Psychologue psychothérapeute, Ouafa Bensaada exerce en cabinet depuis 6 ans. Ayant poursuivi ses études supérieures à l'université de Paris-Diderot, elle a pu exercer auparavant en région parisienne dans une structure d'aide aux personnes en détresse psychique et également à l'aide sociale à l'enfance. Elle a pu, ainsi, prendre en charge des enfants dans des situations familiales compliquées. De retour en Algérie, pendant quelques années, et parallèlement à son travail, elle a été écoutante bénévole et formatrice dans une association d'écoute et de soutien psychologique, notamment de femmes victimes de violences. Son parcours universitaire et professionnel lui permet, dans cet entretien, de répondre à diverses questions relatives à la cellule familiale, notamment aux relations dans la fratrie. Elle donne également des conseils pour que chaque membre puisse trouver la place qui lui sied. Soirmagazine : Même si des statistiques formelles n'existent pas, on a l'impression que les Algériens font appel plus facilement à un psychologue. Qu'en pensez- vous ? Ouafa Bensaada : Oui, c'est une réalité. Même si de plus en plus d'Algériens consultent ou font appel à un psychologue, beaucoup le font plus facilement quand il s'agit de leurs enfants. Or, il se trouve que, dans de nombreux cas, les enfants sont pris dans une dynamique familiale défaillante, c'est-àdire une situation conflictuelle où l'enfant est mis en porte-à-faux. Leur prise en charge peut alors passer par une médiation avec les parents ou une thérapie familiale. Il s'agit alors pour le thérapeute de comprendre quelle place occupe l'enfant dans sa famille, celle-ci provient à la fois de l'imaginaire parental mais aussi de la manière dont l'enfant réel se moule dans cet imaginaire, compte tenu de ses compétences propres. Le désir d'enfant tel qu'il est ressenti par l'un et/ou l'autre des parents varie à l'infini dans ses motivations et ses expressions : prouver sa fertilité, affirmer son statut d'adulte, vouloir être enceinte, vouloir un garçon, une fille, faire ce que veulent les parents, chercher à soigner une dépression, une mésentente dans le couple, remplacer un enfant perdu, etc. L'enfant doit ainsi trouver sa place dans la dynamique psychique du couple et de la famille et ce n'est pas toujours simple. Et pour revenir au sujet de ce dossier, tout ceci se complique encore plus avec l'arrivée d'un deuxième enfant. Comment réagit l'aîné à la naissance de son petit frère ou petite sœur ? Evidemment, chaque enfant réagit à sa façon et à sa manière propre à lui d'exprimer son émotion. Généralement, l'arrivée du deuxième représente un bouleversement pour l'aîné qui voit ses repères, sa place d'enfant unique et ses habitudes bousculés ! Souvent l'arrivée de ce petit dernier est vécue comme une menace pour son espace affectif. Du fait que tous les regards soient tournés vers lui, il accapare l'attention des adultes, la maman passe beaucoup de temps à le nourrir, le changer, le bercer et le grand peut se sentir exclu. L'enfant aîné peut, alors, présenter ce qu'on appelle une pathologie réactionnelle ou trouble de l'adaptation, ce qui représente une manifestation clinique consécutive à des événements de vie, ici en l'occurrence une naissance. Il est défini comme «un état de détresse et de perturbation émotionnelle entravant habituellement le fonctionnement et les performances sociales, survenant au cours d'une période d'adaptation à un changement existentiel important ou à un événement stressant». Les symptômes peuvent être variables, anxiété, trouble du sommeil, instabilité, échec scolaire, troubles du comportement. Mais les plus récurrents sont l'énurésie, l'encoprésie et le bégaiement. Que faire pour atténuer la jalousie de l'aîné ? Des observations faites par Françoise Dolto, qui s'est beaucoup intéressée et a écrit sur la question, nous montrent que ce qui se passe souvent avec l'arrivée d'un nouveau-né, c'est que l'enfant se retrouve en proie à des tensions émotionnelles aiguës et que l'adulte se retrouve partie prenante dans le conflit. C'est-à-dire face à l'agressivité de l'enfant, l'adulte tend à blâmer plutôt qu'à déchiffrer un comportement qui cherche à l'être. Faute d'en lire le sens, le parent laisse alors l'enfant en panne avec un désir de connaissance que camouflent ses revendications et ses révoltes. En d'autres termes, je pense qu'il faut que les parents acceptent l'idée de cette agressivité. Accepter que, dans un premier temps, cela soit difficile pour leur aîné de faire face à ce changement de repères. Il s'agit d'une phase dure pour l'enfant et ses parents, mais nécessaire. Reconnaître la souffrance de l'enfant face à l'arrivée d'un puîné est une chose primordiale pour l'aider à surmonter et à accepter cette nouvelle configuration familiale. Je pense qu'il faut que les parents acceptent l'idée que tout ne peut pas toujours se passer comme ils pouvaient l'imaginer, ils se plaignent de cette jalousie ou ne la comprennent pas. Ils pensent avoir fait tout ce qu'il fallait pour que leur enfant ne soit pas jaloux ; or, l'enfant a son propre rythme et son propre désir. Vouloir absolument que l'enfant intègre son frère ou sa sœur peut accentuer le conflit et mener à l'échec. Comment l'aider à adopter l'enfant ? Il arrive assez fréquemment que ça soit au niveau du langage que se noue le conflit de jalousie, le bégaiement en est un exemple assez représentatif. L'adulte qui éduque peut se montrer plus soucieux de corriger un comportement agressif lié à la jalousie de l'enfant que de répondre à ses questions en suspens et à mettre des mots sur ses émotions. Trouver les mots justes, être à l'écoute, mettre en parole l'agressivité sans blâmer est le meilleur moyen d'aider son enfant à accepter puis aimer son puîné. Il s'agit là d'une phase passagère qui peut être difficile à vivre pour l'enfant et ses parents. Lui accorder du temps à lui, lui parler de ce qu'il ressent, sont des choses simples que l'on peut faire et qui ont un impact positif sur l'enfant. Lorsque les symptômes persistent et durent dans le temps, et que les parents se sentent désemparés, il est fortement recommandé de consulter un spécialiste afin que l'enfant puisse exprimer son agressivité et sortir du conflit.