Nous entamons aujourd'hui une s�rie sur la corruption et les affaires qui minent la gestion des ex�cutifs des wilayas. Malheureusement, pour reprendre une expression puis�e dans le jargon de la presse, il y a abondance de mati�re. Faut-il rappeler que la d�finition la plus couramment accept�e de la corruption est l'abus d'une position publique en vue d'un int�r�t priv� ? La banalisation de la corruption en Alg�rie, la d�liquescence et la criminalisation de l'Etat, la privatisation interne de la bureaucratie, ont favoris� le d�veloppement d'une corruption � la fois syst�mique et g�n�ralis�e li�e � la nature n�opatrimoniale de l'Etat alg�rien. 1re partie L�Etat n�opatrimonial est une sorte d�Etat avort� et la corruption lui est consubstantielle. Il repose sur le pouvoir personnel. Cette notion est un prolongement de la notion de domination traditionnelle patrimoniale qui repose sur l�id�e de confusion du public et du priv� dans un contexte de �l�gitimit� traditionnelle. Si les ressources viennent � manquer ou qu�elles ne sont pas judicieusement redistribu�es, l�instabilit� menace. L'Etat se transforme en Etat purement pr�dateur, utilisant la force uniquement pour se maintenir au pouvoir et en extraire tous les b�n�fices possibles. Dans le contexte alg�rien, diverses pratiques de corruption- �change social sont monnaie courante, qu�il s�agisse du n�potisme, du client�lisme, du copinage ou encore du �tribalisme �. Le n�potisme renvoie � la pr�gnance des relations de parent� au sein de la famille �tendue, qui impose � l�acteur public � un wali par exemple � de faire profiter les membres de sa parent�le de son acc�s privil�gi� aux ressources publiques. �Potentats� locaux et pillage en r�gle Les observations de terrain que nous menons depuis une dizaine d'ann�es dans plusieurs wilayas montrent que, au-del� des transactions occasionnelles, les partenaires v�reux cherchent fr�quemment � p�renniser les transactions corruptrices, autrement dit � les transformer en relations sociales stabilis�es de type �client�liste�, o� les relations mon�taires sont noy�es dans les relations de proximit� (�changes de faveurs, invitations r�ciproques, etc.). Parmi les formes de corruption transactionnelle, nous pouvons ranger les diff�rentes commissions que les fonctionnaires des wilayas et des APC re�oivent pour les services d�interm�diation qu�ils ont fournis ou les services ill�gaux qu�ils ont rendus. Les agents publics partagent ainsi avec l�usager les b�n�fices illicites que ce dernier a obtenus gr�ce � leur intervention. A l�exemple classique des 10% que tout soumissionnaire d�un march� public doit verser aux membres des commissions d�attribution, il faut ajouter des commissions de nature renti�re, lorsque par exemple l�obtention d�un emploi administratif g�n�rateur de gains illicites importants pr�voit le versement p�riodique d�une somme d�argent au sup�rieur hi�rarchique responsable de la nomination. La d�tresse des citoyens face aux abus de l�administration locale impunie d�coule de l�absence de voies efficaces de recours et de l�impunit� g�n�ralis�e. Aux all�gations et accusations contenues dans la presse ou propag�es par la rumeur font rarement suite des enqu�tes approfondies, encore moins des sanctions. Il convient de signaler que depuis 1999 � explosion des recettes du p�trole aidant � toutes les wilayas d'Alg�rie ont b�n�fici� d'enveloppes budg�taires globales et de fonds sp�ciaux pratiquement sans aucune limite financi�re, � ne plus savoir qu'en faire, inutilis�s en grande partie et sans aucune mesure avec les petites dotations des ann�es ant�rieures. Ce qui explique qu'une partie de ce budget somnole dans les caisses de l'Etat, faute d'�tre utilis�e par ceux qui en ont la charge et qui n'ont pas demand� autant d'argent ; l'autre partie faisant l'objet de d�tournements et autres vols. Un trop grand nombre de projets d�infrastructures publiques est � l�arr�t ou avance tr�s peu. Cet �norme retard dans la r�alisation des programmes de d�veloppement communaux et sectoriels dont ont b�n�fici�s les wilayas, notamment pour la p�riode 2005-2009, s'explique d'abord par le peu d'int�r�t de ces �potentats� locaux pour le d�veloppement de leur wilaya, et surtout par la gestion bureaucratique et opaque des march�s publics au niveau de l�administration de la wilaya et des diff�rentes directions ex�cutives. Violations syst�matiques de la r�glementation sur les march�s publics Nombre de commis de l'Etat se servent au lieu de servir. Les faits sont accablants, notamment � travers les violations de la r�glementation des march�s publics, sous toutes les formes, violations presque syst�matiques. Exemples de violations, et la liste n'est pas compl�te : sp�cifications et lotissements orient�s des prestations, limitation de l�information, non-diffusion de l�information au m�me moment � tous les concurrents, cr�ation artificielle d�ambiance d�urgence pour �viter la mise en concurrence, non-objectivit� des crit�res de qualification, dissimulation de crit�res de qualification, formation d�ententes entre les fournisseurs, effet de surprise dans le lancement des appels d�offres, abus de la r�gle de l�entente directe, fractionnement artificiel, sur ou sous-�valuation de l�estimation, non-respect de la confidentialit� des offres avant leur d�pouillement, infructuosit� trop fr�quente dans les appels d'offres favorisant le gr� � gr�, �sous-traitance � des march�s confi�es � une faune d'interm�diaires recrut�e dans la parent�le des d�cideurs, etc. Pendant ce temps, la situation sociale et �conomique dans la plupart des wilayas du pays ne cesse de se d�grader. Elles sont livr�es aux pr�dateurs et aux corrompus, qui, usant et abusant de leur fonction et de leur pouvoir au sein de l'administration de la wilaya et des diff�rentes directions de l'ex�cutif local, ont fait main basse sur les deniers publics, l'enrichissement illicite �tant devenu leur principale activit�. Un nombre important d'institutions de la R�publique repr�sent�es localement, m�me parmi les plus sensibles, est touch� par ce fl�au. Pour nettoyer les �curies d�Augias, il faudra y mettre les moyens, et prendre des mesures conservatoires imm�diates qui s�imposent. Mais le pouvoir central n'a pas du tout la volont� politique pour agir dans ce sens, surtout pr�occup� � se p�renniser par n'importe quel moyen. Il ne pourra pas dire qu'il ne savait pas et qu'il n'est pas averti. De nombreux citoyens honn�tes et int�gres sont d�cid�s � ne plus se taire face au pillage en r�gle que subit leur wilaya. M�me si les repr�sailles syst�matiques � leur encontre est la r�gle, et que le prix � payer est lourd.