Utilis�e pour la premi�re fois en 1989, l�expression �Consensus de Washington� recouvre la feuille de route de l�ordre n�oconservateur triomphant et conqu�rant depuis l�arriv�e de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher aux commandes. Adopt� par les organisations financi�res internationales, y compris inter�tatiques, il r�git leurs conditions d�assistance aux pays en difficult� en instaurant notamment un contr�le de performance �tabli sur une batterie de crit�res des plus r�actionnaires : d�mant�lement du secteur public, privatisation des services publics, interdiction des subventions, flexibilit� et pr�carisation de l�emploi, soumission aux lois du profit pour la satisfaction des besoins �l�mentaires (basic needs) en eau, �ducation et sant�. Qu�advient-il de ce �consensus� en pleine crise financi�re ? John Williamson, l�auteur du concept, un keyn�sien d�clar�, revient sur les traces de son b�b� pour �tudier ce que le G 20 lui r�serve comme avenir, dans une r�cente contribution parue sur le site du Peterson Institute ce 10 avril(*). Il le fait pour r�agir � l�id�e �mise par le Premier ministre britannique Gordon Brown que l'ancien �Consensus de Washington� serait d�j� mort et enterr� et qu�il est d�sormais remplac� par un nouveau consensus atteint � Londres, � la faveur du dernier Sommet du G20. L�exercice auquel il se livre � nouveau consiste � comparer les dix commandements fondateurs du �Consensus de Washington� avec les nouvelles recommandations de Londres. Le communiqu� de Londres comporte, en effet, un engagement � travailler pour un �nouveau consensus mondial sur les principales r�formes et les principes qui soutiendront une activit� �conomique durable� (paragraphe 21). John Williamson r�v�le qu�au-del� des d�clarations d�intention et des saupoudrages � la crise rien de substantiel ne semble affecter l�ordre dominant des choses. Retour aux sources et rappel des dix mythes fondateurs du �Consensus de Washington� : 1. Discipline budg�taire. L'id�e est que les gouvernements devraient �viter de financer des tensions inflationnistes et chercher � financer par des m�canismes dits de �taxation honn�te� ce qu'ils d�pensent. 2. R�orientation des d�penses publiques. Un d�ficit excessif devrait �tre corrig� par une diminution des d�penses publiques ou une augmentation de la fiscalit�. Les seules d�penses publiques cens�es couvrir des besoins utiles, sont celles destin�es � la sant�, l'�ducation et l'infrastructure, par opposition (comme c'est souvent le cas) � la d�fense, la bureaucratie, ou la subvention de productions industrielles �tatiques. 3. R�forme fiscale. L'id�e �tait d'am�liorer les mesures d'incitation, sans aggravation de la r�partition des revenus, avec une r�duction des taux marginaux d'imposition et l��largissement de l'assiette d�imposition fiscale. 4. Lib�ralisation financi�re. La circulation des capitaux est libre. 5. Taux de change comp�titif. 6. Lib�ralisation du commerce et abolition des subventions � l'exportation. 7. Lib�ralisation des investissements directs �trangers (IDE), avec abolition des restrictions sur les entr�es et les sorties d'IDE. 8. Privatisation des industries d'Etat. 9. D�r�glementation (au sens de suppression des barri�res douani�res et tarifaires � l'entr�e et � la sortie). Cette expression sera ult�rieurement associ�e � celle de mondialisation. 10. Droits de propri�t�. Le �Consensus de Washington� portait initialement sur l'extension des droits de propri�t� au secteur informel. John Williamson a raison de rappeler que, m�me dans les ann�es 1990, les participants au Sommet de Londres adh�raient tous au �Consensus de Washington�, et que certains d�entre eux �taient m�me parties prenantes de ce m�me consensus. En d�clarant sans ambages au paragraphe 3 que �la prosp�rit� est indivisible�, les participants au Sommet de Londres r�it�rent qu�ils n'ont pas l'intention de renoncer � la mondialisation de ces derni�res d�cennies. L'importance de maintenir un syst�me commercial ouvert est par la suite soulign�e dans les paragraphes 12, 22, 23 et 24. Le m�me paragraphe 3 mentionne les trois fondements d�une mondialisation �durable et de prosp�rit� : l�ouverture, l�adoption des lois du march� et, seul fait apparemment nouveau, �une r�glementation efficace�. Sur l'engagement � �viter le pi�ge du protectionnisme, la r�alit� est tout autre. Elle ressemble plut�t � cette plaque d'un chantier naval anglais r�servant l'embauche aux citoyens britanniques : �Portugais ou Italiens s'abstenir �, dans une Europe cens�e avoir boucl� tous les cycles d'int�gration-fusion chers � Bela Balassa, le grand sp�cialiste austro-am�ricain de la question. Pour rester en Europe, le gouvernement fran�ais, qui a la Tch�quie dans sa ligne de mire, subordonne ses aides � l'industrie automobile au maintien des emplois sur le sol fran�ais. Plus � gauche, on n'est pas plus internationaliste, ni europ�en : l'�quipe de Jos� Luis Zapatero pr�ne une politique protectionniste in�dite formul�e dans les termes suivants : �Il faut introduire le facteur espagnol dans les habitudes de consommation.� Chaque sujet de Sa Majest� est invit� � acheter pour 150 euros de produits �made in Spain�. Ce repli n'est pas rassurant. En 1929, la contraction des �changes avait prolong� la crise jusqu'� la guerre et ce, malgr� l'introduction de l'obligation d'audit avec responsabilit� civile. Aujourd�hui, tous les regards sont port�s sur les agences de notation. Une situation dans laquelle on se mord la queue lorsqu�on sait que lesdites agences ne sont que des analystes financiers qui utilisent les travaux d�audit qui leur sont remis par les banques audit�es et not�es. �Il y a plusieurs questions qui n'�taient pas int�gr�es dans le �Consensus de Washington� : la prosp�rit� partag�e, la r�glementation, de solides institutions mondiales et l'environnement�. La prosp�rit� partag�e (r�partition des revenus) n'y figure pas, parce que le sort des pauvres n��tait tout simplement pas � l�ordre du jour, parce qu�ils ne pouvaient pas faire autant de bruit que maintenant ou parce que, l��rosion des couches moyennes aidant, l�ordre social n�a jamais �t� aussi explosif. S�agissant des questions majeures constitutives du �Consensus de Washington�, � savoir la mondialisation, l'�conomie de march� et la discipline fiscale, le communiqu� de Londres est consid�r� �plus comme un d�veloppement que comme une r�futation du Consensus de Washington�. Il reste � savoir sur quoi portera la r�glementation largement convenue et qui pourra la mener � bien ? Il ne faut surtout pas se fier aux gesticulations des politiques, � la gravit� de leurs propos ou aux menaces qu�ils peuvent prof�rer contre le monde de la finance. Loin des cam�ras, c�est le grand amour. Faire assumer la r�gulation aux appareils actuels de l�Etat capitaliste, c�est confier la garde d�une cr�che ou d�une �cole � un p�dophile. L'�chec de l'Etat � r�guler le secteur bancaire est �vident, av�r� et structurel. La d�connexion des march�s mon�taires et financiers, l�abrogation des contr�les des changes et l�av�nement des produits d�riv�s sous forme d�innovations financi�res ont, d�s le d�but des ann�es 1980, fait �clater en lambeaux la fonction traditionnelle d�interm�diation des banques. Aussi paradoxal que cela puisse para�tre, cela s�est fait sous la conduite du socialiste Jacques Delors � la t�te des Commissions europ�ennes, du temps du gouvernement B�r�govoy. L�autre faille insurmontable de la r�gulation est l�absence de contr�le des dirigeants des banques par les actionnaires, y compris lorsque l'Etat est propri�taire des banques comme pour les �Landesbanken� sous contr�le des L�nder allemands. Tout le reste n�est que de la poudre aux yeux. A. B. (*) John Williamson, Global Financial Crisis, The �Washington Consensus� : Another Near-Death Experience ? Peterson Institute for International Economics April 10th, 2009.