A la veille de l��lection pr�sidentielle, les �imams �chelle 13� montent au cr�neau. Pardon : au minbar. C�est que la cause est sacr�e, pardi ! En ces temps de bidouillage politique tout-va, le probl�me n�est pas de faire r��lire le pr�sident. �a, c�est comme qui dirait d�j� dans la poche. Il faut surtout que le taux de participation ne soit pas hchouma. Il y va de la cr�dibilit� de l�imp�trant. On ne peut pas plastronner quand on est �lu avec des clopinettes. Pour contrer le perfide abstentionnisme qui emp�che de dormir nos strat�ges et fait voir � Louisa Hanoune des agents de l�imp�rialisme partout, tous les moyens sont bons. En appeler � Dieu est, au fond, un moyen comme un autre de repousser la tentation du diable ! R�unis � Alger � l�occasion de la Journ�e du chahid � deux symboles sciemment entrem�l�s, la �l�gitimit� r�volutionnaire � et la �l�gitimit� religieuse�, dont Bouteflika 2 essay� de tirer le maximum � sous la pr�sidence du ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghoulamallah, les imams se sont fendus d�un appel hautement citoyen. Ils pr�conisent de �sensibiliser les fid�les au vote et les exhorter � accomplir leur devoir citoyen en participant massivement � la prochaine �lection pr�sidentielle �. Convertir les �fid�les� en �citoyens� n�a, bien entendu, rien de �politique�. D�ailleurs, quelques jours auparavant, le disert ministre des Wakfs, jurait qu�il veillait � ce qu�on ne fasse pas de politique dans les mosqu�es en Alg�rie. C�est justement pour que les mosqu�es demeurent le lieu de la spiritualit� et de rien d�autre que son d�partement minist�riel a exp�di� une lettre circulaire aux 48 directions de wilaya du pays pour pr�venir contre tout d�rapage. Parce que �les imams, en tant que fonctionnaires de l�Etat� doivent �sensibiliser les citoyens � l�enjeu que repr�sente l��lection pr�sidentielle pour l�avenir de la nation�. Derri�re la langue de bois d�une telle phrase, un enfant de six ans comprendrait que les imams sont donc invit�s � user de leur magist�re religieux pour ramener les brebis �gar�es dans les landes de l�abstentionnisme vers le troupeau qui se serre autour du berger. Apr�s, c�est le bagout ! Comment le dire, c�est une question d��cole. Mais comme il ne fait pas les pr�ches � moiti�, le ministre se fait pr�cis : �Je conseille aux imams de ne pas se confiner dans un r�le de t�moin passif devant cet �v�nement d�cisif. Les appels � l�abstentionnisme ne refl�tent aucunement les valeurs pr�n�es par l�Islam.� Quel est le comportement �lectoral conforme � l�Islam ? C�est �videmment un ex-nouveau d�bat byzantin� Le fait est que la convocation des imams au chevet de l��lection pr�sidentielle par le remuant ministre des consciences feint de puiser ses arguments dans le registre citoyen. Inciter les �fid�les� � accomplir leur devoir �citoyen� n�est-ce pas un mod�le de civisme ? Mais c�est un leurre. On est en plein dans l�utilisation des tribunes des mosqu�es � des fins politiques de p�rennisation du pouvoir de Bouteflika. Fonctionnaires de leur �tat, comme le rappelle leur ministre de tutelle, les imams sont invit�s � l�instar de leurs pairs de l�administration � �uvrer � figer le pays dans le statu quo actuel, quitte � ce que cette p�trification soit chant�e avec des accents de lyrisme sur la patrie et sur l�importance capitale d�une telle �tape dans l�histoire. Et patata ! Deux choses m�ritent d��tre soulign�es. Primo : faut-il rappeler quels cataclysmes r�sultent de l�implication des lieux de culte comme ar�nes politiques. Il ne faut pas aller loin pour en mesurer les d�g�ts. Le radicalisme du FIS et ses pr�tentions totalitaires ont �t� g�n�r�s pr�cis�ment par les manipulations des mosqu�es comme lieux de confusion entre politique et religion. C�est d�une na�vet� affligeante ou d�une ruse sans pareille que de croire que les mosqu�es sont des lieux o� la raison domine au point o� on peut les mobiliser sur le front politique quand on en a besoin et qu�on les renvoie � leurs quartiers d�s qu�elles cessent d��tre utiles. Erreur ! Erreur fatale, dont on n�a pas fini d�estimer les d�g�ts. Jouer avec la foi, c�est jouer avec le feu. Et il y a un moment o�, comme dirait l�autre, ��a commence � n��tre plus du jeu�. Rouvrir les tribunes des mosqu�es � la propagande en faveur de Bouteflika, c�est prendre la responsabilit� d�y r�veiller ce jusqu�au-boutisme ravageur qui ne dort que d�un �il. Deuxio : personne n�est dupe de cette fa�on de faire passer un acte politique pour un imp�ratif civique. Inciter les �fid�les� � voter comme on leur demanderait d�attendre leur tour dans une �cha�ne�, de c�der leur place dans le bus � plus �g� que soi ou de ne pas cracher par terre ! L�abstentionnisme, cette fois-ci plus que jamais, n�est pas de l�incivisme, d�sinvolture par rapport au devoir �lectoral, ni du populisme, mais bel et bien une position de critique radicale de la cuisine politique men�e par l��quipe au pouvoir pour se maintenir. Quelle autre possibilit� est-elle offerte aux Alg�riens de refuser de donner leur confiance � un mandataire sans mandat ? Presse publique verrouill�e � la lame de ba�onnette, �tat d�urgence � g�om�trie variable, comment exprimer le rejet de la mascarade qu�on maquille sous les traits d�un tournant historique ? Dans le cahier des charges des imams, il est �crit qu�ils doivent combattre chez les �fid�les� les intentions d�abstention comme on chasse les mauvaises pens�es. Tout est dans le sens qu�on donne au mot �fid�les�. Fid�les � quoi, au fait ?