Apr�s la d�faite de John Kerry, voici ce que nous �crivions dans une chronique dat�e du 5 novembre 2004 : �� Il y a tellement de causes nobles � d�fendre, tellement de batailles exaltantes � mener, que �a vaut le coup de continuer, pour dire haut et fort � Bush que l�Am�rique des riches voyous n�a pas gagn� le combat final� Il y aura d�sormais un �avant� et un �apr�s� le 2 novembre�� Quatre ann�es apr�s, et gr�ce au fiasco retentissant de Bush qui aura �largi la fracture sociale, d�pens� d�autres sommes colossales dans sa guerre d�Irak et r�ussi � �branler le capitalisme financier, le choix des �lecteurs am�ricains semble fix�, bien que les surprises de derni�re minute ne soient pas � �carter. Il est �vident, et nous l�avons �crit � plusieurs reprises ici m�me, que Barack Obama et les d�mocrates d�une mani�re g�n�rale sont loin d��tre des socialistes ! Ils restent enferm�s dans le syst�me capitaliste et il serait totalement absurde de croire qu�ils souhaitent le r�former en profondeur ou en sortir. Mais, il faut quand m�me consid�rer cette candidature et le fait qu�elle soit en t�te des sondages, comme un �v�nement marquant, une rupture fondamentale avec les traditions de la politique am�ricaine. Le monsieur qui risque d��tre port� � la t�te de la puissante Am�rique est un Noir ! Il n�y avait que les sc�naristes d�Hollywood, toujours port�s par l�extravagance, pour imaginer de telles situations. Cette Am�rique qui l�gif�rait pour asseoir les bases juridiques du racisme et dont des pans entiers refusaient l�id�e de l��galit� entre les races accepte aujourd�hui d��tre dirig�e par un Noir ! C�est une r�volution en soi et le signe le plus probant de la bonne sant� de la d�mocratie am�ricaine. Ce Noir a, en outre, le malheur de descendre d�une famille musulmane du Kenya. Sa grand-m�re paternelle se tourne cinq fois par jour vers La Mecque et toute sa tribu l�bas pratique l�islam ! Voil� qui, ajout� � la couleur de sa peau, aurait d� le disqualifier d�s le d�part, voire le rendre suspect. Ces t�tes blondes � qui forment l�immense majorit� du peuple am�ricain � ne sont pas les monstres r�actionnaires que l�on croit et il y a beaucoup de clich�s � corriger. Huit ann�es de politique extr�miste de Bush et de sa bande d�excit�s de la nouvelle droite n�ont r�ussi finalement qu�� pousser le peuple am�ricain vers la gauche. Oh oui, ici, il faut tout relativiser : la gauche, en Am�rique, ne peut pas �tre antilib�rale puisque le syst�me tout entier est b�ti sur le concept de libre entreprise et se nourrit du profit. Mais, il y a une r�elle volont� populaire d�exiger plus d�intervention de l�Etat dans la vie sociale des citoyens, plus d�aides aux programmes de logements, de soins et d��ducation en faveur des plus d�munis, plus de pr�sence des autorit�s f�d�rales dans la lutte contre le ch�mage et la protection de l�environnement, moins de poids pour les lobbies p�troliers et les industriels de l�armement dans les d�cisions politiques, moins d�agressivit� dans les relations avec le reste du monde : assur�ment, il y a, pour les Am�ricains, un r�el d�sir de changement apr�s les ann�es noires du r�gne Bush. Changement ! Voil� le ma�tre mot de la campagne de Barack Obama. Un slogan tout simple qui s�appuie sur une id�e fondamentale : puisque le bilan est sombre dans tous les domaines, le salut ne viendra que du changement. Les gens attendent une rupture totale avec les pratiques du gouvernement Bush. Obama n�a pas � trop se casser la t�te pour trouver des angles d�attaque porteurs : il faut changer la politique de l�actuelle administration. Et l�id�e prend son envol : elle fait le tour de l�Am�rique, mobilisant toutes les races, toutes les confessions. Il en est jusqu�au candidat r�publicain qui se d�tache de plus en plus de la ligne Bush, allant jusqu�� critiquer son bilan et les jours qui restent avant le vote le pousseront davantage dans cette voie. Ces pr�cisions �tant faites, il faut quand m�me voir les choses telles quelles sont, c�est-�-dire en tenant compte des r�alit�s am�ricaines. Et, � ce titre, Barack Obama a boulevers� l�ordre �tabli. D�j�, aux primaires d�mocrates, il apparaissait plus � gauche que Mme Clinton. On le savait proche des classes pauvres et il ne manquait pas une seule occasion de le rappeler. Son discours ne s�adresse pas seulement aux Am�ricains : il veut faire beaucoup pour les d�munis du monde entier, sachant que la politique de Bush a �t� � l�origine du grand d�s�quilibre actuel et du creusement du foss� entre riches et pauvres. L�ultralib�ralisme a montr� ses limites et l�actuelle crise financi�re est venue � point pour rappeler que l�on ne joue pas avec le feu sans risquer de se br�ler. Bush a pratiquement tout d�truit et s�il avait la possibilit� de briguer un troisi�me mandat l�-bas, nous ne parierons pas un copeck sur les chances de maintien de la fragile paix mondiale actuelle. Obama veut gagner l�opinion mondiale en faisant une politique diff�rente, certes inspir�e de la vision globale des d�mocrates, mais plus hardie sur certains dossiers sensibles : il compte dialoguer avec l�Iran, en finir avec la guerre d�Irak, mener une autre politique vis-�-vis du monde arabo-musulman. Il est �vident qu�une telle ligne ne vise pas tant � r�duire le r�le de gendarme des Etats-Unis qu�� cr�dibiliser la politique ext�rieure de ce pays, devenu le �grand diable� pour tous les opprim�s de la plan�te. Cela rappelle un peu les engagements de Kennedy � propos des questions br�lantes de son �poque. Mais, lorsqu�il a fallu taper sur la table et montrer ses muscles, l�Am�rique de Kennedy ne reculait pas. En tenant un discours tr�s dur sur le terrorisme et en s�engageant � renforcer la pr�sence US en Afghanistan, Obama agit de la m�me mani�re. Reste la question du conflit isra�lo-palestinien. Beaucoup de supporters arabes de Barack Obama ont �t� d��us par ses d�clarations � propos d�El Qods et de son appui inconditionnel � l�Etat sioniste. Je ne pense pas que Barack Obama soit tr�s enthousiaste � l�id�e d�aider les extr�mistes juifs ; je pense plut�t qu�il a �t� tr�s intelligent de recentrer son discours apr�s les primaires. Dans le d�bat qui l�opposait � Hillary Clinton, � l�int�rieur du camp d�mocrate, Obama devait se pr�senter comme l�homme du changement, celui qui n�a pas de liens prononc�s avec l�establishment, celui qui ne vient pas d�en haut mais d�en bas, porteur des aspirations des plus faibles. Par contre, une fois confront� aux r�publicains, il a compris tr�s vite qu�il risquait d��tre mal vu par le lobby juif, tr�s influent aux Etats-Unis ! C�est � ce moment-l� qu�il fait ses d�clarations controvers�es � propos d�El-Qods et qu�il s�empresse d�aller en Isra�l pour rassurer Isra�liens et Am�ricains sur ses intentions. Le fait d��tre noir et descendant d�une famille musulmane ne jouait pas en sa faveur ; il devait en rajouter pour ne pas inqui�ter. Je pense, au contraire, que son �lection donnera un nouvel �lan aux pourparlers de paix entre Isra�liens et Palestiniens. Ceci �tant, il faut �tre totalement na�f pour croire qu�il se rangera du c�t� des Arabes ! Ce serait trop lui demander. L�Am�rique a beaucoup � gagner avec un homme qui ne vient pas des puissantes sph�res du monde des finances et des industries et qui propose le changement comme axe central de son programme dont l�originalit� et la hardiesse sont aux antipodes des choix bushiens. Citons, entre autres, la volont� de cr�er un syst�me social plus performant et protecteur, la lutte contre la pauvret� par la formation des ch�meurs, la libert� de syndicalisation, l�aide aux plus pauvres, le financement de la r�insertion des prisonniers, l�augmentation du Smig, le d�veloppement des maternelles pour les familles les plus d�munies, l�encouragement des pauvres � atteindre l�universit�, l�am�lioration des conditions d�acc�s au logement, le lancement des grands travaux d�infrastructures dans le milieu rural, la suppression de l�imp�t pour les retrait�s, la reconstruction de la Nouvelle-Orl�ans, etc. Comme ultime et foudroyante attaque contre Obama, McCaine et sa colisti�re n�ont pas trouv� mieux que de le qualifier de �socialiste �, ce qui est la pire des calomnies aux Etats-Unis. Si Obama gagne, cela veut dire que demander plus de pr�sence de l�Etat dans les affaires de la collectivit� n�est pas une h�r�sie ; cela veut dire qu�il faut vite soutirer les d�munis et les sans-grades de la mis�re impos�e par la loi du plus fort ; oui, cela veut dire surtout que l�avenir n�appartient pas aux id�es ultralib�rales et que le vent qui soufflera bient�t sur le Nouveau Monde apportera, peut-�tre, un peu de changement en nos terres, pour que la R�volution alg�rienne retrouve son �me perdue par la faute d�une bourgeoisie qui a voulu nous imposer les choix de l�ultralib�ralisme am�ricain. Cette bourgeoisie vorace, sans g�nie, incapable d�humanit�, broyeuse d�hommes et d�espoir, n�a sem� que pauvret� et int�grisme� Et elle s�en fiche, parce qu�elle vit ailleurs et n�utilise l�Alg�rie que pour remplir ses comptes bancaires � l��tranger.