Sammy Buha�ri qui nous r�gale, � partir de son exil am�ricain, de chroniques acidul�es sur son pays, l'Egypte, est revenu au Caire, comme il le fait � intervalles r�guliers, pour apprendre. Et les nouvelles ne sont pas toujours bonnes dans ce pays qui ne se compla�t pas toujours dans l'immobilit� mais se permet des bonds fantastiques en arri�re. Un exercice dont il n'est pas le leader attitr� et qui est prescrit � tout pays arabe, dirig� par une �lite agr��e par Dieu. Oui, l'Egypte est vraiment la matrice du monde, la nourrice de l'orphelinat arabe, mais avec tout ce monde accroch� � ses mamelles, elle est oblig�e de reculer. A Doha, le saut en arri�re a �t� moins remarqu� mais il y avait quand m�me Amr Moussa pour incarner la sainte ligue. Car si l'Egypte veut bien s'adapter et recouvrir son histoire mill�naire du voile sombre, il y a deux concessions qu'elle ne veut pas faire : l�cher le si�ge ainsi que le secr�tariat g�n�ral de la Ligue arabe et renoncer � diriger le mouvement international des Fr�res musulmans. Il n'est pas impossible, d'ailleurs, que les deux institutions fusionnent un jour prochain sous la houlette d'un m�me chef. N'ont-elles pas des r�ves de gloire partag�s et des r�flexes identitaires et claniques quasiment identiques ? Sur ce dernier point, il faut que le plus officiel de nos islamistes, le d�nomm� Aboudjerra, renonce � ses ambitions internationalistes. Ce n'est pas � lui que le chef actuel des Fr�res musulmans d'Egypte, et du monde n�oislamique, Mehdi Akef, remettra le b�ton de commandement. Car la bonne nouvelle qui attendait notre ami Sammy Buha�ri, dans sa patrie, c'est que Mehdi Akef ne briguera pas un nouveau mandat. La mauvaise �tant que ni les Jordaniens, ni les Syriens, et encore moins les Palestiniens et les Alg�riens, ne peuvent pr�tendre g�rer un jour les destin�es du mouvement de Hassan Al-Bana. S'agissant de nos islamistes maison, j'ai m�me rencontr� ce commentaire d�sobligeant d'un quotidien �gyptien selon lequel, les marchands d'amulettes et de talismans ne sont pas du bois dont on fait les leaders charismatiques (1). Ce dont nous n'avons jamais dout� un seul instant. Commence alors la s�rie des d�convenues que rapporte Sammy Buha�ri dans le magazine Elaph. D'abord, au march� o� il accompagne son ami �gyptien et la fille de ce dernier, habill�e selon la nouvelle tradition. Elle porte plusieurs tissus pour dissimuler ses formes mais en vain, sa beaut� et sa f�minit� transpercent les habits multiples et le voile. Puis, en guise d'avertissement, le chroniqueur prend soin de nous avertir que son ami se plaint souvent de l'extr�misme religieux de ses enfants (2). Direction, donc, la boutique de t�l�phonie o� la jeune Cairote veut acheter un cadeau pour une de ses amies. Elle cherche une marque pr�cise et son p�re lui montre pr�cis�ment un portable de couleur violette. Une couleur qui sied � la gent f�minine et qui fera certainement plaisir � la destinataire du cadeau. Refus de la jeune fille qui r�pond que son amie est religieusement �engag�e� et qu'elle n'acceptera pas la couleur violette. Sammy Buha�ri intervient � son tour : �Pourquoi utilise-t-elle alors un portable, quelle qu'en soit la couleur ? Cite-moi un seul texte religieux qui interdit le t�l�phone violet !� Plus tard, l'exil� rappelle � la jeune fille qu'on �tait le 21 mars, jour de la f�te des m�res en Egypte et il lui demande si elle a souhait� une bonne f�te � sa maman. �Oui, je l'ai fait, r�pond-elle sans grande conviction. Et elle ajoute : �D'abord, c'est une f�te am�ricaine � l'origine.� Sammy Buha�ri lui pr�cise que les Am�ricains c�l�brent cette f�te le deuxi�me dimanche de mai et qu'en Egypte, c'est le journaliste Mustapha Amine qui en a lanc� l'id�e � la fin des ann�es cinquante. �Elle n'a pas sembl� int�ress�e par mes propos, note-t-il, et elle s'est m�me lanc�e dans une critique acerbe de la c�l�bration de la Saint-Valentin, du Mouloud, de No�l, sans compter la �Grande Nuit�, que les Egyptiens f�tent depuis l'�poque des Fatimides. En d�plorant avec mon ami l'extr�misme religieux des nouvelles g�n�rations, le chroniqueur rapporte le cas insolite de cette jeune fille en �niqab� qui est pass�e r�cemment � la t�l�vision. Elle a admis, � contre c�ur, que le �niqab� n'�tait pas une obligation religieuse avant d'objecter finalement : �Mais imaginons qu'apr�s ma mort, je d�couvre l�-bas que le �niqab� �tait une obligation. Je n'aurais plus la possibilit� de revenir sur terre pour le porter. Alors je pr�f�re prendre mes pr�cautions.� Sammy Buha�ri raconte encore cette histoire : au d�but du vingti�me si�cle, le tarbouche ottoman �tait une obligation, voire une prescription religieuse pour les Egyptiens. C'est l'histoire d'un homme perdu dans le d�sert et qui aper�oit surgissant de derri�re une dune un homme tout nu et coiff� d'un tarbouche. Il s'approche de l'homme et engage avec lui ce dialogue : � - Tu n'as pas honte de te promener ainsi nu ? -Il fait trop chaud et puis personne ne passe par l� ! - D'accord, et le tarbouche, c'est pour quoi ? - C'est pour le cas o� quelqu'un passerait par l� !� �Ils sont en train d'inventer une nouvelle religion�, s'indigne le chroniqueur devant l'accumulation des manifestations ostentatoires d'une religiosit� qui s'�loigne de plus en plus de la vraie spiritualit�. �Comment peuvent-ils dire que la seule diff�rence entre un Arabe et un �tranger est dans la force de la foi alors qu'ils oublient les horreurs que subissent au Darfour des musulmans d'origine africaine (...) Ils nous parlent du grand dirigeant qu'�tait Saladin en feignant d'ignorer qu'il �tait kurde et en oubliant que des dizaines de Kurdes ont p�ri la semaine derni�re lors d'un attentat. Ils nous disent que la religion condamne la violence et ils ne prennent m�me pas la peine de condamner l'attentat sanglant dans une mosqu�e au Pakistan. Si c'est �a la religion, alors qu'est-ce que la m�cr�ance ? conclut Sammy Buha�ri. En attendant, les femmes musulmanes ont trouv� le moyen de tourner � leur avantage les restrictions impos�es par les hommes. Apr�s avoir impos� le hidjab sur toute l'�tendue du globe, les islamistes s'aper�oivent aujourd'hui que le voile peut desservir leurs objectifs. Aujourd'hui, ils ne savent plus quoi faire devant ces jeunes filles qui arborent des hidjabs �choufni� (regardez-moi), avec des jeans serr�s qui d�voilent leurs formes. Les jeunes du Machrek et du Maghreb ont mis en vogue le concept du hidjab �Iqra'a en haut et Rotana en bas�. Ce concept renvoie � la cha�ne fondamentaliste saoudienne Iqra'a pour le haut du corps et � la cha�ne musicale Rotana pour le bas. Le hidjab �Iqra'a et Rotana� ajoute � la confusion des th�ologiens qui ne savent plus s'il faut encore s'accrocher aux textes anciens sur l'attraction de la chevelure f�minine alors que les hommes regardent dans une tout autre direction. Un de ces jours, ils nous sortiront peut-�tre une fetwa recommandant de d�nuder le haut et de voiler le bas. Dans l'espoir que les femmes en aient enfin assez de voir tous les pr�ceptes et les pr�cepteurs passer par leurs corps. Si c'est �a la religion... A. H.
(1) Vous avez remarqu� que j'ai tenu parole jusqu'ici et que je n'ai pas fait la moindre allusion aux �v�nements qui font l'actualit� en Alg�rie. Toutefois, je ne garantis rien pour les semaines � venir. (2) Ils se plaignent tous de la �mauvaise interpr�tation� que fait leur prog�niture de l'Islam mas ils s'y adaptent, apparemment sans trop de g�ne. Les choses sont plus faciles � expliquer quand on les fait �pour les enfants�.