La crise de logement a atteint des proportions alarmantes... Des familles �clatent � cause de conflits dus � la promiscuit�. Pour fuir l�enfer, certaines construisent illicitement une pi�ce-cuisine sur la terrasse de leur immeuble, comme on peut le voir � la cit� Pouillon (Oued-Koriche, ex-Climat-de- France). D�autres familles ont carr�ment squatt� des grottes souterraines, faisant du ventre d�Alger un logis qu�elles se disputent aux rats. D�autres encore s�entassent � 15 personnes dans de minuscules conciergeries sans fen�tre, sans lumi�re et sans a�ration. Dans les entrailles du boulevard Mohammed V Dans les entrailles du boulevard Mohammed V, juste au-dessous des escaliers reliant ce boulevard � la rue Didouche-Mourad (plus exactement � la rue Mouloud- M�kid�che), vit une famille de 5 �mes : le p�re, la m�re et leurs trois enfants �g�s de 3 � 10 ans. C�est une grotte souterraine creus�e dans la roche et qui servait d�abri durant la guerre de Lib�ration nationale. Klari Belkacem, le papa (40 ans), accepte de nous faire le tour du propri�taire. �Cela fait 11 ans que je cr�che dans ce trou, raconte-t- il. Ma femme et ma m�re passaient leur temps � se cr�per le chignon. Alors, j�ai claqu� la porte de l�appartement parental pour m�installer sur la terrasse, dans la buanderie (be�t essaboune). Comme les disputes continuaient de plus belle, j�ai d�cid� de squatter ce �ghar� o� je vis depuis 11 hivers, tel l�homme de Cro- Magnon, avec femme et enfants !� Des fleurs contre la laideur Ouvrant le portail grillag�, Belkacem nous invite � p�n�trer dans son antre. Il �l�ve un petit chat blanc qui profite de l�inattention de son ma�tre pour se faufiler � l�int�rieur. �L�homme des cavernes�� le rattrape in extremis. �Tu sais bien qu�on va te voler si tu t�aventures dehors�, lui dit-il sur un ton affectueux. La visite peut commencer. Une b�che bleue est jet�e sur un fil suspendu pour pr�server des regards indiscrets. �Les passants sont d�une curiosit� maladive et ne peuvent s�emp�cher de jeter des regards insistants sur notre mis�re�, �ructe notre �h�te��. A l�entr�e de la grotte, surprise : des plantes grimpantes, des pots de fleurs et m�me une petite tonnelle de jasmin !! Serpentant dans les tr�fonds d�Alger, cet abri, froid et humide, est plong� dans une demi-obscurit�. Pour pallier le manque d�a�ration et d�oxyg�ne, Belkacem laisse allumer en permanence un ventilateur � l�entr�e du souterrain. �Un riverain m�a pass� un fil pour le courant �lectrique. La lampe reste allum�e 24 heures sur 24. Ce tunnel remonte ainsi jusqu'� la rue Mulhouse. J�en ai condamn� le passage avec des planches, laissant juste assez d�espace pour y vivre � cinq.� Une butane de gaz, un r�chaud � deux feux, une minuscule table, un peu de vaisselle, quelques matelas gisant � m�me le sol constituent le mobilier de cette famille. Un bruissement permanent accompagn� d�un petit �cho emplit l�air. Y aurait-il une fontaine quelque part ? Notre guide soul�ve une serpilli�re cachant une sorte d'�gout �clat�. �C�est une eau souterraine provenant de la for�t de A�n-Zaboudja, sur les hauteurs du T�lemly. De l�eau de source contamin�e et pollu�e. Ma femme l�utilise exclusivement pour le m�nage. Pr�c�demment, j�avais un chien. Il a trouv� la mort apr�s avoir bu de cette eau. Regardez cet escadron de moustiques et moucherons qui tournoient autour... c�est pour �a que je mets ce chiffon.� Dodo en compagnie des rats Humidit�, absence d�oxyg�ne, insalubrit�, et comme si cela ne suffisait gu�re, de gros rongeurs attendent la nuit pour crapahuter sur les corps endormis. �Derni�rement, un de ces rongeurs a mordu mon fils par le nez�, affirme Belkacem. Ayant d�pos� plusieurs demandes de logement au niveau de la commune d�Alger-Centre, ce p�re de famille, qui travaille comme gardien de parking (trottoir) juste � c�t� de cette grotte, non loin du commissariat du 6e arrondissement, ne sait plus � quel saint se vouer. �J�ai peur de voir mes enfants grandir dans ce trou � rats, nous dit-il, d�pit�. L�espoir ne fait plus partie de mon lexique !� Ex-conciergerie Les conciergeries. A l�origine, ce sont ces petits appartements au rez-de-chauss�e des immeubles o� vit g�n�ralement un couple charg� de sortir les poubelles et de faire le m�nage. Aujourd�hui, ces logements sont occup�s, pour la plupart, par des familles nombreuses. C�est le cas de l�immeuble n�7 du boulevard Khemisti. Un deux-pi�ces obscur, sans fen�tre ni a�ration, occup� par Messaouda (68 ans) �Je vis ici depuis 31 ans, confie-t-elle. Divorc�e, j�ai �lev� seule mes 7 enfants. Deux de mes filles vivent avec moi avec leurs enfants, faute de logement. Au d�but, j�assurais le m�nage dans l�immeuble contre un petit p�cule vers� par les locataires. Puis, comme personne ne voulait plus mettre la main au porte-monnaie, j�ai rendu le tablier. Chacun s�occupe de nettoyer son propre palier.� Une colonie de cafards Sur le palier de ce rez-de-chauss�e transform� en s�che-linge, des v�tements, des draps, des couettes pendouillent sur des fils de s�chage. Nous ouvrons la porte de son logis, Messaouda pointe du doigt les murs o� plusieurs processions de cafards luisants avancent en file indienne. �J�ai beau leur mener la guerre avec tout un arsenal d�insecticides, ils pullulent partout et jusque dans mon frigo. Ils proviennent du caf� jouxtant ma loge. D�autres inconv�nients d�coulent de cette proximit� : le brouhaha des clients, les injures, l�odeur suffocante du tabac... Mes appels de d�tresse aux services sociaux de l�APC d�Alger-Centre n�ont pas abouti, alors je ronge mon frein en attendant des jours meilleurs�, conclut notre interlocutrice. Sabrinal