, d�j�, une �cole pour affronter toutes les adversit�s. Je me rappelle surtout ce lien fort de solidarit� et d�entraide de la communaut� nomade dont chacun des membres, dans le d�nuement le plus absolu, se prive au profit de l�autre tout en �tant s�r que celui-ci sera aussi prompt � l�aider en cas de besoin. L�id�e et la pratique ancienne d�un tel credo est d�une noblesse inou�e.
Vos attaches � la famille, plus particuli�rement � vos parents, sont-elles rest�es fortes � l��preuve du temps, je veux dire � l��preuve de l�exercice du pouvoir ?
Les liens dans notre soci�t� sont des liens d�une intensit� peu �gal�e ailleurs. Le syst�me �ducatif traditionnel mauritanien s�est toujours appuy� sur des valeurs au centre desquelles se trouve la famille. Aussi, notre �ducation, dans son acception morale, se fonde avant tout sur les valeurs musulmanes o� le respect parental rel�ve des valeurs religieuses sacr�es. Le p�re et la m�re sont l�objet d�une v�n�ration particuli�re. Et aucun Mauritanien �duqu� dans cet esprit et dans ces valeurs ne peut se comporter vis-�-vis d�eux qu�en conformit� avec ces principes, faute de quoi, il perd la consid�ration de la soci�t�. Eduqu� dans cet esprit et imbu de ces valeurs, comment voulez-vous que l�exercice du pouvoir puisse alt�rer mes rapports avec ma famille et m�me avec mes amis ?
D�une certaine mani�re, votre itin�raire illustre, parfaitement, l��volution rapide de la Mauritanie elle-m�me. Vous avez �t� conduit � passer, sans transition, du nomadisme � la vie s�dentaire lorsque votre famille s�est �tablie � Nouakchott. Cela s�est-il d�roul� sans choc pour vous ?
Incontestablement, le passage de la vie nomade � la vie citadine constitue une importante remise en cause du mode de vie. En effet, la transition d�une vie o�, comme je le notais, tout �tait collectif � une autre o� l�individu fait face, solitairement, � ses probl�mes, impose � l�enfant de r�apprendre � vivre d�une autre fa�on, de revoir sa vie au quotidien, dans ses rapports avec son environnement humain et de s�adapter au syst�me �ducatif de la cit�. Une telle transformation ne se fait ni facilement, ni ais�ment. Elle g�n�re, au contraire, beaucoup de conflits internes. En ce qui me concerne � et je pense que cela doit �tre le cas de la plupart des Mauritaniens de ma g�n�ration � j�ai essay� de concilier les valeurs nomades avec les exigences de la cit�. Les premi�res constituent les agr�gats d�une culture tr�s forte qui pr�munit contre la d�personnalisation, l�ali�nation, et permet, d�s lors, de garder les valeurs de cet Homme mauritanien qui a toujours symbolis� la force devant l�adversit� et la capacit� d�adaptation aux imp�ratifs de la vie. Les secondes constituent une passerelle vers un avenir plus s�r dans lequel notre g�n�ration voyait d�j� le pays se projeter en toute confiance et en toute s�r�nit�.
Tr�s bri�vement, c��tait quoi l��cole publique en ces temps-l� ? Quels �taient vos camarades ? Vos instituteurs ? Le programme enseign� ?
A l��poque, l��cole �tait encore un cadre o� la mixit� des enseignants �tait une n�cessit�. Au moment de son accession � l�ind�pendance, notre pays souffrait cruellement du manque d�instituteurs et de professeurs. Les premi�res �coles que j�ai fr�quent�es, en 1960 � Nouakchott, �taient anim�es par des enseignants fran�ais et mauritaniens. J�ai eu � profiter de ces deux cat�gories d�enseignants selon les classes que j�ai fr�quent�es. Le premier souvenir qui m�en est rest� est que ces enseignants �taient aussi performants les uns que les autres et qu�ils �taient d�une conscience professionnelle sans d�faut. L�instituteur se sentait particuli�rement responsable du succ�s de l��l�ve et tirait orgueil de ses performances scolaires tout comme il �prouvait beaucoup de peine face � ses �checs. L��cole de ces ann�es refl�tait parfaitement, dans la composition de ses classes et dans la mixit� gar�ons et filles, toute la diversit� de notre pays. Ce qui permettait aux cadres futurs de mieux se conna�tre et de mieux saisir le caract�re multiculturel de leur pays. La comp�tence des instituteurs et le s�rieux de l�enseignement permettaient d�envisager avec beaucoup d�optimisme l�avenir.
Et pour votre scolarit� secondaire ?
Suite � mon admission en sixi�me (premi�re ann�e du coll�ge), en 1965-1966, un camarade m�annon�a la nouvelle de l�organisation par l��tat-major � Nouakchott, d�un concours d�entr�e aux �coles militaires en France. Ces �tablissements qui permettent de pr�parer un bac fran�ais et donc la possibilit� de faire une scolarit� secondaire acad�mique tout en se positionnant, plus tard, pour l�acc�s aux grandes �coles fran�aises telles que Saint- Cyr, Ponts et Chauss�es, Navale, Polytechnique, etc. D�s cette annonce, je n�ai gu�re h�sit� ; non seulement � cause du d�sir de faire une carri�re militaire, fort consid�r�e chez nous, mais aussi en raison de l�opportunit� qu�offrent des formations aussi prestigieuses que celles pr�cit�es. De ce fait, j�ai imm�diatement particip� � ce concours auquel j�ai �t� admis avec un autre compatriote, sur une trentaine de postulants. La m�me ann�e, je rentrai � l�Ecole militaire du Mans avant d��tre r�orient� vers l�Ecole militaire d�Aix-en-Provence et enfin � l�Ecole militaire d�Autin o� j�obtenais mon baccalaur�at en 1973. Destin� � la pr�paration des grandes �coles fran�aises, la conjoncture politique, � l��poque, en d�cida autrement : l�ann�e 1972- 1973 �tait celle de la rupture des accords de coop�ration entre la Mauritanie et la France. De nouveaux accords n�ayant pas encore �t� n�goci�s, je fus r�orient� vers l�Acad�mie royale de Mekn�s au Maroc.
Comment s�est d�cid� le cours ult�rieur de votre vie ? Vous avez opt� pour la carri�re militaire parce que vous �tiez � la recherche d�un m�tier stable ou, plut�t, par ce que vous �tiez guid� par la volont� de servir au mieux la Mauritanie ?
En v�rit�, et avec le recul, je pense que ma carri�re militaire s�est confondue plut�t avec ma vie. Elle s�est impos�e � moi d�s l��ge de treize ans dans les conditions relat�es en r�ponse � votre pr�c�dente question. Le choix de cette carri�re, � l��ge o� cela s�est fait, relevait beaucoup plus d�un temp�rament personnel que d�une option consciente m�rement r�fl�chie comme unique voie pour servir le pays ; car, � l��poque, beaucoup d�autres possibilit�s de m�tiers stables s�offraient. N�anmoins, au fur et � mesure que j�avan�ais dans cette voie, il s�imposait � moi que j�avais fait le bon choix ; choix � travers lequel je r�alisais mes aspirations personnelles et la capacit� de servir mon pays � travers un m�tier que j�appr�ciais profond�ment.
D�crivez, bri�vement, les diff�rentes phases de votre formation militaire�
Sommairement, de 1966 � 1969 : l�Ecole militaire du Mans ; de 1969 � 1971 : l�Ecole militaire d�Aix-en-Provence et de 1971 � 1973 : l�Ecole militaire d�Autin et l�obtention du bac. De 1973 � 1976 : l�Acad�mie militaire de Mekn�s.
Alors que vous �tiez en formation dans les �coles militaires fran�aises, avez-vous le sentiment que la France, � travers des stagiaires africains, pr�parait, en fait, de futurs relais pour garantir la p�rennit� de sa pr�sence dans ses anciennes colonies ?
Je ne puis vous parler des arri�re-pens�es des Fran�ais. Ce que je percevais et dont je suis certain, c�est que la formation que nous avons eue fut identique � celle de nos coll�gues fran�ais. C��tait le m�me enseignement pour les uns et les autres, Africains et Fran�ais. La seconde certitude que je peux vous affirmer est que cet enseignement n�a ni influenc� ni alt�r� notre vision des d�fis de notre pays ou notre appr�ciation des probl�mes de notre continent.
Quels sont les souvenirs marquants que vous gardez de votre s�jour en France ? Avez-vous tiss� des amiti�s inoubliables ? Connu des professeurs exceptionnels ? Acc�d� � des connaissances irrempla�ables ?
Ce qui est certain, et qui par ailleurs m�a beaucoup surpris d�s les premi�res semaines de la vie commune avec les �l�ves fran�ais de mon �cole avec lesquels on vivait 24h sur 24 dans les classes, dortoirs et aires de jeu (parce que nous �tions internes), c�est de n�avoir jamais ressenti quelque rejet ou diff�rence de comportement � mon �gard ou � celui de mes compatriotes. Au contraire, j�ai �t� l�objet d�amiti� profonde avec certains d�entre eux qui n�h�sitaient pas � m�inviter en vacances chez leurs familles qui, elles-m�mes, me traitaient avec une affection et une sollicitude qui, � l��poque, me surprenaient. J�en garde encore aujourd�hui un souvenir imp�rissable. S�agissant des professeurs, excellents en g�n�ral, certains d�entre eux �taient exceptionnels non seulement au vu de leur capacit� � dispenser le savoir mais aussi et surtout par leur souci de s�assurer que chacun de nous en aura tir� le maximum. Et c�est pourquoi ces �coles militaires obtenaient, dans leurs acad�mies respectives, les meilleurs r�sultats au baccalaur�at. �videmment, la constance, la discipline, la rigueur et l�engagement de ce corps professoral, ainsi que sa disponibilit�, permettaient d�acqu�rir un niveau souvent in�gal� dans des �coles de m�me vocation.
A l�issue de votre formation en France, comment s�est d�roul�e votre r�insertion au sein de l�arm�e mauritanienne ?
A la fin de mon s�jour dans les �coles fran�aises, comme j�ai eu � vous le dire dans mes pr�c�dentes r�ponses, ma formation militaire n��tait pas encore achev�e et, par cons�quent, j�ai poursuivi aussit�t ma formation militaire � l�Acad�mie militaire de Mekn�s. C�est au terme de ma formation d�officier � Mekn�s que j�ai int�gr� l�Arm�e mauritanienne, au grade de sous-lieutenant d�active.
Est-ce vous qui aviez choisi d�effectuer un stage compl�mentaire � l�Acad�mie militaire de Mekn�s ? Quelle �tait la nature de ce stage ? Quels souvenirs en gardez-vous ?
Comme j�ai eu � l�expliquer pr�c�demment, � l�issue de l�obtention de mon bac dans les �coles fran�aises, je devais, en suivant ce cursus, faire imm�diatement le cours pr�paratoire pour les grandes �coles fran�aises. Or, l�ann�e de l�obtention de mon baccalaur�at correspondant � la rupture des accords de coop�ration entre la France et la Mauritanie, j�ai d� �tre orient� � l�Acad�mie de Mekn�s qui, � l��poque, formait les officiers marocains. On y entrait apr�s le baccalaur�at et apr�s trois ann�es de formation militaire on en ressortait sous-lieutenant d�active. L�Acad�mie de Mekn�s �tait une �cole d�excellence par son encadrement d�officiers tri�s sur le volet, par son programme �toff�, par la rigueur de la discipline qui y r�gnait et par le niveau de connaissances qui y �taient dispens�es afin de pr�parer les officiers au m�tier des armes. Nous y avons acquis le go�t de l�effort, du d�passement de soi et de l�amour du m�tier.
C�est � la faveur de ce stage que vous aviez entrepris des �tudes de droit � l�universit� de Mekn�s. Quelle �tait votre motivation alors ?
Les �tudes de droit � l��cole de Mekn�s n��taient pas un choix personnel. L�ann�e de notre arriv�e � Mekn�s correspondait � une r�forme de l�enseignement de l�acad�mie qui consistait � introduire le droit dans la formation des officiers. Cette r�forme a co�ncid� avec notre entr�e � l�acad�mie et nous avons simplement us� de cette opportunit� qui s�offrait � nous.
De retour en Mauritanie, vous avez �t�, aussit�t, happ� par les hostilit�s ouvertes avec l��clatement du conflit du Sahara occidental. Sur la ligne de front, alors que vous commandiez des unit�s op�rationnelles, quel �tait votre �tat d�esprit ?
C�est l��tat d�esprit de tout jeune officier plein de conviction pour son pays et pr�t � le servir jusqu�au bout, sans se poser de question.
Il est bien connu que c�est � la faveur de cette pr�sence sur le terrain op�rationnel que se nouent des liens les plus puissants entre le chef militaire et la troupe. Quels �taient, alors, vos rapports � vos subordonn�s ?
Dans les circonstances exceptionnelles comme la guerre, et particuli�rement sur le front, il se noue toujours un sentiment de destin commun entre le commandant et le command�. Il se d�veloppe alors chez le chef un souci permanent de faire accomplir � sa troupe son devoir tout en essayant qu�elle subisse le moins de d�g�ts possibles. Seule la combinaison de l�autorit� militaire et de l�ascendant moral peut produire la confiance n�cessaire � l�accomplissement de cet objectif. Une fois cette confiance obtenue, la relation avec les hommes s�humanise, l�ob�issance s�automatise et le respect s�impose de lui-m�me.
A ce propos, de nombreux officiers mauritaniens ont �t� form�s en Alg�rie, notamment au sein de l�Acad�mie militaire interarmes de Cherchell. Comment appr�ciez-vous la formation qui leur a �t� dispens�e ?
L�arm�e mauritanienne avait en son sein des officiers form�s dans plusieurs pays tels la France, l�Alg�rie, le Maroc ou le Cameroun. Nous ne jugions jamais un officier � la lumi�re de son lieu de formation. Seule la capacit� et la qualit� de ces officiers �taient prises en consid�ration. A vrai dire, � l�instar de tous les autres officiers form�s ailleurs, ceux qui �taient issus de Cherchell comptaient d�excellents officiers, des bons et des moins bons. L�important r�side, ailleurs, dans la disponibilit� manifest�e par l�Alg�rie � apporter sa coop�ration � l�arm�e mauritanienne.
Vous avez acc�d�, plus tard, � des commandements r�gionaux, notamment celui dont d�pendait, territorialement, la capitale Nouakchott. En quoi consiste un commandement r�gional ? Est-ce une responsabilit� purement militaire ou une charge mixte politico-militaire ?
Au moment o� j�ai acc�d� au commandement d�une r�gion militaire, c��tait la septi�me r�gion militaire qui �tait limitrophe de Nouakchott. Je venais d��tre nomm� capitaine. La nomination � la t�te de cette r�gion m�int�grait officiellement au Comit� militaire de salut national (CMSN) qui �tait l�instance dirigeante du pays � l��poque (NDLR : le CMSN � connu sous le nom du Comit� militaire de redressement national (CMRN) jusqu�au 6 avril 1979 � avait �t� mis en place � la suite du coup d�Etat du 10 juillet 1978 par lequel l�arm�e avait d�pos� le pr�sident Mokhtar Ould Daddah). C��tait en 1982. En cons�quence, j��tais � la fois membre du CMSN, organe dirigeant du pays, et pr�sident de la Commission r�gionale du Trarza.
Un commandant de r�gion militaire est conduit, forc�ment, � entretenir des rapports avec les autorit�s civiles. S�agit-il de rapports de subordination ?
Comme j�ai eu � l�indiquer, le commandant de R�gion militaire �tait la premi�re personnalit� politique de la r�gion du fait de son appartenance au CMSN et de son statut de pr�sident de la Commission r�gionale des structures d'�ducation des masses (SEM). Premi�re personnalit� militaire et politique, il commande donc les autorit�s civiles et militaires de la r�gion.
Le commandant de r�gion militaire est-il en contact avec la population ? Sous quelle forme ?
En tant que pr�sident de la Commission r�gionale des SEM, il est le chef de l�organe politique local en m�me temps que pr�sident du Conseil r�gional en charge de l��laboration du budget de la r�gion et du contr�le de son ex�cution. Par cons�quent, il �tait totalement impliqu� dans la gestion politique et �conomique de la r�gion du fait qu�il pr�side ces deux instances.
Faut-il consid�rer que l�exercice de commandements r�gionaux vous a pr�par� � prendre la part qui fut la v�tre dans le renversement du pr�sident Mokhtar Ould Daddah ?
A l��poque du renversement du d�funt pr�sident Mokhtar Ould Daddah, je n��tais pas commandant de r�gion mais commandant de sous-groupement (Bataillon motoris�) sur le front, au nord du pays. Ce n�est qu�� ce titre que j�ai pris part au changement survenu le 10 juillet 1978.
Les griefs adress�s au fondateur de la Mauritanie moderne, �taient, donc, � ce point graves qu�ils justifiaient un coup d�Etat militaire ?
Probablement. Au moment du changement, ce syst�me �tait arriv� aux limites de ses capacit�s. Le pays �tait ruin� et politiquement en d�liquescence. Il a bien fallu rem�dier � cela.
Ce qui guidait les officiers qui renvers�rent le pr�sident Ould Daddah, �tait-ce une ambition de pouvoir ou une volont� de redressement national ?
Je pense sinc�rement que c��tait la n�cessit� d�assainissement.
Apr�s le renversement du pr�sident Ould Daddah, quelles responsabilit�s avez-vous exerc�es ?
Au moment de son renversement, j��tais commandant de sous-groupement (Bataillon motoris�), puis commandant du quartier g�n�ral � l��tat-major national. Ensuite, commandant-adjoint de la 2e R�gion militaire (Zou�rate), commandant de la 7e R�gion militaire (Trarza), commandant de la 6e R�gion militaire (Nouakchott) puis directeur g�n�ral de la S�ret� nationale.
Comment expliquez-vous la p�riode d�instabilit� qui a suivi le renversement du pr�sident Ould Daddah avec ses coups d�Etat � r�p�tition ?
Je pense qu�il faut rappeler le contexte de ces �v�nements. Notre pays venait de sortir d�une guerre de trois ans, une guerre ruineuse. Le pays �tait largement d�labr� : faillite �conomique, stagnation des infrastructures et blocage politique. A l�issue de cette situation, l�arm�e acc�dait au pouvoir sans exp�rience et dans un contexte politique particuli�rement exacerb� aussi bien � l�int�rieur qu�� l�ext�rieur. Les tentatives d�immixtion de l��tranger se manifestaient quotidiennement et les tenants de l�ancien r�gime continuaient � contrecarrer en permanence les efforts de l�arm�e ; d�o� cette situation d�instabilit� qui devenait effectivement chronique.
Apr�s l�arriv�e du colonel Maaouya Ould Sid�Ahmed Taya � la t�te de l�Etat mauritanien, vous avez eu � diriger sans interruption, vingt ans durant, la Direction g�n�rale de la S�ret� nationale. C��tait bien l� un poste d�observation privil�gi� pour suivre le cours des choses en Mauritanie, l��volution des institutions comme de la soci�t�
Ce poste de directeur g�n�ral de la S�ret� nationale �tait certes un poste privil�gi� qui permettait de conna�tre les tenants et les aboutissants de ce qui se passait dans le pays ainsi que ses raisons.
A c�t� des missions classiques de maintien de l�ordre public, la Direction de la S�ret� nationale comportait une branche sp�cialis�e que les Mauritaniens d�nomment volontiers �Police politique�. Assumez-vous le bilan de cette structure ou bien d�gagez-vous votre responsabilit� car cette �police politique� aurait relev�, directement, du pr�sident Ould Taya ?
Cette d�nomination n�a jamais exist�, ni dans un tel esprit ni en pratique. La Direction g�n�rale de la S�ret� Nationale comportait, certes, les structures traditionnelles de toutes les directions de la S�ret� dans le monde et dont une direction de la S�ret� de l�Etat. C�est � cela que vous pensez peut-�tre. La mission de cette direction �tait donc de lutter contre la d�stabilisation int�rieure et ext�rieure du pays, � l�instar de toutes les autres directions similaires de par le monde. Elle d�pendait bien du directeur g�n�ral et par cons�quent j�assume parfaitement toute action qu�elle aurait entreprise r�ellement.
Vous assumez, donc, la conscience sereine, le bilan de votre passage � la t�te de la Direction g�n�rale de la S�ret� nationale ?
Absolument.
Nous aurons l�occasion d�y revenir. Effleurons, cependant, la question. Aviez-vous conscience, � la fin, par votre qualit� de directeur g�n�ral de la S�ret� nationale que la situation en Mauritanie �tait devenue intenable ?
Je pense qu�il n��tait plus n�cessaire d��tre directeur g�n�ral de la S�ret� nationale pour se rendre compte que la situation n��tait plus tenable. En tant que directeur g�n�ral de la S�ret� nationale, je savais, au moins depuis deux ans avant le changement d�ao�t 2005, qu�elle l��tait.
En tant que directeur g�n�ral de la S�ret� nationale, continuez-vous toujours � �tre un officier d�active ?
Oui. J�ai toujours �t� un officier d�active de l�arm�e nationale et le demeure. J�ai exerc� la fonction de directeur g�n�ral de la S�ret� nationale dans le cadre d�une mission pour laquelle j�avais �t� d�tach�.
Voici une question embarrassante. Ce n�est point le produit d�un hasard, apr�s tout, si vous avez pr�sid� le Comit� militaire pour la justice et la d�mocratie qui a renvers� le pr�sident Ould Taya. En toute s�r�nit�, quels sont les traits de votre personnalit� ou les �pisodes de votre itin�raire professionnel qui vous pr�disposaient � cette responsabilit� ?
Je pense que si, � l�unanimit�, mes coll�gues m�ont d�sign� pr�sident de cette instance, cela ne peut �tre que le r�sultat de nos rapports b�tis depuis toujours sur une confiance sans faille. Confiance dans la capacit� de diriger cette instance avec ce que cela suppose comme d�fis dans tous les domaines, mais aussi la confiance de chacun d�entre eux en ma personne.
Je ne vais pas vous forcer � d�voiler ce qui rel�ve, peut-�tre, du secret d�Etat. Mais l��criture de l�histoire a ses exigences. Dans quelles conditions � entendez conditions politiques et organisationnelles � les artisans du renversement du pr�sident Ould Taya ont convenu d�intervenir ?
Je pense que l�id�e �tait suffisamment m�re depuis longtemps. L��tat d�esprit de l�essentiel des officiers de l�arm�e �tait la certitude que cela �tait n�cessaire depuis quelque temps. Il restait seulement � d�finir le moment et l�opportunit�, et c�est cela qui a �t� d�cid� le 3 ao�t.
Pourquoi, pour �voquer l��pisode du 3 ao�t 2005, pr�f�rez-vous l�expression �changement� � celle de �coup d�Etat� ?
Pour une raison tr�s simple. Ce qui s�est pass� le 3 ao�t s�est produit avec l�unanimit� des forces arm�es et de s�curit�, sans avoir tir� un seul coup de feu, ni d�cid� une seule minute de couvre-feu, ni proc�d� � une seule arrestation. Voil� en ce qui concerne la partie militaire. Pour ce qui est de l�aspect civil, le gouvernement qui �tait en place a continu� � diriger le pays pendant cinq jours sous mon autorit�, sans qu�il y ait la moindre rupture dans la direction des affaires du pays. Par ailleurs, les partis politiques et les syndicats, aussi bien du pouvoir que l�opposition, ont salu� et soutenu ce changement. La concorde dont a fait preuve notre nation durant ces jours-l� prouve bien que ce changement n�a pas �t� men� contre la volont� de notre pays et de notre peuple. Ce qui n�a pas �t� fait contre la volont� du pays et du peuple ne peut pas �tre appel� coup d�Etat. Croyez-moi, ce n�est pas simplement une question de rh�torique. L��lan d�adh�sion et l�unanimit� qui ont accompagn� l�ensemble du processus de la transition jusqu�� la mise en place des institutions d�mocratiques sont les gages, non d�une canonnade, mais d�une harmonie nationale retrouv�e.
Revenons, � pr�sent, de mani�re plus prolong�e sur la situation qui pr�valait en Mauritanie � la veille du renversement du pr�sident Ould Taya. C�est bien une situation de crise politique et institutionnelle qui pr�dominait. Comment l�expliquez-vous ?
Le pouvoir qui �tait en place �tait vieux de deux d�cennies. Vingt ans durant lesquels le pays a �t� dirig� de la m�me fa�on, toujours plus personnalis�e. Durant cette p�riode, les nombreuses crises qui s�vissaient n�ont trouv� aucune r�ponse politique ad�quate. La situation �conomique continuait � s�aggraver en raison justement de ces crises politiques. L�opposition n�avait aucune perspective du fait qu�elle �tait atomis�e et qu�elle �tait r�duite � sa plus simple expression. Le pays �tait dans une situation d�incertitude politique et �conomique permanente. Il �tait isol� politiquement, fragilis� � l�int�rieur et subissait des tentatives de d�stabilisation de l�int�rieur et de l�ext�rieur. Les Mauritaniens ne savaient plus de quoi serait fait leur lendemain. Telle �tait la situation du pays � la veille du 3 ao�t.
Passons sur les scrutins �lectoraux qui expriment fort peu, en nos pays, la r�alit� des aspirations populaires. Il est convenu, en effet, que la population mauritanienne, malgr� ses pr�ventions contre le r�gime, semblait totalement r�sign�e. Quelle appr�ciation faites-vous de l��tat d�esprit de la population en ce temps-l� ?
Il faut rappeler que depuis son ind�pendance, notre peuple n�a jamais eu l�occasion de g�rer sa destin�e. Au lendemain de l�ind�pendance, le parti unique qui �tait en place et, plus tard, les r�gimes militaires qui se sont succ�d� ont toujours d�cid� � la place des citoyens mauritaniens. Cette infantilisation de notre peuple et le fait de l�avoir habitu� � avaliser toutes les solutions, bonnes ou mauvaises, con�ues sans le consulter, le mettaient dans une situation de r�signation permanente qui lui �tait toute vell�it� de volont� et d�initiative. Cet �tat de fait le mettait dans une situation de fatalisme.
Les observateurs s�accordent � dire, �galement, que la situation �conomique �tait alors stagnante avec, en corollaire, une tendance effr�n�e � la corruption de l�entourage du chef de l�Etat d�chu�
Il est �vident que les gestions politique et �conomique opaques d�un pays ne peuvent produire que des effets n�gatifs. L�absence totale de transparence dans la gestion du pays conduit immanquablement vers la d�fiance des acteurs �conomiques nationaux et internationaux, une d�structuration de l��conomie et l�apparition de ph�nom�nes pervers telles la corruption et la pr�varication.
La politique ext�rieure de la Mauritanie �tait marqu�e, �galement, par des revirements spectaculaires qui frisaient l�incoh�rence diplomatique. Appui ostensible � l�Irak de Saddam Hussein puis �tablissement de relations diplomatiques avec Isra�l, en particulier. Cette dimension diplomatique a-t- elle �t� incluse dans votre �valuation de la situation ? A-t-elle a pes� sur votre d�cision d�intervenir ?
Je crois qu�il faut d�abord vous apporter un �clairage par rapport � vos affirmations relatives � l�appui de la Mauritanie � l�Irak et � ses relations avec Isra�l. Pour ce qui est de l�Irak, par honn�tet� intellectuelle, je voudrais souligner, et sans ambages, que notre pays n�a jamais soutenu l�Irak lors de son invasion du Kowe�t en 1990- 1991. La position de notre pays �tait claire et sans �quivoque aussi bien au sein de la Ligue arabe qu�aux Nations-Unies. Elle a �t� r�it�r�e maintes fois aux pays arabes. Nous ne pouvons accepter l�invasion d�un pays ind�pendant et souverain et, par cons�quent, notre pays n�a jamais �t� l�alli� de l�Irak dans cette perspective, ni cautionn� que l�Irak se comporte de cette mani�re � l��gard du Kowe�t. Le quiproquo qui a �t� entretenu � l��poque �tait d� au fait que la Mauritanie a continu� � esp�rer que cette question puisse �tre r�gl�e dans un cadre arabe et �viter ainsi une internationalisation qui, in�luctablement, allait imposer d�autres agendas politiques. C�est cette m�me position que la Mauritanie a adopt�e et solennellement affirm�e � la Ligue arabe, aux Nations-Unies et aux pays qui furent directement concern�s par ce conflit. Face � l�ent�tement du r�gime irakien, une coalition se pr�parait � prendre en charge le probl�me en question. Bien qu�oppos�e � l�invasion du Kowe�t et en faveur de sa lib�ration, la Mauritanie craignait tout autant la destruction de l�Irak ; une destruction qu�elle estimait possible en cas d�invasion de ce pays par une coalition. Ce double souci que fut, d�une part, la lib�ration du Kowe�t et le respect de sa souverainet� et, d�autre part, la non-invasion de l�Irak par la coalition, n�ayant pu �tre concili�, la Mauritanie est rest�e soucieuse de pr�server, autant que pouvait se faire, l�int�r�t de ces deux pays fr�res. C�est pourquoi j�estime que dans ce cas, le souci et l�attitude politique de la Mauritanie n�ont souvent pas, � l��poque, �t� bien compris par les uns et les autres. Les sentiments, dans ce cas, semblent l�avoir emport� sur la raison. J�estime honn�tement que notre pays a essay� de g�rer � l��poque une contradiction difficile, sans parti-pris, m� par l�unique souci de pr�server les int�r�ts de ces deux peuples parce que le malheur d�aucun d�eux ne saurait faire le bonheur de l�autre et encore moins celui de la nation arabe. C�est pourquoi j�estime que sur ce plan-l�, notre politique �tait raisonnable, coh�rente et constructive, mais peut �tre �tait-elle mal expliqu�e et mal comprise.
Le bilan du Comit� militaire pour la justice et la d�mocratie semble pr�senter, cependant, une faille aux yeux du peuple mauritanien qui aurait souhait� voir �tre interrompues les relations diplomatiques avec Isra�l. Vous vous �tes abstenu de le faire parce que la question ne figurait pas dans vos priorit�s ou bien parce que vous craigniez qu�Isra�l et ses alli�s ne compromettent l�exp�rience de transition d�mocratique en cours ?
Je pr�f�re aborder la question sous un autre angle de vue. Depuis son ind�pendance, la Mauritanie n�a cess� d��tre � l�avant-garde du combat arabe pour la lib�ration de la Palestine et du combat palestinien pour la cr�ation de l�Etat de Palestine. Elle s�est investie dans cette perspective de toutes les forces de son �me et n�a jamais m�nag� aucun effort diplomatique ni positionnement politique par rapport � cette question. Elle s�est fait un devoir sacr� de d�fendre les positions politiques de l�Organisation de lib�ration de la Palestine (OLP) qui est reconnue par la Ligue arabe comme �tant repr�sentant l�gitime unique du peuple palestinien. Tant que la position de l�OLP et de tous les pays arabes �tait la lib�ration par la force de la Palestine, la Mauritanie y a souscrit, a d�fendu cette position et a soutenu l�OLP dans cette perspective contre vents et mar�es. Lorsque l�OLP et la Ligue arabe ont opt� pour la solution pacifique n�goci�e comme moyen de r�glement de la question palestinienne, mue par les m�mes consid�rations de soutien � l�OLP, la Mauritanie s�est align�e sur la position de cette organisation qui est le repr�sentant l�gitime unique du peuple palestinien. Faut-il rappeler que l�OLP, dans le cadre du trait� d�Oslo, a reconnu l�Etat d�Isra�l et a �tabli des relations avec lui, et qu�un certain nombre de pays arabes ont adopt� la m�me ligne ? La Mauritanie, apr�s analyse de cette situation, a estim� qu�il �tait plus logique, dans la mesure o� l�on se positionne dans une perspective de paix n�goci�e et de reconnaissance mutuelle, de reconna�tre l�Etat d�Isra�l et d��tablir avec lui des relations afin de renforcer cette dynamique constructive. Soyons donc clair : cette position n�a �t� dict�e � la Mauritanie ni par un int�r�t particulier quelconque, ni par un calcul politique dont elle attendrait des dividendes. C�est une position d�lib�r�ment choisie en toute souverainet� pour contribuer � l�acc�l�ration du processus de paix n�goci�e dans le seul int�r�t du peuple palestinien. Il ne s�agit aucunement de revirement mais plut�t d�une position logique, d�sint�ress�e � je dirais m�me courageuse � et susceptible de contribuer � aider � la r�solution des probl�mes du monde arabe dont nous sommes partie prenante. Je vous confirme, par cons�quent, qu�il n�existe aucune raison qui pousserait � revoir la position de la Mauritanie sur cette question.
Pensez-vous que le renversement du pr�sident Ould Taya aurait �t� possible sans la parfaite coh�sion de l�arm�e mauritanienne qui s�est mobilis�e autour du Comit� militaire pour la justice et le d�veloppement ?
Certainement pas.
Comment expliquez-vous cette coh�sion parfaite ? Par les origines sociales des chefs militaires mauritaniens ? Par leur itin�raire de formation ? Par leur proximit� avec le peuple et l�oreille d��coute qu�ils pr�tent � ses aspirations ?
Je voudrais, en tant que membre de cette institution qui a particip� d�une mani�re ou d�une autre � tous les changements qu�elle a op�r�s dans le pays, affirmer que tous ces changements n�ont �t� mus par aucun souci d�ambitions politiques de l�institution, mais plut�t par le d�sir de rectifier les d�rives gravissimes dans la gestion du pays et qui, malheureusement, ont souvent failli l�entra�ner vers des perspectives hasardeuses. C�est pourquoi je pense pouvoir vous r�pondre sans me tromper que le patriotisme de l�encadrement de l�arm�e mauritanienne, son souci de la p�rennit� du pays et son sens du devoir ont �t� toujours le moteur de l�action entreprise par cette institution dans le seul int�r�t de la nation.
Nonobstant cette coh�sion de l�arm�e mauritanienne qui peut �tre contest�e, les observateurs s�accordent � dire que votre charisme personnel a permis de d�passer les clivages au sein de la hi�rarchie militaire. Confirmez-vous ?
S�agissant du changement du 3 ao�t, je pense que la confiance de mes coll�gues en moi a certainement beaucoup pes�. Mais cela, � lui seul, n�est pas toujours suffisant. Je suis certain que leur propre sens de responsabilit� et la conscience qu�ils ont de servir les int�r�ts supr�mes de la nation leur permettent le d�passement n�cessaire de tous les petits probl�mes du quotidien pour privil�gier le sens du devoir dans l�accomplissement de leur mission.
Du point de vue de l�analyse politique, faut-il consid�rer que le renversement du pr�sident Ould Taya a �t� l'�uvre exclusive de l�arm�e mauritanienne ou qu�elle en a �t�, plut�t, le catalyseur ?
La situation politique qui pr�valait dans le pays �tait consid�r�e par l�ensemble de la nation mauritanienne, arm�e et peuple confondus, comme �tant d�une extr�me dangerosit� et qu�elle pouvait d�boucher, � tout instant, sur l�implosion de notre pays. Forte de ce sentiment et imbue de ce devoir de responsabilit� dont elle ne s�est jamais d�partie, l�arm�e mauritanienne n�a pas h�sit� � d�bloquer la situation politique du pays. Elle seule, en ce moment-l�, pouvait le faire dans l�ordre et la s�r�nit�, sans risque de d�rapage.
Je vous avais averti que je risquais d��tre impertinent. En voil� la preuve. Vraiment, aucune influence �trang�re n�a pes� dans la d�cision du renversement du pr�sident Ould Taya ?
Je n�en veux pour preuve que le toll� international provoqu� durant les premi�res semaines par ce changement. Voyez les condamnations des Etats-Unis, de l�Union europ�enne, de l�Union africaine et bien d�autres organisations. Par ailleurs, les principaux pays partenaires ont suspendu leur coop�ration �conomique avec notre pays durant presque quatre mois. Il aura fallu la volont� in�branlable des Mauritaniens et leur engagement dans le processus pour que ces pays r�visent leur position. Ce qui s�est pass� a �t� l'�uvre exclusive des Mauritaniens, sans aucune influence ext�rieure.


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