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A FONDS PERDUS
La revanche de Galbraith
Publié dans Le Soir d'Algérie le 26 - 08 - 2008


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Il est rassurant de lire que nous ne sommes pas les seuls sur cette terre � ne pas savoir de quoi sera fait demain. Le FMI est aussi inquiet qu�incapable de pr�voir quoi que ce soit, les banques centrales ne savent plus o� donner de la t�te, les politiques sont d�sarm�s, le climat des affaires est morose et la croissance se fait d�sirer depuis l��croulement, le 11 ao�t 2007, du march� des pr�ts interbancaires.
Dans une allocution intitul�e �Regard sur le paysage �conomique mondial et le r�le du dollar �, John Lipsky, son premier-directeur g�n�ral adjoint, a d�clar�, le 22 juillet dernier � Washington, que �la chute des prix des actifs sur de nombreux march�s- cl�s, la flamb�e des prix de l��nergie et des produits de base, qui attise l�inflation et une croissance mondiale en berne, rendent difficile le choix d�une strat�gie�(*). �Il est d�autant plus d�licat de r�agir � ce ralentissement que l�augmentation des prix des produits de base risque d�avoir des effets secondaires et que les tensions � l��uvre sur les march�s financiers ne se rel�chent pas. Ceci �tant dit, il faut suivre de tr�s pr�s les pressions inflationnistes, car tout progr�s �conomique serait s�rieusement compromis si les victoires remport�es ces dix derni�res ann�es contre l�inflation �taient r�duites � n�ant�, a ajout� M. Lipsky. Dans de nombreux pays �mergents majeurs, la lutte contre l�acc�l�ration de l�inflation, caus�e � la fois par une forte demande int�rieure et l�envol�e des prix des produits de base, est, en effet, au c�ur des pr�occupations. De nombreuses banques centrales ont relev� leur taux directeur en r�action � la progression de l�inflation, mais, en g�n�ral, les taux d�int�r�t sont rest�s n�gatifs en termes r�els, notamment dans les pays o� la gestion du taux de changes a limit� la souplesse de la politique mon�taire. Il a aussi soulign� que les conditions du march� financier restaient difficiles : �La fermet� face aux turbulences financi�res et les progr�s de la recapitalisation bancaire sont des d�veloppements encourageants, mais les indicateurs montrent que le cr�dit continue de se d�grader � mesure que les conditions �conomiques s�affaiblissent.� Mais le pire reste � venir du c�t� de la crise financi�re. Il y aura encore des morts, disait mardi dernier Kenneth Rogoff, l'ancien �conomiste en chef du FMI. Dans une allocution prononc�e le 24 juin 2008 au Parlement europ�en, James K. Galbraith (**) � un lib�ral sympathique, car �tre lib�ral aux Etats- Unis, c�est �tre � contrecourant de l�orthodoxie conservatrice, c�est �tre de gauche � estime que sous l�impact des implications th�oriques de la crise financi�re �clat�e en 2007, �l�h�ritage de Milton Friedman tombe en ruines, et les avatars du mon�tarisme tombent dans le ridicule. C�est le cas �galement du �nouveau consensus mon�taire � � qui se r�clame, lui aussi, de l�h�ritage intellectuel du mon�tarisme �, �rig� jusqu�� r�cemment au rang de fondement intellectuel des banques centrales modernes�. Le sort r�serv� par l�histoire �conomique au mon�tarisme de Friedman est fort peu enviable, de l�avis de l�auteur de l�allocution. L�argumentaire de Galbraith et sa farouche croisade contre le mon�tarisme m�ritent d'�tre r�v�l�. Une Histoire mon�taire des Etats-Unis 1867-1960, livre publi� en 1963 par Milton Friedman et Anna Jacobson Schwartz, avait un message simple : le march� est infaillible, seul le gouvernement se trompe. Sa parution allait �clipser des programmes universitaires La Th�orie g�n�rale de l�emploi, de l�int�r�t et de la monnaie, de John Maynard Keynes (1936). Milton Friedman et Anna Jacobson Schwartz, dont la doctrine reste aux fondements de toutes les id�ologies des banques centrales, y affirment que l�effondrement �conomique de 1929-1933 avait �t� le r�sultat du d�r�glement du m�canisme mon�taire du pays et que �la contraction est en r�alit� une preuve tragique de l�importance des forces mon�taires�. L�id�e centrale est que �l�inflation est partout et toujours un ph�nom�ne mon�taire�, ce qui signifie que la monnaie et les prix sont li�s. Friedman croyait surtout que la monnaie �tait une variable politique, une quantit� que la banque centrale pouvait cr�er ou d�truire � volont�. Galbraith la r�sume par l��quation suivante : �Cr�ez-en trop, et vous relancez l�inflation ; cr�ez-en trop peu, et l��conomie risque de s�effondrer. Il s�ensuit que le bon dosage entra�ne le bon r�sultat : des prix stables, avec pour corollaire ce que Friedman appelait le taux naturel de ch�mage. Ce raisonnement avait pour but de soutenir sa proposition clef : un march� lib�r� de toute entrave est intrins�quement stable. Dans l�Evangile selon Friedman, le gouvernement est le serpent, l�intrus dans le jardin d��den, et la politique doit avant tout laisser l��conomie suivre son cours.� Pendant plusieurs d�cennies, les seuls variables en vogue �taient : la politique mon�taire, le �taux naturel de ch�mage� et l�id�e que la lutte contre l�inflation passe avant la lutte contre le ch�mage. �C�est l� qu�il a plant� le d�cor de la �contre-r�volution� qui domine la micro�conomique universitaire depuis une g�n�ration et qui continue � influencer la mani�re dont la plupart des gens con�oivent la politique mon�taire et la lutte contre l�inflation�, rappelle Galbraith. Ce faisant, Friedman justifiait l�injustice et soutenait l�autorit�. Au milieu des ann�es 1980, le mon�tarisme rigoureux dont Friedman s��tait fait le champion disparut du monde universitaire. Il trouva n�anmoins dans le �nouveau consensus mon�taire� un h�ritier l�gitime. Arr�tons-nous, un bref instant, sur cette version actuelle du mon�tarisme. Le fondement du nouveau �consensus mon�taire� est l�id�e �nonc�e par Goodfriend que �s�il intervient au moment opportun, un resserrement agressif des taux d�int�r�t � permet d��viter l�inflation �sans provoquer une r�cession� (***). Galbraith rel�ve que �dans les articles consacr�s � la politique mon�taire et le �nouveau consensus�, il n�est jamais question de crises financi�res, de pr�teur de dernier ressort ou de nationalisation des banques (comme pour la Northern Rock en Grande- Bretagne). On y trouve plut�t une profession de foi aveugle et dogmatique qui affirme que la politique mon�taire ne doit en aucun cas se soucier de pareils probl�mes. C�est en partie pourquoi je consid�re le pr�tendu �nouveau consensus mon�taire� comme une id�e d�nu�e de toute pertinence. Faisant face � la r�alit� d�un syst�me financier qui s�effondre, les banques centrales n�y ont trouv� aucun appui ; elles ont d� chercher ailleurs pour repenser leur politique. Elles y sont plus ou moins parvenues, et c�est tout � leur honneur. Mais elles ne l�ont pas avou�.Et si aussi bien Friedman que le �nouveau consensus� se trompent, que peuvent faire les banques centrales aux abois ? �Il faut qu�elles se rendent � l��vidence : l�instabilit� du capitalisme, l�irresponsabilit� des sp�culateurs rendent la r�gulation et l�intervention n�cessaire plus n�cessaire que jamais�, conclut Galbraith.
A. B.
(*) Bulletin du FMI, 8 ao�t 2008.
(**) James K. Galbraith, La fin du nouveau consensus mon�taire : la crise financi�re et l�h�ritage de Milton Friedman.La traduction fran�aise du texte int�gral peut �tre t�l�charg�e sur www. laviedesid�es.fr
(***) Pour plus de d�tails, voir Marvin Goodfriend : How the World Achieved Consensus on Monetary Policy (Comment le monde est parvenu � un consensus en mati�re de politique mon�taire), num�ro d�automne 2007 du Journal of Economic Perspectives. On peut retrouver et consulter librement cet article dans les archives de la revue sur le site www.aeaweb.org. Marvin Goodfriend y �crit : �Selon ce �principe de ciblage d�inflation�, une politique mon�taire qui vise l�inflation apporte la meilleure contribution � la stabilisation de la production [�]. Cibler l�inflation rend la production r�elle conforme � la production potentielle.�


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